Renard gris d'Argentine (Lycalopex griseus)
Le renard gris d'Argentine (Lycalopex griseus) est un canidé sauvage qui peuple les régions méridionales de l'Amérique du Sud. Ce prédateur opportuniste joue un rôle écologique essentiel dans la régulation des populations de rongeurs et dans la dispersion des graines, grâce à son régime alimentaire varié. Sa remarquable capacité d’adaptation lui permet de survivre dans des milieux contrastés, allant des montagnes andines aux plaines côtières. Bien qu’il fasse parfois l’objet de persécutions liées aux activités d’élevage, il est généralement considéré comme une espèce commune et stable. Cependant, les pressions anthropiques et les modifications d’habitat constituent des menaces potentielles pour ses populations à long terme. Le renard gris d'Argentine est également appelé Renard de Patagonie ou Chilla.

© Piker - Wikimedia Commons

Le renard gris d'Argentine est un animal à l'allure gracile, dont la taille et le poids peuvent varier en fonction de son environnement et des ressources disponibles. En moyenne, les adultes mesurent entre 40 et 70 cm de longueur (tête-corps) et pèsent de 2,5 à 5,5 kg. Leur queue, longue et touffue, peut atteindre jusqu'à 35 cm et est souvent caractérisée par une pointe noire, un trait distinctif de l'espèce. Le dimorphisme sexuel est peu marqué, bien que les mâles soient généralement légèrement plus grands et plus lourds que les femelles.
Le pelage est majoritairement gris, teinté de jaune sur le ventre, les flancs et l'intérieur des pattes. Une ligne sombre et distincte parcourt le dos jusqu'à la base de la queue, ce qui le différencie d'autres espèces du même genre. La densité de leur fourrure s'adapte aux variations climatiques, devenant plus épaisse et plus isolante dans les régions plus froides de son aire de répartition.
La tête est relativement petite, avec un museau fin et des oreilles triangulaires et dressées. Les pattes sont minces et la plante des pieds est adaptée à la marche sur des terrains variés. Cette morphologie lui confère une grande agilité et une discrétion indispensable à la chasse et à l'évitement des prédateurs. La structure de son crâne et de sa dentition, avec des canines longues et pointues, est typique d'un carnivore opportuniste.

© Carlos Teixidor Cadenas - Wikimedia Commons

Le renard gris d'Argentine est répandu dans les plaines et les montagnes des deux côtés des Andes, du nord du Chili jusqu'à la Terre de Feu. En Argentine, on la trouve dans les régions arides et semi-arides de l'ouest et du sud du pays, d'environ 23°S à la Terre de Feu, et des contreforts orientaux de la cordillère des Andes jusqu'au méridien 66°O, atteignant la côte atlantique (environ 63°O) au sud du Río Negro. Au Chili, l'aire de répartition de l'espèce s'étend de la région administrative I (province d'Atacama) au nord, au sud jusqu'au détroit de Magellan (région administrative XII, province de Magallanes) et à la Terre de Feu, et du pied ouest des contreforts andins jusqu'à la chaîne de montagnes du Pacifique. Il a été introduit en Terre de Feu en 1951 pour tenter de contrôler une infestation de lapins de garenne (Oryctolagus cuniculus). Sa présence a été confirmée récemment sur la côte sud du Pérou, de Lima à Tacna. Les populations du Pérou seraient séparées par le désert d'Atacama de celles du nord du Chili. D'autres populations ont été signalées dans certaines îles du sud de l'Atlantique, notamment les Malouines/Falklands, mais cela nécessite confirmation.
Le renard gris d'Argentine est une espèce très adaptable qui vit dans les steppes, les pampas et les broussailles d'Amérique du Sud. On le trouve aussi bien dans les plaines que dans les montagnes, à des altitudes pouvant atteindre 4 000 m. Bien qu'il s'adapte à une grande variété de milieux, le renard gris d'Argentine préfère les zones ouvertes et arbustives. Au Chili, il chasse dans des broussailles de faible hauteur, évitant les zones de végétation dense où l'on trouve d'autres espèces comme le renard de Darwin. Sa capacité d'adaptation est remarquable, lui permettant de survivre dans des conditions climatiques extrêmes, allant des déserts arides de l'Atacama aux forêts tempérées humides de Valdivia et aux climats froids de la Terre de Feu. La déforestation pour l'élevage de moutons a même pu lui être bénéfique en créant des habitats plus ouverts.

