Saro carmin (Capricornis rubidus)
Le saro carmin (Capricornis rubidus) est une espèce rare de caprin sauvage endémique de l’ouest de l’Arunachal Pradesh, dans le nord-est de l’Inde, ainsi que de certaines régions adjacentes du nord du Myanmar. Cet animal mystérieux, longtemps mal connu, se distingue par son pelage sombre aux reflets rouges ou bruns acajou, ce qui lui confère une allure unique au sein des espèces de saros. Comme les autres membres du genre Capricornis, il vit dans des forêts montagneuses escarpées, préférant les terrains rocheux couverts de végétation dense. Espèce discrète, son observation en milieu naturel est rare, ce qui rend son étude difficile. Toutefois, les recherches récentes commencent à lever le voile sur son écologie, sa biologie et son importance pour les écosystèmes montagnards d’Asie du Sud-Est. Le saro carmin est également appelé Serow rouge ou saro rouge.

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Le saro carmin présente une morphologie robuste et compacte, typique des bovidés adaptés aux environnements montagneux. Il mesure généralement entre 85 et 105 cm au garrot pour une longueur totale allant de 140 à 180 cm. Son poids adulte varie entre 80 et 110 kg, les mâles étant légèrement plus massifs que les femelles. Les deux sexes portent des cornes courtes, noires, lisses et légèrement recourbées vers l’arrière, mesurant en moyenne entre 15 et 25 cm. Ces cornes sont utilisées lors de conflits intraspécifiques, surtout entre mâles en période de reproduction.
Le saro carmin se reconnaît à son pelage rude, d'une couleur brun-rouge sombre à acajou, d’où provient l’adjectif "carmin" de son nom commun. Une fine ligne sombre court le long de sa colonne vertébrale, des épaules jusqu'à la queue. Au sommet de son cou, il arbore une crinière de longs poils qu'il peut dresser lorsqu'il est en alerte ou excité. Son visage est dépourvu de marques particulières, mais de grandes glandes pré-orbitales sont visibles devant ses yeux. Une tache blanche située sous sa mâchoire se prolonge en une bavette blanche sur le haut de sa gorge.
Sa tête est allongée, avec un museau droit et des yeux expressifs cerclés de noir. Les membres sont courts mais puissants, dotés de sabots rigides et d’un coussinet plantaire qui permet une excellente adhérence sur les terrains rocheux et escarpés. L'animal possède aussi une glande pré-orbitale bien développée, typique chez les caprinés, utilisée pour marquer son territoire. Son apparence globale évoque une combinaison de chèvre et d’antilope, renforcée par une posture alerte, une musculature dense et une démarche assurée même sur les pentes les plus abruptes.

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Le saro carmin est une espèce dont la répartition est fragmentée et mal connue, s'étendant du nord et potentiellement de l'ouest du Myanmar, à l'est de l'Inde (Mizoram, Assam, Nagaland, Meghalaya, Arunachal Pradesh, Manipur) et à la province chinoise du Yunnan. La confusion avec d'autres formes de saros rougeâtres et la variation de coloration au sein de l'espèce compliquent la délimitation précise de son aire de répartition.
Au Myanmar, l'espèce est confirmée dans l'État Kachin, avec des signalements moins certains dans d'autres régions. En Inde, il est l'animal officiel du Mizoram et est signalé comme relativement abondant dans certaines collines du nord-est, malgré une chasse fréquente. En Chine, sa présence est confirmée dans le Yunnan, où il cohabite avec le saro du continent (Capricornis sumatraensis). L'habitat altitudinal varie de 1 000 à 3 000 mètres.
Dans la province du Yunnan, en Chine, le saro carmin a été observé dans des forêts de feuillus sempervirentes humides de moyenne montagne, sympatriques avec le saro du continent. Il est probable que l'habitat de cette espèce dans toute son aire de répartition soit similaire, voire identique, à celui d'autres espèces de Capricornis en Asie du Sud et du Sud-Est, qui se composeraient de collines escarpées et accidentées et de zones rocheuses, ainsi que de zones forestières de collines et de montagnes au relief plus doux. Castelló (2016) note que cette espèce est présente dans les forêts tropicales vallonnées du nord-est de l'Inde.

