Les chacals sont des canidés de taille moyenne appartenant aux genres Canis et Lupulella, présents principalement en Afrique, en Asie du Sud et dans certaines régions d’Europe du Sud-Est. Leur réputation de charognards rusés leur vaut une place particulière dans le folklore de nombreuses cultures. Capables de s’adapter à une grande variété d’environnements, les chacals occupent des habitats allant des savanes sèches aux forêts clairsemées, en passant par les zones semi-désertiques et les montagnes. Leur écologie flexible et leur régime alimentaire opportuniste leur permettent de survivre dans des conditions souvent hostiles où d'autres carnivores échoueraient. Longtemps mal compris et confondus avec d’autres canidés, les chacals jouent pourtant un rôle écologique essentiel, notamment dans le contrôle des populations de petits animaux et dans le nettoyage des carcasses.
Les trois espèces de chacals actuellement reconnues
Les chacals présentent une morphologie intermédiaire entre celle du renard et du loup, avec un corps élancé, des pattes longues, une queue touffue et une tête fine. Le poids moyen varie selon les espèces entre 6 et 15 kg, avec une longueur totale, queue comprise, avoisinant les 90 à 105 cm.
Le pelage est souvent brun-jaunâtre, gris ou fauve, parfois mêlé de noir, offrant un bon camouflage dans leur habitat naturel. Le chacal doré, par exemple, arbore une robe fauve à grise, tandis que le chacal à chabraque possède une bande noire caractéristique sur le dos.
Les oreilles sont grandes et dressées, favorisant l’écoute des bruits faibles à distance. Les canines puissantes témoignent de leur régime carnivore. Leur dentition est bien adaptée à une alimentation omnivore, capable de broyer aussi bien les os que les végétaux. Leurs membres, robustes et effilés, leur confèrent une grande vitesse de course et une endurance notable, leur permettant de poursuivre leurs proies ou de fuir des menaces sur de longues distances. Leur musculature est adaptée à la fois à la chasse discrète et aux courses d’endurance. La queue, longue et touffue, joue également un rôle dans l'équilibre pendant la course et la communication sociale.
Le chacal ressemble à un grand renard Crédit photo: Simyre - Wikimedia Commons CC0 (Domaine public)
HABITAT
Les chacals occupent une vaste aire de répartition couvrant une grande partie de l’Afrique et de l’Eurasie, avec des préférences écologiques distinctes selon les espèces. Le chacal doré, possède la distribution la plus étendue. Il est présent dans le sud-est de l’Europe, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud jusqu’au Myanmar et à la Thaïlande, ainsi qu’en Afrique du Nord et de l’Est, où une partie des populations a été reclassée comme Canis lupaster (le loup africain). Ce dernier est répandu du Sénégal à l’Éthiopie, en passant par l’Égypte et jusqu’au nord de la Tanzanie.
En Afrique subsaharienne, deux autres espèces présentent des aires de répartition bien définies : le chacal à flancs rayés est strictement africain, préférant les habitats boisés, les forêts claires et les savanes humides, principalement en Afrique centrale et australe. En revanche, le chacal à chabraque occupe des zones plus arides, telles que les savanes sèches, les déserts marginaux et les régions côtières, depuis la Namibie et l’Afrique du Sud jusqu’au Kenya.
Chaque espèce montre une plasticité écologique remarquable : les chacals tolèrent divers habitats, qu’ils soient ouverts ou semi-ouverts, évitant toutefois les forêts denses et les zones désertiques extrêmes. Leur présence dans des zones modifiées par l’homme, telles que les campagnes agricoles, les banlieues ou les décharges, témoigne de leur grande capacité d’adaptation. Ils exploitent souvent les paysages mosaïques combinant ressources naturelles et anthropiques. Les limites géographiques exactes sont parfois difficiles à établir du fait de leur mobilité, du chevauchement partiel des aires de répartition et des cas d’hybridation (notamment entre Canis aureus et Canis lupus). Les études récentes basées sur la génétique et la télémétrie affinent progressivement la connaissance de leur écologie spatiale et de leurs adaptations régionales.