© Manimalworld

L'alimentation du renard gris d'Argentine est remarquablement diversifiée et opportuniste, ce qui lui permet de survivre dans des environnements très différents. Son régime alimentaire est principalement constitué de petits vertébrés, tels que des rongeurs (notamment des souris, des rats et des cobayes), des oiseaux et leurs oeufs, ainsi que des reptiles et des amphibiens. Il consomme également une quantité significative d'insectes, en particulier des coléoptères et des orthoptères. Cette flexibilité s'étend aux végétaux, car il se nourrit également de fruits, de baies et de graines, qui peuvent constituer une part importante de son régime en fonction des saisons et de la disponibilité des proies.
Dans les zones côtières, il a été observé se nourrissant de poissons échoués et de crabes. Le renard gris d'Argentine est également un charognard efficace, se nourrissant des carcasses d'animaux plus grands laissées par des prédateurs comme le puma ou tués sur les routes. Il a aussi la capacité de s'attaquer au bétail de petite taille, comme les agneaux nouveau-nés, ce qui le met parfois en conflit avec les éleveurs.
Des études de contenu stomacal et d'analyse de fèces ont montré que son régime peut inclure jusqu'à 60 % de matière végétale selon la période de l'année. Cette capacité à ajuster son régime alimentaire à son environnement et à la saison est une clé de sa réussite écologique et de son large éventail géographique. Il chasse principalement la nuit ou au crépuscule, utilisant son excellente ouïe et son odorat pour localiser ses proies.

© Joao Piacatu - iNaturalist

La reproduction du renard gris d'Argentine suit un cycle annuel bien défini. La saison de reproduction commence généralement en automne, avec les accouplements qui ont lieu entre mars et mai dans l'hémisphère sud. Ce renard est monogame, formant des couples qui peuvent rester ensemble pendant plusieurs saisons de reproduction.
Après une gestation d'environ 55 à 60 jours, la femelle met bas une portée de trois à six petits, qui naissent généralement entre les mois de septembre et d'octobre. Les petits naissent aveugles et sans défense, et pèsent environ 170 grammes. Ils sont allaités par leur mère dans un terrier souterrain, souvent une ancienne tanière d'autres animaux, qu'elle a aménagée.
Pendant les premières semaines, le mâle apporte de la nourriture à la femelle et aux petits, jouant un rôle actif dans l'élevage. Après un mois, les jeunes commencent à sortir du terrier et sont progressivement sevrés. Ils commencent à se nourrir de proies solides, apportées par les deux parents. L'apprentissage de la chasse se fait de manière progressive, les parents emmenant les jeunes lors de leurs sorties. Les jeunes atteignent leur indépendance vers l'âge de trois à quatre mois, mais ils ne sont pas sexuellement matures avant l'âge d'un an environ. Le succès reproducteur est fortement lié à la disponibilité de la nourriture. Une année avec une abondance de rongeurs peut signifier une meilleure survie des petits et une plus grande taille de portée. Ce modèle de reproduction coopératif entre les deux parents est un trait de comportement social important pour l'espèce.
La longévité du renard gris d’Argentine varie selon qu’il vive à l’état sauvage ou en captivité. Dans la nature, son espérance de vie moyenne est généralement estimée entre 6 et 8 ans, en raison de la prédation, des maladies et des risques liés aux activités humaines. En captivité, où ces contraintes sont réduites, certains individus peuvent atteindre jusqu’à 12 ans. Les jeunes renards connaissent toutefois une mortalité élevée durant leur première année, ce qui constitue un facteur déterminant dans la dynamique des populations.

© Juan Mauricio Contreras - iNaturalist

Le renard gris d'Argentine est un animal principalement solitaire, bien que les couples monogames restent unis pour la reproduction et l'élevage des jeunes. C'est un animal nocturne et crépusculaire, passant la majeure partie de la journée à se reposer dans des abris naturels. Son comportement territorial est marqué par l'utilisation de marquages olfactifs, notamment l'urine et les fèces, pour délimiter son domaine et communiquer avec ses congénères. La taille du territoire peut varier considérablement en fonction de la disponibilité des ressources, mais il est généralement d'une superficie de plusieurs kilomètres carrés. Sa démarche est silencieuse et rapide, ce qui en fait un chasseur efficace.
En présence d'un danger, il peut émettre des cris d'alarme ou se cacher rapidement. La communication vocale est également utilisée entre les individus, notamment pendant la saison de reproduction. Les interactions sociales, en dehors de l'élevage des jeunes, sont limitées et souvent brèves. Les renards gris d'Argentine sont des animaux intelligents et adaptables, capables de résoudre des problèmes pour obtenir de la nourriture, comme ouvrir des poubelles ou s'introduire dans les enclos de poules. Ils évitent généralement le contact avec les humains, mais peuvent s'aventurer près des zones habitées si la nourriture y est abondante. Ce comportement opportuniste leur a permis de prospérer même dans des zones modifiées par l'activité humaine.

