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Saro du Continent (Capricornis sumatraensis)


Discret habitant des forêts montagneuses d’Asie du Sud-Est, le saro du Continent (Capricornis sumatraensis) est un caprin mystérieux et peu observé dans son milieu naturel. Ce bovidé trapu au pelage sombre évolue dans les régions escarpées de la péninsule malaise, de la Thaïlande, du Myanmar et de l’Indochine. Solitaires et farouches, ces animaux sont bien adaptés à la vie en terrain accidenté. Encore peu étudié, le saro du Continent joue néanmoins un rôle écologique important dans les écosystèmes forestiers tropicaux de moyenne et haute altitude.


Saro du Continent (Capricornis sumatraensis)
Saro du Continent (Capricornis sumatraensis)
© Ralf Bürglin - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)



DESCRIPTION

Le saro du Continent présente une silhouette robuste, compacte et musclée, bien adaptée à la vie dans les terrains escarpés et les forêts denses. Sa taille varie généralement entre 90 et 140 centimètres au garrot, pour une longueur totale de 140 à 180 centimètres. Le poids des adultes oscille entre 60 et 120 kilogrammes selon l’âge, le sexe et la localisation géographique.

Le pelage du saro est épais, rêche et souvent de teinte sombre, allant du noir au brun foncé, avec parfois des reflets grisâtres. Cette coloration lui assure un camouflage efficace dans la pénombre des sous-bois. Il porte une crinière érectile bien visible sur le cou et le dos, surtout chez les mâles, ce qui renforce son allure impressionnante.

Les deux sexes sont pourvus de cornes droites, légèrement incurvées vers l’arrière, atteignant en moyenne 15 à 20 centimètres de long. Les cornes sont annelées à la base et pointues à l’extrémité. Le museau du saro est allongé, et ses yeux sont relativement grands, lui procurant une bonne vision périphérique. Ses membres sont courts mais puissants, dotés de sabots adaptés à la traction sur les sols rocailleux et humides. L’ensemble de cette morphologie témoigne de son adaptation remarquable à un habitat exigeant.


Capricornis sumatraensis
Capricornis sumatraensis
© Daniel Heuclin - Arkive
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HABITAT

Le saro du Continent présente une répartition actuelle qui s'étend à travers onze pays d'Asie, divisée en trois sous-espèces géographiques :

* Saro de Sumatra (Capricornis sumatraensis sumatraensis) : Actuellement confiné à la chaîne volcanique des monts Bukit Barisan à Sumatra (Indonésie), avec trois populations principales. On le trouve également de manière dispersée en Malaisie péninsulaire, principalement dans les états du nord. En Thaïlande, sa présence est limitée aux collines et falaises calcaires abruptes au sud du 9e parallèle. Ses populations sont fragmentées et de faible densité dans ces zones.

* Saro de Chine (Capricornis sumatraensis milneedwardsii) : Sa répartition couvre une vaste zone incluant une grande partie du Myanmar, le Cambodge, le sud et le centre de la Chine (jusqu'à l'est de l'Himalaya), le Laos, la Thaïlande et le Vietnam. En Chine, il est largement distribué dans le centre et le sud-est, suivant les chaînes montagneuses. En Thaïlande, il est limité aux mêmes types d'habitats que la sous-espèce sumatraensis, avec une ligne de démarcation incertaine. Au Laos, il se trouve principalement dans les zones accidentées de la chaîne annamite. Au Cambodge, il est limité aux collines entourant les plaines centrales. Au Vietnam, bien qu'historiquement présent dans presque toutes les zones protégées, ses populations ont considérablement diminué et sa répartition actuelle est fragmentée. Au Myanmar, il suit les chaînes montagneuses boisées, à l'exception du nord où il est remplacé par le saro carmin (Capricornis rubidus).

* Saro de l'Himalaya (Capricornis sumatraensis thar) : Présent à l'est et au sud-est du Bangladesh, dans l'Himalaya (Bhoutan, nord de l'Inde incluant Sikkim et Népal), en Chine (Tibet) et probablement à l'ouest du Myanmar. Sa répartition est dispersée mais étendue dans l'Himalaya, avec des populations fragmentées et souvent de faible densité en Inde. Au Népal et au Bhoutan, il est largement répandu jusqu'à 3 500 mètres d'altitude. En Chine, il se limite à une étroite bande forestière du versant sud du Qomolangma et au comté de Medog au Tibet.


