Le genre Naemorhedus, communément appelé goral, regroupe des caprinés asiatiques agiles vivant dans des habitats montagneux escarpés. Ces mammifères discrets et robustes occupent les forêts et les pentes rocheuses de l’Himalaya jusqu’à la péninsule indochinoise. Longtemps confondus avec d’autres genres proches comme Capricornis (les serows), les gorals s’en distinguent par leur morphologie plus gracile, leur taille plus réduite et leur comportement souvent plus farouche. Ce genre demeure encore peu connu du grand public, malgré son importance écologique dans les forêts d'altitude d'Asie. Le nombre exact d’espèces en son sein a varié selon les travaux taxonomiques, mais les recherches récentes appuyées sur la génétique et la morphologie permettent aujourd’hui de mieux en cerner les contours. Le genre Naemorhedus soulève encore des questions de classification, ce qui en fait un sujet de recherche actif en systématique des bovidés.
Les espèces formant le genre Naemorhedus Source photos
DESCRIPTION
Les gorals, de petits ongulés aux allures de chèvre, sont des champions de l'adaptation montagnarde. À l'image des saros, chamois et chèvre des montagnes rocheuses, ces animaux sont parfaitement équipés pour les terrains escarpés. Le mâle, qui surpasse légèrement la femelle en taille, mesure jusqu'à 75 cm au garrot et pèse entre 25 et 35 kg. Leurs longues pattes, à la fois robustes et agiles, leur confèrent une aptitude exceptionnelle au saut et à l'escalade. Leur fourrure est composée d'un sous-poil court et laineux surmonté de longs poils rudes, et leurs cornes, mesurant 15 cm, sont courbées vers l'arrière.
HABITAT
Les différentes espèces de goral sont réparties depuis le nord du Myanmar et le Cachemire, à travers le système montagneux de l'ouest et du nord de la Chine, jusqu'en Corée et dans la région de Sikhote-Aline en Sibérie orientale. Le goral roux, l'espèce la plus localisée, vit dans les montagnes de l'est du Myanmar et de l'Assam, ainsi que dans la région aride du haut Brahmapoutre, au sud-est du Tibet.
BIOLOGIE
En été, les gorals se nourrissent de pâturage. Cependant, à l'automne, ils se déplacent vers des régions plus boisées et consomment principalement des feuilles, ainsi que des glands qu'ils extraient sous la neige en creusant avec leur museau. En février et mars, lorsque les chutes de neige sont les plus importantes, ils se nourrissent surtout de branches. En hiver, les gorals sont constamment recouverts de neige et doivent sauter pour se déplacer. Les femelles et les juvéniles vivent en groupes de 2 à 12 individus, tandis que les mâles adultes restent solitaires la majeure partie de l'année.
Les gorals sont principalement actifs le matin et le soir. Après leur repas matinal, ils descendent dans la vallée pour s'abreuver, puis se couchent au soleil sur un plateau, immobiles, les pieds repliés sous eux et la tête penchée en avant.
Les mâles rejoignent les groupes de femelles de la mi-septembre à la fin septembre et reprennent leur vie solitaire après l'accouplement, qui a lieu au cours de la première quinzaine de novembre. Les petits naissent début mai dans le Sichuan, mais pas avant juin dans le Sikhote-Aline. Ils restent cachés parmi les rochers pendant que les femelles paissent à proximité. Habituellement, un seul petit naît, les jumeaux étant rares et les triplés encore plus rares. Les petits tètent jusqu'à la fin de l'automne, mais restent avec la mère jusqu'au printemps suivant. Les gorals peuvent vivre jusqu'à 15 ans.
PRÉDATION
Les gorals, petits ongulés montagnards, sont la proie de nombreux prédateurs dans leur habitat asiatique. Bien que la topographie escarpée de leurs montagnes leur offre une certaine protection, ils restent vulnérables à divers carnivores adaptés à ces environnements. Parmi les grands félins, la panthère des neiges (Panthera uncia) est sans doute le prédateur le plus emblématique dans les régions de haute altitude de l'Himalaya, utilisant son pelage camouflé et son agilité pour traquer les gorals. Le léopard est également une menace importante dans les zones de chevauchement d'habitat, grâce à sa furtivité et sa capacité à surprendre ses proies, tandis que le tigre peut s'attaquer aux gorals dans les régions forestières montagneuses où leurs territoires se rejoignent.