Les chacals sont omnivores opportunistes, adaptant leur régime alimentaire en fonction des saisons, de l’habitat et de la disponibilité des ressources. Leur alimentation repose sur un mélange de proies animales, de charognes, de fruits, d’insectes et de déchets anthropiques. Les petits vertébrés tels que les rongeurs, les oiseaux, les amphibiens, les reptiles et parfois les jeunes antilopes constituent une part importante de leur régime.
Ils chassent en solitaire ou en couple, utilisant la ruse et la rapidité pour capturer leurs proies. Les chacals sont également d’efficaces charognards : ils détectent les carcasses à grande distance et se nourrissent des restes abandonnés par les grands prédateurs. Dans certaines régions, ils suivent les lions ou les léopards afin de profiter de leurs restes.
Les insectes comme les coléoptères, les termites et les sauterelles peuvent constituer une source de protéines importante, notamment en saison sèche. Les fruits sauvages, les baies, les racines et les tubercules sont aussi consommés, surtout lorsque les proies animales sont rares. Dans les zones agricoles ou urbaines, les chacals peuvent fouiller les décharges ou piller les cultures, s’attirant parfois la colère des habitants.
Cette plasticité alimentaire leur permet de coloniser des environnements très variés, même dégradés. Leur comportement alimentaire est également influencé par la compétition interspécifique : face aux hyènes, renards ou chiens sauvages, ils peuvent modifier leurs habitudes pour éviter les conflits et accéder à des ressources moins disputées.
Gros plan d'un chacal doré Source: Royal Burgers' Zoo
REPRODUCTION
Chez les chacals, la reproduction suit un schéma socialement monogame, avec des couples formés à long terme. La saison de reproduction varie selon les espèces et les régions, mais elle est généralement liée à la disponibilité des ressources alimentaires. L’accouplement a lieu une fois par an, souvent entre octobre et février.
La gestation dure environ 60 à 70 jours, au terme de laquelle la femelle donne naissance à une portée de 2 à 6 petits, parfois plus. La mise bas se fait dans une tanière dissimulée : ancien terrier d’un autre animal, crevasse rocheuse ou végétation dense. Les petits naissent aveugles et sont allaités pendant plusieurs semaines. Le sevrage commence vers l’âge de 6 à 8 semaines. Les deux parents participent aux soins, mais la femelle assume la majorité de l’allaitement tandis que le mâle apporte de la nourriture à la tanière. Dans certains cas, les jeunes des portées précédentes, restés avec leurs parents, assistent à l’élevage des nouveaux-nés. Cette coopération sociale améliore la survie des petits et permet aux parents de chasser plus efficacement. Les jeunes quittent le territoire familial vers l’âge de 11 mois pour chercher leur propre domaine. La maturité sexuelle est atteinte entre 1 et 2 ans selon les individus. Cette stratégie reproductive, combinée à une adaptabilité écologique, favorise des populations relativement stables même dans des milieux changeants.
Illustration d'un chacal à chabraque Auteur: Fabrice Dadoun - Larousse.fr
COMPORTEMENT
Le comportement des chacals est marqué par une grande flexibilité sociale et écologique. Ce sont des animaux majoritairement monogames, vivant en couples stables ou en petits groupes familiaux. Ils défendent un territoire bien délimité contre les intrus, le marquant à l’aide de l’urine, des excréments et de vocalisations caractéristiques. Les aboiements hurlants, souvent entendus à l’aube ou au crépuscule, permettent aux individus de signaler leur présence ou de communiquer avec leur partenaire ou leurs jeunes.