Capricornis sumatraensis distribution
     Répartition du Saro du Continent
© Manimalworld
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)

ALIMENTATION

Le saro du Continent est un herbivore strict, se nourrissant principalement de végétation ligneuse et de feuillage tendre, qu'il trouve dans les forêts tropicales et subtropicales où il évolue. Ses habitudes alimentaires sont influencées par la disponibilité des ressources végétales, qui varient selon les saisons. Il se nourrit principalement de jeunes pousses, de feuilles, de fougères, d'herbes et de lianes. En altitude, le saro a également été observé en train de consommer des arbustes et des plantes grimpantes. Ses préférences alimentaires incluent les plantes à feuilles coriaces et les végétaux difficiles d'accès, ce qui lui permet de se nourrir là où d’autres herbivores auraient plus de difficultés.

Ce caprin est un ruminant, doté d'un système digestif complexe qui lui permet de tirer parti de la végétation grossière et peu digeste, grâce à la fermentation dans le rumen. Il pâture à différentes heures de la journée, mais privilégie souvent les moments de calme, tels que tôt le matin ou en fin de journée, afin de minimiser les risques de rencontre avec des prédateurs. Bien que principalement herbivore, il peut parfois ingérer des racines et des écorces en fonction de la disponibilité de la nourriture. Cette flexibilité alimentaire lui permet de survivre dans des habitats où la nourriture peut être sporadique.


Saro du Continent zoo de Chiang Mai
Saro du Continent au zoo de Chiang Mai en Thaïlande
Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes

REPRODUCTION

Le saro du Continent suit un cycle de reproduction saisonnier, généralement pendant la saison des pluies, quand la végétation est abondante et que les conditions sont plus favorables à la survie des jeunes. La période de rut se produit habituellement entre octobre et décembre, avec les mâles qui deviennent particulièrement territoriaux et agressifs pendant cette période.

Après une gestation d'environ 230 jours, les femelles donnent naissance à un seul petit, rarement des jumeaux. Les nouveau-nés sont élevés dans des cachettes sécurisées, loin des prédateurs, où ils dépendent du lait maternel pour leurs premiers mois de vie. Les jeunes sont capables de se déplacer assez rapidement après la naissance, mais ils restent proches de leur mère pendant les premiers mois. La maturité sexuelle est atteinte vers 18 à 24 mois, bien que les femelles puissent se reproduire dès l’âge de 2 ans, tandis que les mâles commencent à participer au rut vers 3 à 4 ans.

La longévité du saro du Continent varie en fonction des conditions de vie et des menaces auxquelles il fait face. En milieu naturel, il peut vivre de 10 à 15 ans, bien que de nombreux individus ne survivent pas au-delà de 10 ans en raison des risques liés à la prédation, aux maladies et à la perte d'habitat. En captivité, certains saros ont atteint jusqu’à 18 ans. Toutefois, la longévité des individus sauvages reste difficile à déterminer de manière précise en raison des défis que ces animaux affrontent dans la nature.


Saro du Continent gros plan
Gros plan du saro du Continent
© Ge0rgev - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

COMPORTEMENT

Le saro du Continent est un animal généralement solitaire, bien qu’il puisse être observé en petits groupes, surtout pendant la période de reproduction. Les groupes sont souvent composés de femelles et de leurs jeunes, tandis que les mâles adultes préfèrent mener une existence indépendante, parfois territoriale. Les individus adultes, tant chez les mâles que chez les femelles, sont très discrets et préfèrent éviter les confrontations avec d’autres animaux, y compris d’autres conspecifics. Ils sont actifs principalement au crépuscule et à l’aube, ce qui leur permet de se nourrir dans des conditions d’ombre et de fraîcheur.

Lorsqu’ils se sentent menacés, les saros adoptent une posture de défense en s’immobilisant, utilisant leur excellent camouflage pour se fondre dans la végétation environnante. Si la menace persiste, ils s’éloignent rapidement, utilisant leur agilité pour se déplacer dans les terrains escarpés. Leur aptitude à grimper et à se déplacer sur des pentes raides leur permet de fuir efficacement les prédateurs. En période de rut, cependant, les mâles peuvent devenir plus bruyants et territoriaux, émettant des appels et des sons graves pour marquer leur présence et attirer les femelles.

Les saros ne forment pas des liens sociaux durables en dehors de la reproduction, mais des interactions peuvent avoir lieu lorsqu'ils partagent un espace commun pour se nourrir ou se reposer. Les jeunes restent souvent proches de leur mère pendant les premières années de leur vie, apprenant les comportements essentiels à la survie.


