Le chacal à flancs rayés (Lupulella adustus) est un canidé discret et principalement nocturne qui habite les zones boisées et les savanes d’Afrique subsaharienne. Contrairement à ses congénères plus connus comme le chacal doré (Canis aureus) ou le chacal à chabraque (Lupulella mesomelas), il est moins étudié mais tout aussi fascinant. Cet animal se distingue notamment par la présence de rayures blanches sur ses flancs et sa forte adaptation aux milieux forestiers. Omnivore opportuniste, il joue un rôle écologique important comme charognard et prédateur de petits animaux.
Chacal à flancs rayés (Lupulella adustus) Crédit photo: Thomas A. Hermann CC0 (Domaine public)
Le chacal à flancs rayés est un canidé de taille moyenne, mesurant généralement entre 60 et 90 cm de long (sans la queue), avec une queue touffue de 30 à 40 cm. Le poids des adultes varie de 7 à 12 kg, les mâles étant légèrement plus lourds que les femelles.
L’aspect physique le plus distinctif de l’espèce est la présence de bandes blanches transversales sur les flancs, situées entre les épaules et les hanches, qui tranchent avec le pelage brun grisâtre ou brun rouille du reste du corps. La ligne dorsale est souvent sombre, et les pattes affichent une teinte plus rousse. Le pelage est relativement dense, fournissant une protection thermique adéquate pour les nuits plus fraîches, bien que l’espèce vive en climat tropical.
Le museau est allongé, les oreilles relativement grandes et triangulaires, et les yeux montrent une teinte brun foncé expressive. Les pattes, fines mais robustes, sont bien adaptées à la course et à la marche prolongée. Leur dentition, typique des canidés, comprend 42 dents avec des canines développées et des molaires tranchantes, adaptées tant à la consommation de viande qu’à des matières végétales. Leur ouïe et leur odorat sont très développés, ce qui est essentiel pour localiser leurs proies et éviter les prédateurs.
Le chacal à flancs rayés est présent dans une grande partie de l'Afrique subsaharienne, de la Gambie et du Sénégal à la Corne de l'Afrique en passant par les régions sahéliennes d'Afrique de l'Ouest, puis vers le sud jusqu'en Afrique australe (où il est absent ou marginalement réparti dans les régions occidentales plus arides). Le nord-est du KwaZulu-Natal marque sa présence la plus méridionale sur le continent.
On rencontre le chacal à flancs rayés dans les zones boisées humides, ainsi que les prairies, les savanes boisées, les fourrés, les marais, les marécages et les zones montagneuses jusqu'à 2 700 m d'altitude. Il est également fréquent dans les zones cultivées et a été fréquemment vu traversant les routes principales.
Lorsque son aire de répartition chevauche celle du chacal doré (Canis aureus) ou du chacal à chabraque (Lupulella mesomelas), il se trouve souvent dans les zones de végétation dense, laissant les zones ouvertes pour les autres espèces de chacals afin d'éviter la confrontation.
Le chacal à flancs rayés est un omnivore opportuniste, capable d’adapter son régime alimentaire en fonction des ressources disponibles dans son environnement. Contrairement à certains canidés plus strictement carnivores, il présente une grande flexibilité alimentaire. Il consomme une variété d’aliments allant des petits vertébrés comme les rongeurs, les reptiles et les oiseaux, jusqu’aux invertébrés tels que les insectes, les escargots et les araignées. En période de pénurie, il ne rechigne pas à consommer des charognes, jouant alors un rôle d’éboueur naturel bénéfique pour l’écosystème. Son régime comprend également une part significative de matière végétale : fruits, baies, racines et tubercules complètent souvent ses repas, en particulier en saison sèche. Cette adaptation frugivore lui permet de survivre dans des habitats où les proies animales sont rares.
Le chacal à flancs rayés chasse principalement en solitaire, mais on l’a également observé en couples, surtout pendant la saison de reproduction. Sa méthode de chasse repose sur la discrétion et la patience, utilisant l’odorat et l’ouïe pour repérer ses proies dans la pénombre. Les insectes comme les coléoptères et les sauterelles constituent une ressource régulière, en particulier pour les jeunes individus qui développent ainsi leurs capacités de chasse. Il ne dédaigne pas non plus s’introduire aux abords des villages pour fouiller les ordures ou s’emparer de petits animaux domestiques. Son alimentation diversifiée est un atout majeur pour sa survie dans des environnements variés et souvent changeants.