Quant aux canidés, le loup gris, souvent en meute, est un prédateur efficace, surtout en hiver lorsque la neige peut ralentir les gorals. Le dhole est un chasseur de meute très performant, utilisant des tactiques de poursuite prolongée pour épuiser ses proies. Les ours, comme l'ours noir d'Asie et l'ours brun de l'Himalaya, bien qu'omnivores et opportunistes, peuvent s'attaquer aux gorals, en particulier aux jeunes ou aux individus affaiblis. D'autres prédateurs incluent le lynx, qui cible les jeunes, et l'aigle royal, capable d'emporter les jeunes gorals depuis les airs. Le manul, bien que plus petit, peut également s'attaquer aux très jeunes gorals non surveillés.
LES ESPÈCES
Le genre Naemorhedus regroupe les gorals, de petits caprinés sauvages que l'on trouve dans les régions montagneuses d'Asie. La taxonomie de ce genre a connu quelques ajustements au fil du temps, notamment avec la séparation des saros dans un genre distinct (Capricornis). Actuellement, le genre Naemorhedus est généralement considéré comme comprenant trois ou quatre espèces selon les sources (la liste ci-dessous reprend celle accetpée par l'IUCN :
L'histoire taxonomique du genre Naemorhedus est marquée par plusieurs étapes et parfois des débats, notamment concernant sa relation avec les saros. Les premières descriptions de ce qui allait devenir des espèces de gorals remontent au début du XIXe siècle. Le goral de l'Himalaya, par exemple, fut décrit par Hardwicke en 1825, initialement sous le genre Antilope. Cette période était caractérisée par une classification plus large des ongulés, où de nombreux animaux aux caractéristiques communes étaient regroupés avant que des études plus détaillées ne permettent des distinctions plus fines.
Le genre Naemorhedus lui-même a été établi par C. H. Smith en 1827. L'étymologie du nom, du latin nemus, nemoris (clairière, bosquet) et haedus (chevreau), fait référence à leur habitat forestier et leur petite taille. Il est intéressant de noter que l'orthographe Naemorhedus est celle qui a été adoptée, bien que l'orthographe originale proposée ait été Nemorhaedus. Cette divergence est un exemple des subtilités des règles de nomenclature zoologique.
Pendant une longue période, le genre Naemorhedus a inclus non seulement les gorals, mais aussi les saros, des animaux de taille plus grande et plus robustes, que l'on trouve également en Asie. Ces derniers étaient classés sous des noms comme Naemorhedus sumatraensis (saro du continent) ou Naemorhedus crispus (saro du Japon).
Cependant, des études morphologiques et plus tard des analyses génétiques approfondies ont montré que les gorals et les saros étaient suffisamment distincts pour justifier leur séparation en deux genres distincts. C'est ainsi que les saros furent reclassés dans le genre Capricornis, soulignant leurs différences morphologiques (taille, forme du crâne, glandes préorbitales plus développées chez les saros) et leurs divergences évolutives. Cette révision majeure a clarifié la structure du groupe des "chèvres-antilopes" asiatiques.
Après cette séparation, le genre Naemorhedus s'est stabilisé pour inclure les espèces de gorals. Au fil du temps, des espèces autrefois considérées comme des sous-espèces ont été élevées au rang d'espèces distinctes, en se basant sur des différences morphologiques, géographiques et, de plus en plus, génétiques. C'est le cas du goral gris (Naemorhedus griseus) qui, après avoir parfois été vu comme une sous-espèce du goral à longue queue, est maintenant généralement accepté comme une espèce à part entière (sauf pour l'IUCN). Le goral à longue queue (Naemorhedus caudatus) et le goral roux (Naemorhedus baileyi) ont également été établis comme des espèces distinctes au cours de cette période de raffinement taxonomique.
Smith, C. H. (1827). "Naemorhedus". In: Griffith, E. (Ed.), The Animal Kingdom arranged in conformity with its organization by the Baron Cuvier, with additional descriptions of all the species hitherto named, and of many not before noticed. Vol. 4. London: Geo. B. Whittaker.
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