Les chacals sont principalement actifs à l’aube, au crépuscule ou la nuit, bien qu’ils puissent aussi être diurnes dans les zones peu perturbées. Leur activité est influencée par la température, la disponibilité des proies et la pression humaine. L’organisation sociale varie légèrement selon les espèces : le chacal à flancs rayés, par exemple, est plus strictement monogame et territorial que le chacal doré. Les interactions sociales sont renforcées par des comportements de toilettage mutuel, de jeux et de chasses coopératives. La chasse se fait souvent en solitaire ou en couple, mais peut impliquer un petit groupe familial. Les jeunes acquièrent les techniques de chasse en observant les adultes. Les chacals se montrent également prudents, utilisant leur ouïe fine et leur odorat développé pour éviter les dangers. Leur comportement adaptatif, y compris leur faculté à vivre près des humains tout en restant discrets, contribue à leur succès évolutif.
Ces espèces diffèrent par leur répartition, leur morphologie et certains aspects comportementaux, mais partagent de nombreuses caractéristiques écologiques. Des débats taxonomiques ont parfois mené à l’ajout ou au retrait de certaines populations dans le groupe des chacals, en particulier avec la redéfinition du Canis aureus sensu stricto. D’autres espèces, comme le coyote ou le loup rouge, bien que similaires sur le plan morphologique, n’appartiennent pas au groupe des chacals. Chaque espèce de chacal joue un rôle distinct dans les écosystèmes qu’elle occupe.
En anglais, le chacal est appelé Jackal
TAXONOMIE
L’histoire taxonomique des chacals est complexe et a connu plusieurs révisions au fil du temps. Le genre Canis a été établi par Carl Linnaeus en 1758, et le nom Canis aureus a été attribué par Linnaeus lui-même la même année pour le chacal doré. Lupulella mesomelas, le chacal à chabraque, a été décrit par Johann Christian Daniel von Schreber en 1775, tandis que Lupulella adustus, le chacal à flancs rayés, a été décrit par Carl Jakob Sundevall en 1847.
Longtemps, ces trois espèces ont été considérées comme étroitement apparentées, formant un groupe dit "des chacals". Toutefois, les progrès de la génétique moléculaire ont permis de clarifier leur position phylogénétique. Des analyses ADN ont révélé que le Canis aureus africain était plus proche des loups que des chacals, menant à la distinction du Canis lupaster (loup africain), autrefois confondu avec le chacal doré.
Cette reclassification a profondément modifié notre compréhension de l’évolution des canidés en Afrique. Le terme "chacal" est aujourd’hui plus une convention vernaculaire qu’un regroupement taxonomique valide. Les études récentes, notamment celles utilisant les génomes complets, montrent que les chacals ne forment pas un groupe monophylétique au sein des canidés. Le genre Canis, dans son ensemble, est un groupe complexe incluant loups, chiens, coyotes et chacals, tous partageant une origine évolutive commune mais ayant divergé en raison de pressions écologiques et de la géographie. Cette richesse taxonomique reflète l’extraordinaire plasticité évolutive des canidés.
MYTHES ET CROYANCES
Selon la mythologie égyptienne, Anubis Dieu de la mort et de l'embaumement était représenté avec le corps d'un homme et la tête du chacal. Assimilé à Hermès par les Grecs, Anubis devint ensuite le dieu Hermanubis dans le culte de Sérapis et d’Isis pratiqué à Alexandrie. Le dieu Oupouaout, dieu tutélaire de la ville d'Assiout était représenté en tête des cortèges en tant que dieu éclaireur où il avait pour fonction principale d'écarter symboliquement toute force hostile sur le chemin des processions royales ou divines. Il était représenté avec le corps et la tête du chacal.
Dans la mythologie hindoue, le chacal était le véhicule de Kâli, déesse du temps et de la mort.
Le chacal joue dans les fables indiennes et africaines le même rôle que le renard dans les fables européennes.
Dans certaines régions d'Afrique, le cri du chacal est perçu comme un présage de mort imminente.
En Inde, de nos jours, le chacal doré est invité à "conduire les derniers sacrements" sur les restes à demi calcinés des cadavres lavés sur les bords du Gange. Par ce repas macabre, il dépouille l’âme du mort en route vers le Paradis des derniers restes de chair souillée.
Représentation du dieu Anubis sous les traits du chacal
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