Saro du continent thailande
Saro du continent photographié en Thaïlande
© Utain Pummarin - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

PRÉDATION

Le saro du Continent étant un herbivore vivant dans des zones montagneuses denses et relativement inaccessibles, ses prédateurs naturels sont limités. Toutefois, les grands carnivores présents dans ses habitats peuvent constituer une menace. Parmi les prédateurs principaux, on trouve le tigre de Malaisie (Panthera tigris jacksoni), qui est capable d'attaquer de grands ongulés. Les tigres, solitaires et furtifs, profitent de leur camouflage et de leur puissance pour capturer des proies comme le saro lorsqu'il se déplace trop loin de ses cachettes sécurisées.

En plus des grands félins, le léopard (Panthera pardus) peut également s'attaquer à des jeunes ou des individus faibles. Les léopards, étant des prédateurs opportunistes, peuvent capturer des animaux plus petits, mais n’hésitent pas à abattre un saro adulte si l’occasion se présente. Les canidés sauvages tels que les dholes (Cuon alpinus), bien qu’ils ne soient pas des prédateurs principaux, peuvent également représenter un danger lorsqu'ils chassent en meute.

Le saro est également exposé aux attaques d'animaux moins visibles mais tout aussi dangereux, tels que les grands serpents constricteurs qui habitent les forêts tropicales, et peuvent s’attaquer aux jeunes ou aux individus vulnérables.

Malgré ces dangers, la vie en terrain difficile et l'agilité du saro lui permettent de minimiser les risques de capture. Lorsqu'il est confronté à un prédateur, il utilise sa rapidité, son endurance et son habileté à naviguer dans les pentes rocheuses pour échapper à l'attaque.


Saro du Continent en Inde
Saro du Continent dans l'Arunachal Pradesh, Inde
© Marc Faucher - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

MENACES

Le saro continental, réparti en Asie du Sud-Est, en Chine et dans la région himalayenne, fait face à une extinction locale en raison de menaces combinées. Le braconnage, alimenté par la demande de viande, de cornes et d'autres parties du corps sur les marchés locaux et régionaux, constitue une menace majeure. Les collets, en particulier, déciment les populations. Simultanément, la perte et la fragmentation de l'habitat, dues à l'empiètement forestier pour l'agriculture, l'exploitation forestière et le développement des infrastructures (barrages, autoroutes), réduisent son aire de répartition et isolent les populations.

Dans le détail, en Chine, le piégeage est la principale cause de déclin. La gale sarcoptique, liée à des conditions de faiblesse, est également meurtrière. En Asie du Sud-Est, la situation est critique au Cambodge, avec l'exploitation forestière, la chasse (piégeage) et les mines terrestres qui pèsent lourdement sur l'espèce. Le Laos est un point névralgique pour le commerce de ses parties utilisées en médecine traditionnelle, alimentant le commerce transfrontalier. Au Vietnam, la chasse pour la viande de brousse et le commerce d'os pour la médecine sont omniprésents. La Thaïlande subit une perte d'habitat due à l'agriculture et à l'exploitation forestière, associée au braconnage pour la viande et les trophées. Le Myanmar est confronté à la chasse, au braconnage et à la déforestation. En Indonésie (Sumatra), la destruction de l'habitat due à l'agriculture sur brûlis et à l'exploitation forestière illégale alimente le braconnage. La Malaisie voit son habitat détruit par les carrières de calcaire, et l'espèce est ciblée pour sa viande et ses parties du corps, utilisées en médecine traditionnelle.

Dans la région himalayenne, la destruction de l'habitat et la concurrence avec le bétail sont des problèmes majeurs. La transmission de maladies du bétail (gale sarcoptique et variole caprine) est une menace croissante. Le braconnage reste répandu pour la subsistance et le commerce. Au Bangladesh et au Népal, la culture sur brûlis et la fragmentation de l'habitat contribuent à son déclin, tandis qu'au Bhoutan, les populations semblent plus stables.


Saro du continent zoo de Melaka
Saro de Sumatra au zoo de Melaka en Malaisie
© Lubomír Klátil - BioLib
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CONSERVATION

Le saro du continent est actuellement considéré comme une espèce menacée. Il est inscrit dans la catégorie "Vulnérable" (VU) sur la Liste rouge de l'IUCN ainsi qu'en Annexe I de la CITES.