© Litrato15 - iNaturalist

Malgré son adaptabilité, le renard gris d'Argentine fait face à plusieurs prédateurs naturels dont le principal est le puma (Puma concolor), un grand félin qui chasse des proies de taille similaire. Les jeunes, en particulier, sont vulnérables aux attaques de rapaces, comme les aigles. Le condor des Andes (Vultur gryphus), bien qu'il soit principalement un charognard, peut parfois s'attaquer aux jeunes ou aux individus faibles. La prédation est un facteur naturel qui régule les populations de renards.
Les humains sont également une menace significative pour l'espèce. Les conflits avec les éleveurs de bétail sont fréquents, car les renards sont parfois perçus comme une menace pour les agneaux. Cela conduit souvent à des campagnes d'éradication, bien que les études aient montré que les pertes de bétail sont souvent surévaluées. La destruction de l'habitat et les accidents de la route constituent d'autres causes de mortalité induite par l'homme. La maladie et les parasites peuvent également jouer un rôle dans la régulation des populations, surtout dans les zones de forte densité. La stratégie de survie du renard gris d'Argentine face à ces menaces repose sur sa discrétion, son agilité, et sa capacité à trouver des abris sûrs.

© Litrato15 - iNaturalist

Les renards gris d'Argentine sont toujours chassés (bien qu'apparemment avec beaucoup moins d'intensité) en Patagonie chilienne et argentine et ont augmenté ces dernières années (de 2000 à 2003, le nombre de peaux de "renard gris" exportées d'Argentine est passé de 30 263 à 188 997). Les renards gris d'Argentine sont également perçus comme des prédateurs d'agneaux par de nombreuses populations rurales en Argentine et au Chili. Par conséquent, le piégeage illégal est encore répandu dans certaines régions du Chili et de l'Argentine, principalement pour contrôler la prédation.

© Kevin Jones - Flickr

Le renard gris d'Argentine est inscrit sur la Liste rouge des espèces menacées de l'IUCN dans la catégorie "Préoccupation mineure" (LC). La CITES répertorie ce renards en Annexe II.
La résolution 144/83 de l'ancien secrétaire national aux Ressources naturelles et au Développement durable d'Argentine classe cette espèce comme "en danger". Les renards gris d'Argentine sont totalement protégés à Catamarca et à San Luis, tandis que dans les cinq provinces continentales de Patagonie et en Terre de Feu, la chasse et le commerce de la fourrure sont légaux.
Au Chili, l'adoption de la loi de 1972 sur la protection des animaux à fourrure semble avoir limité les exportations de peaux. Actuellement, toutes les populations chiliennes sont protégées par la loi n° 19 473 [1996], à l'exception de celles de Terre de Feu, où elles sont considérées comme nuisibles et peuvent être chassées sans restriction. Ce renard est présent dans au moins six zones protégées du centre-ouest de l'Argentine. Au Chili, l'espèce est présente dans 30 zones protégées de faune sauvage (ZPS) sur un total de 49 recensées. Cependant, 40 % de ces 30 ZPS sont plus petites que les 115 km² nécessaires au maintien d'une population minimale viable (500 individus). Les estimations des extinctions locales dans les ZPS du centre du Chili atteignent 50 %. Les renards gris d'Argentine sont présents dans de nombreux zoos d'Argentine et du Chili, mais les détails de leur reproduction en captivité ne sont pas connus.
La nécessité d'une compréhension plus approfondie de la biologie du renard gris d'Argentine a été soulignée à plusieurs reprises par des études argentines et chiliennes. Des informations fiables sont nécessaires, en particulier en ce qui concerne les aspects biologiques nécessaires à la gestion de la population menant à une utilisation et une conservation durables : la dynamique de la population, l'incidence des parasites et d'autres maladies, et la recherche sur le rôle du renard gris d'Argentine dans la mortalité du petit bétail. Enfin, un examen complet des limites de répartition actuellement connues de l'espèce serait utile.