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Le régime alimentaire du saro carmin est celui d’un herbivore généraliste, adapté à un environnement montagnard forestier où les ressources peuvent varier considérablement selon les saisons. Il se nourrit principalement d’une grande variété de végétaux, incluant des feuilles, des rameaux, des jeunes pousses, des écorces, des fruits tombés et parfois des graminées ou fougères. Il semble particulièrement friand des plantes à larges feuilles, disponibles dans les forêts tropicales humides et les pentes boisées du nord-est indien et du Myanmar. Il n’est pas rare de le voir lécher des roches riches en sel ou en minéraux, ce comportement étant commun chez de nombreux caprinés qui compensent les carences minérales de leur alimentation.
La reproduction du saro carmin reste encore partiellement méconnue en raison de la rareté des observations directes dans son habitat naturel. Les femelles, après une période de gestation estimée à environ 210 à 220 jours, mettent bas au début de la saison des pluies, entre mai et juillet. La portée est en général composée d’un seul petit, bien que des jumeaux puissent être exceptionnellement observés. Le jeune est capable de se tenir debout quelques heures après la naissance, une capacité essentielle à sa survie dans un environnement accidenté. Il reste cependant à l’abri et dépendant de sa mère pendant les premières semaines. L’allaitement dure entre trois et cinq mois, mais le jeune commence à consommer de la végétation dès l’âge de quelques semaines. L’indépendance est généralement acquise à six ou huit mois. La maturité sexuelle survient vers deux à trois ans, selon les conditions environnementales et la disponibilité des ressources.
Très discret, le saro carmin est aussi notoirement difficile à observer. Il évite activement le contact avec les humains et les autres animaux, s’appuyant sur ses sens aiguisés pour détecter les intrusions. Il possède une excellente ouïe et un odorat développé, qui compensent sa vue modérément performante. Lorsqu’il est menacé, il préfère fuir rapidement vers les hauteurs, utilisant les pentes raides et les falaises comme refuge naturel. C'est un animal principalement solitaire, bien qu’il puisse parfois être observé en petits groupes familiaux, en particulier lorsqu’une femelle est accompagnée de son petit. Les mâles adultes tendent à vivre seuls et à n’interagir avec les femelles que durant la saison de reproduction. Cette organisation sociale dispersée est typique des espèces vivant dans des habitats montagneux denses, où les contacts visuels sont souvent limités par la végétation et le relief.

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Le saro carmin, vivant dans les zones forestières et montagneuses reculées, n’échappe pas à la prédation, bien que celle-ci soit limitée par son habitat difficilement accessible et sa nature prudente. Les principaux prédateurs naturels identifiés dans les régions où vit ce bovidé comprennent les grands carnivores asiatiques, en particulier le léopard (Panthera pardus), qui est probablement son principal ennemi naturel. Les léopards sont bien adaptés à la chasse dans des environnements boisés et escarpés, et ils exploitent leur capacité à se mouvoir silencieusement pour surprendre leur proie.
Dans certaines zones plus septentrionales, le tigre (Panthera tigris) pourrait également représenter une menace occasionnelle, surtout si le saro fréquente les zones plus basses à la recherche de nourriture. Cependant, les données sur cette interaction restent limitées. Le dhole (Cuon alpinus), chien sauvage d’Asie, bien que plus rare dans certaines portions de l’habitat du saro carmin, peut aussi représenter une menace, surtout pour les jeunes ou les individus affaiblis.
Les petits saros sont également vulnérables aux attaques d’aigles, notamment de l’aigle royal (Aquila chrysaetos) dans les zones d’altitude, ou d’autres rapaces puissants qui pourraient profiter de leur faible mobilité dans les premiers jours après la naissance. Les serpents de grande taille, tels que les pythons, pourraient aussi représenter un danger dans certains secteurs plus chauds et humides de son aire de répartition.
La principale défense du saro carmin réside dans sa vigilance constante, sa capacité à grimper rapidement sur des terrains abrupts et à se dissimuler dans la végétation dense. Sa coloration sombre lui procure également un camouflage efficace, le rendant presque invisible dans les sous-bois et les falaises ombragées.