Malgré la protection juridique accordée au Saro continental dans plusieurs pays, son avenir reste incertain. L'Indonésie protège l'espèce depuis 1932, et plus de 3 millions d'hectares d'habitat sont couverts par des aires protégées. La Malaisie péninsulaire interdit également sa chasse. La Chine le classe comme espèce protégée de catégorie II, et il est potentiellement menacé au Laos. Au Vietnam, il figure sur la liste des espèces menacées et est protégé par la loi. L'Inde, le Bhoutan et le Népal interdisent également sa chasse. Cependant, il n'existe aucune législation apparente visant à la conservation au Cambodge, au Myanmar et en Thaïlande.

Au-delà de la protection juridique, les efforts de recherche et de surveillance restent limités. Quelques études ont été menées au Vietnam et dans la zone de conservation de l'Annapurna. Des organisations telles que le WWF, FFI et WCS ont réalisé des enquêtes par pièges photographiques dans des zones protégées d'Asie du Sud-Est, enregistrant la présence du saro, mais ces données ne sont pas toujours accessibles pour des recherches ciblées. Des enquêtes similaires ont été menées en Inde et dans l'Himalaya bhoutanais.

Par conséquent, des recherches supplémentaires sur la distribution, le statut et l'impact du braconnage et du commerce sont cruciales. La publication d'informations sur l'écologie et le comportement du saro continental est également essentielle. Ces efforts de sensibilisation sont nécessaires pour intensifier les mesures de conservation et empêcher d'autres extinctions locales. L'accès aux données existantes est également un enjeu important.


Saro continental au Cambodge
Saro du continent phtographié au Cambodge
© xplor - iNaturalist
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TAXONOMIE

Le saro du Continent appartient à la famille des Bovidae et à la sous-famille des Caprinae. Il a été décrit pour la première fois par Johann Matthäus Bechstein en 1799, ce qui en fait l’un des membres les plus anciennement identifiés du genre Capricornis. Le nom du genre dérive du latin capra (chèvre) et cornu (corne), désignant ainsi un "porteur de cornes caprin", tandis que l'épithète sumatraensis fait référence à l’île de Sumatra, où l’espèce est abondante.

Historiquement, la taxonomie du genre Capricornis a été confuse en raison de la grande variabilité morphologique entre les populations et du chevauchement de leurs aires de répartition. Officiellement, le genre regroupe généralement quatre espèces de saros reconnues par la plupart des autorités taxonomiques actuelles :

* Saro carmin - Capricornis rubidus

* Saro de Taïwan - Capricornis swinhoei

* Saro du continent - Capricornis sumatraensis

* Saro du Japon - Capricornis crispus


Mainland Serow
En anglais, le saro du continent est appelé Mainland Serow
© Liu Guangyu - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communSaro du continent
Autre nomSerow continental
English nameMainland serow
Español nombreSerau de Sumatra
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreArtiodactyla
Sous-ordreRuminantia
FamilleBovidae
Sous-familleCaprinae
GenreCapricornis
Nom binominalCapricornis sumatraensis
Décrit parJohann Matthäus Bechstein
Date1799



Satut IUCN

Vulnérable (VU)

SOURCES

* Liens internes

Arkive

BioLib

CITES

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

Wildlife Conservation Society (WCS)

World Wide Fund for Nature (WWF)

* Liens externes

Ralfs' Wildlife and Wild Places

Wikimedia Commons

Zooinstitutes

* Bibliographie

Bechstein, J.M. (1799). Kurze Beschreibung merkwürdiger naturhistorischer Gegenstände.

Groves, C. P., & Grubb, P. (2011) Ungulate Taxonomy. The Johns Hopkins University Press.

Wilson, D. E., & Reeder, D. M. (2005) Mammal Species of the World: A Taxonomic and Geographic Reference. Johns Hopkins University Press.

Harris, R. B., et al. (2018) Ecology and Conservation of the Himalayan Ibex and Other Wild Caprids. Springer.

Duckworth, J.W., Steinmetz, R. & Gray, T.N.E. (2020). Capricornis sumatraensis. The IUCN Red List of Threatened Species 2020: e.T162916735A162916910.

Geist, V. (1987). On the evolution of locomotor stamina and its importance in the evolution of big game mammals of temperate habitats. Symposia of the Zoological Society of London, 58: 351–378.

Valdez, R. (2011). Caprinae. In: D.E. Wilson & R.A. Mittermeier (eds.) Handbook of the Mammals of the World, Vol. 2: Hoofed Mammals. Lynx Edicions.