© Zdeněk Hašek - BioLib

L'histoire taxonomique du renard gris d'Argentine est un excellent exemple de l'évolution des classifications scientifiques. L'espèce a été décrite pour la première fois sous le nom de Canis griseus par John Edward Gray en 1837. Gray l'a classé dans le genre Canis, qui regroupe les loups et les chiens domestiques, en se basant sur des similitudes morphologiques. Cependant, les recherches ultérieures et l'avancement de la génétique ont permis de réévaluer cette classification initiale. Dans les années 1920 et 1930, des taxonomistes ont commencé à reconnaître les différences significatives entre les renards sud-américains et les canidés du genre Canis.
En 1975, le genre Lycalopex, précédemment proposé par Burmeister en 1854, a été réinstauré pour regrouper les espèces de canidés sud-américains qui n'étaient ni des loups ni des renards du genre Vulpes. Lycalopex, dont le nom signifie "renard-loup", a été créé pour refléter cette position intermédiaire et la distinction génétique. C'est en 1989 que l'espèce a été formellement déplacée dans le genre Lycalopex, devenant ainsi Lycalopex griseus.
Cette révision a été soutenue par de nombreuses analyses morphologiques et génétiques qui ont montré que les "renards" d'Amérique du Sud forment un groupe monophylétique distinct des vrais renards du genre Vulpes (originaire d'Eurasie et d'Amérique du Nord) et des autres canidés. Les études génétiques modernes ont confirmé cette classification en montrant que les espèces du genre Lycalopex sont plus proches des loups et des chiens que des renards du genre Vulpes, bien qu'ils ne fassent pas partie de la même lignée que Canis.

South American gray fox
© Antony King - Wikimedia Commons

Nom commun | Renard gris d'Argentine |
Autres noms | Renard de Patagonie Chilla |
English name | South American gray fox |
Español nombre | Zorro gris |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Sous-embranchement | Vertebrata |
Classe | Mammalia |
Sous-classe | Theria |
Infra-classe | Eutheria |
Ordre | Carnivora |
Sous-ordre | Caniformia |
Famille | Canidae |
Genre | Lycalopex |
Nom binominal | Lycalopex griseus |
Décrit par | John Edward Gray |
Date | 1837 |
Satut IUCN | ![]() |
* Liens internes
Liste Rouge IUCN des espèces menacées
Mammal Species of the World (MSW)
Système d'information taxonomique intégré (ITIS)
* Liens externes
* Bibliographie
Nowak, R. M. (2005). Walker's Carnivores of the World. Johns Hopkins University Press, Baltimore.
Wilson, D. E., & Mittermeier, R. A. (2009). Handbook of the Mammals of the World, Vol. 1: Carnivores. Lynx Edicions, Barcelone.
González del Solar, R., & Rau, J. R. (2004). Pseudalopex griseus (Gray, 1837). In: Sillero-Zubiri, C., Hoffmann, M., & Macdonald, D. W. (eds.) Canids: Foxes, Wolves, Jackals and Dogs – Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Canid Specialist Group, Gland, Switzerland.
Eisenberg, J. F., & Redford, K. H. (1999). Mammals of the Neotropics. Volume 3: Ecuador, Bolivia, Brazil. University of Chicago Press.
Redford, K. H., & Eisenberg, J. F. (1992). Mammals of the Neotropics. Volume 2: The Southern Cone. University of Chicago Press.
Novaro, A. J., Funes, M. C., & Walker, R. S. (2000). Ecological extinction of native prey of a carnivore assemblage in Argentine Patagonia. Biological Conservation, 92(1): 25–33.
González del Solar, R. S., & Rau, J. R. (1998). Ecología y comportamiento del zorro gris (Lycalopex griseus) en la Patagonia. In: Travaini, A., & Cajal, J. L. (eds.) Mamíferos de la Patagonia: comportamiento y ecología. Ediciones Universidad Nacional de la Patagonia.
Donadio, E., & Novaro, A. J. (2005). Interactions between foxes and introduced prey in Patagonia: ecological and conservation implications. In: Gompper, M. E. (ed.) Free-ranging dogs and wildlife conservation. Oxford University Press.
Travaini, A. (1994). Ecología trófica y comportamiento del zorro gris (Lycalopex griseus) en Patagonia. Thèse de doctorat, Universidad Nacional del Comahue, Argentine.
Zúñiga, A. H. (1995). Estructura poblacional y dinámica del zorro gris en ambientes semiáridos de Chile central. Mémoire de maîtrise, Universidad de Chile.