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L'empiètement sur l'habitat et le braconnage représentent des menaces majeures pour le saro carmin dans toute son aire de répartition en Asie du Sud, du Sud-Est et de l'Est continentale. Ces menaces sont souvent liées, l'exploitation forestière facilitant l'accès aux braconniers. Le saro est ciblé pour sa viande et diverses parties de son corps, très prisées en médecine traditionnelle dans toute son aire de répartition et au-delà. La fragmentation de l'habitat et le braconnage à des fins de consommation et de commerce de parties du corps menacent toutes les sous-populations existantes.
En Asie du Sud-Est, le braconnage pour la viande et les parties utilisées en médecine traditionnelle est répandu. Des parties de saro sont régulièrement observées sur les marchés d'espèces sauvages. Au Myanmar, le braconnage est très important. La viande est consommée localement, mais les pattes avant, la tête, les cornes et la graisse d'estomac sont particulièrement recherchées pour leurs prétendues vertus médicinales. L'huile extraite de ces parties est vendue et utilisée pour traiter diverses affections, des fractures osseuses à la cataracte en passant par les problèmes cutanés et les douleurs tendineuses. Les cornes et les têtes sont fréquemment trouvées sur les marchés d'animaux sauvages, et les pointes de cornes sont même exportées vers la Thaïlande pour être utilisées dans les combats de coqs. Ce commerce transfrontalier viole la législation nationale et la CITES, qui classe le saro carmin en Annexe I. Des entretiens avec des commerçants indiquent un déclin apparent des populations de saros, les braconniers devant parcourir de plus longues distances pour les trouver.
En Asie du Sud, notamment en Inde (Mizoram, Nagaland, Meghalaya, Arunachal Pradesh, Assam et Manipur), le saro carmin est fortement braconné pour sa viande et à des fins médicinales. La destruction de l'habitat par l'abattage et l'agriculture traditionnelle exacerbe la situation. Dans la chaîne de Barail, environ 50 % de l'habitat du saro a été perdu depuis les années 1950. Bien que légalement protégé dans tous les pays d'Asie du Sud, l'application de la loi est souvent insuffisante.
Une autre menace potentielle est la maladie, possiblement transmise par le bétail domestique. Au Mizoram, le virus de la variole caprine a été détecté chez des carcasses de saros sauvages, soulignant le risque de contact avec des chèvres domestiques infectées en raison des pratiques d'élevage non organisées. La combinaison de la perte d'habitat, du braconnage et potentiellement des maladies représente une menace sérieuse pour la survie du saro carmin.

© Ralf Bürglin - Caprinae world

Le saro carmin est actuellement considéré comme une espèce menacée. Il est inscrit dans la catégorie "Vulnérable" (VU) sur la Liste rouge de l'IUCN ainsi qu'en Annexe I de la CITES.
Il est urgent d'étudier l'habitat de cette espèce afin de déterminer les limites de son aire de répartition, la population et les menaces. Des mesures doivent également être adoptées pour empêcher le braconnage et le commerce de l’espèce.

Source: Kadoorie Farm and Botanic Garden
L’histoire taxonomique du saro carmin est marquée par l’incertitude, la rareté des spécimens et une confusion prolongée avec d'autres espèces du genre Capricornis. Il a d’abord été décrit comme une variété du saro du continent (Capricornis sumatraensis), en raison de la similitude morphologique entre ces espèces. Toutefois, des différences notables dans la coloration, la taille, la répartition géographique et certains traits crâniens ont amené les zoologistes à reconsidérer son statut taxonomique.
Ce n’est qu’au milieu du XXe siècle que le saro carmin a été reconnu comme une espèce distincte, portant le nom scientifique Capricornis rubidus. Le terme "rubidus", qui signifie "rougeâtre" en latin, fait référence à la teinte caractéristique de son pelage, qui le distingue de ses congénères plus grisâtres ou noirâtres. Cette spécificité chromatique, couplée à son isolement géographique dans les monts de l’Arunachal Pradesh et du nord du Myanmar, a renforcé l’idée d’une spéciation indépendante.
La classification reste cependant controversée. Certains chercheurs considèrent encore le saro carmin comme une sous-espèce de saro du continent, en particulier dans les publications qui regroupent les saros asiatiques selon des critères morphologiques stricts. D’autres, en revanche, soulignent que les analyses génétiques disponibles tendent à confirmer sa distinction en tant qu’espèce à part entière. Le manque d’échantillons ADN et les rares observations en milieu naturel compliquent toutefois la résolution de cette question. En l’absence de consensus définitif, Capricornis rubidus est aujourd’hui reconnu comme une espèce valide par plusieurs institutions, dont l’IUCN, mais son statut pourrait encore évoluer à mesure que de nouvelles données moléculaires et morphométriques deviennent disponibles.
Le saro carmin partage des caractéristiques communes avec les autres espèces du genre Capricornis, tout en présentant des différences notables liées à son isolement géographique et à son habitat spécifique. Par exemple, il se distingue du saro du continent par sa taille légèrement inférieure, sa silhouette plus compacte et surtout son pelage plus vif, allant du roux au brun foncé, contre un gris terne chez le saro du continent. Ce trait est également un élément de reconnaissance important, car les saros sont généralement difficiles à observer dans la nature.
Comparé au saro du Japon (Capricornis crispus), qui évolue dans un environnement insulaire, le saro carmin est plus farouche et moins habitué à la proximité humaine. En revanche, tous les saros partagent une même prédilection pour les zones montagneuses escarpées et boisées, et une morphologie adaptée à la verticalité du relief.
Le genre Capricornis regroupe généralement quatre espèces de saros reconnues par la plupart des autorités taxonomiques actuelles :
* Saro carmin - Capricornis rubidus
* Saro de Taïwan - Capricornis swinhoei
* Saro du continent - Capricornis sumatraensis
* Saro du Japon - Capricornis crispus
Il est important de noter que la taxonomie des saros a été sujette à des révisions, et certaines classifications antérieures reconnaissaient un plus grand nombre d'espèces (jusqu'à sept) en élevant certaines sous-espèces au rang d'espèce. Cependant, le consensus actuel tend vers ces quatre espèces distinctes. Le saro de Chine et le saro de l'Himalaya, autrefois reconnus comme espèces distinctes, sont aujourd'hui classés comme des sous-espèces du saro du continent.

© Ralf Bürglin - Caprinae world

Nom commun | Saro carmin |
Autre nom | Serow carmin Saro rouge |
English name | Red serow |
Español nombre | Serau rojo |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Sous-embranchement | Vertebrata |
Classe | Mammalia |
Sous-classe | Theria |
Infra-classe | Eutheria |
Ordre | Artiodactyla |
Sous-ordre | Ruminantia |
Famille | Bovidae |
Sous-famille | Caprinae |
Genre | Capricornis |
Nom binominal | Capricornis rubidus |
Décrit par | Edward Blyth |
Date | 1863 |
Satut IUCN | ![]() |
* Liens internes
Liste Rouge IUCN des espèces menacées
Système d'information taxonomique intégré (ITIS)
* Liens externes
Global Biodiversity Information Facility (GBIF)
Kadoorie Farm and Botanic Garden
* Bibliographie
Groves, C. P., & Grubb, P. (2011). Ungulate Taxonomy. The Johns Hopkins University Press.
Duckworth, J. W., & Than Zaw (2008). "Observations of the crimson serow Capricornis rubidus in Myanmar." Raffles Bulletin of Zoology, 56(2): 389–392.
Myslenkov, A. I., & Voloshina, I. V. (1989). "Taxonomy and Distribution of Serows (Genus Capricornis) in Southeast Asia." Journal of Mammalogy, 70(3), 587–595.
Sharma, R. C., & Arunachalam, M. (2013). "Biodiversity of Arunachal Pradesh with Emphasis on Endemic Mammals." Indian Forester, 139(4), 319–328.
Nowak, R. M. (1999). Walker’s Mammals of the World (6th ed.). Johns Hopkins University Press.
Macdonald, D. (Ed.). (2006). The Encyclopedia of Mammals. Oxford University Press.
Wilson, D. E., & Reeder, D. M. (Eds.). (2005). Mammal Species of the World: A Taxonomic and Geographic Reference (3rd ed.). Johns Hopkins University Press.
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