Le chacal à flancs rayés est un animal monogame, formant des couples stables pour la vie. La reproduction est saisonnière dans certaines régions, corrélée à la disponibilité alimentaire, mais peut survenir tout au long de l’année selon les conditions locales.
Après l’accouplement, la gestation dure environ 57 à 70 jours. La femelle met bas dans une tanière qu’elle choisit avec soin, souvent un terrier abandonné, une crevasse ou une cavité protégée dans la végétation dense. La portée compte généralement de 3 à 6 petits, bien que des cas extrêmes de 8 petits aient été observés. Les nouveau-nés sont aveugles à la naissance et totalement dépendants de leur mère, qui les allaite pendant environ six semaines. Durant cette période, le mâle joue un rôle crucial en fournissant la nourriture et en gardant les abords de la tanière.
À partir de la troisième semaine, les jeunes commencent à sortir de leur cachette sous la surveillance des parents. Le sevrage s’effectue progressivement, et les jeunes commencent à consommer des aliments régurgités par les adultes avant d’apprendre à chasser par eux-mêmes. L’indépendance intervient entre 6 et 8 mois, bien que certains jeunes puissent rester plus longtemps sur le territoire parental avant de s’établir ailleurs. La maturité sexuelle est atteinte vers 11 à 12 mois.
Le chacal à flancs rayés vit en moyenne entre 10 et 12 ans à l’état sauvage, bien que certains individus puissent atteindre jusqu’à 14 ans dans des conditions favorables. En captivité, sa longévité peut être légèrement supérieure grâce à l’absence de prédateurs, de maladies, et à une alimentation régulière. Toutefois, cette espèce étant peu représentée dans les zoos, les données en captivité restent limitées. La mortalité juvénile est élevée, notamment durant les premiers mois de vie, à cause de la prédation et des maladies.
Le chacal à flancs rayés est un animal territorial, dont le comportement social repose sur le couple reproducteur stable et ses descendants juvéniles. Chaque couple occupe un territoire qu’il marque activement à l’aide d’urine et de fèces déposées à des endroits stratégiques. Le territoire est défendu contre les congénères du même sexe, particulièrement en période de reproduction.
Ce chacal est essentiellement nocturne, bien qu’il puisse se montrer actif au crépuscule et à l’aube, notamment dans les zones peu perturbées par l’homme. Il passe la journée caché dans des abris naturels tels que les broussailles, les bosquets ou les terriers.
Les vocalisations jouent un rôle important dans la communication intra-spécifique : jappements, glapissements et hurlements permettent d’exprimer la position, l’agitation ou le besoin de coordination entre membres d’un même groupe. Le chacal à flancs rayés est moins audiblement démonstratif que le chacal à chabraque. Très prudent, il se déplace silencieusement et fait preuve d’un comportement d’évitement en présence de l’homme. Il peut coexister dans certains habitats avec d’autres carnivores, tels que les civettes, les mangoustes ou d’autres chacals, en partageant les ressources selon des stratégies temporelles ou spatiales. Sa discrétion et sa plasticité comportementale sont des atouts pour survivre dans des écosystèmes soumis à des pressions anthropiques croissantes.
Le chacal à flancs rayés, bien qu’adapté à l’évitement des menaces, reste exposé à la prédation, en particulier pendant les premières semaines de vie. Les principaux prédateurs naturels des jeunes incluent les grands rapacesnocturnes, les pythons africains et les petits félins comme les servals. Les léopards, hyènes tachetées et lions peuvent capturer les adultes, bien que ceux-ci soient agiles et discrets.
Les jeunes sont les plus vulnérables, notamment lorsqu’ils quittent la tanière pour la première fois. La pression de prédation est atténuée par le comportement prudent des adultes, leur activité nocturne et leur choix d’abris discrets.
Les chacals à flancs rayés sont persécutés pour leur rôle dans la transmission de la rage et leur rôle présumé de tueurs de bétail. Il est peu probable que cette persécution ait un impact sur la population globale, mais un abattage aveugle par empoisonnement et piégeage pourrait affecter leur abondance locale. Les chacals à flancs rayés semblent tout à fait capables d'exploiter les habitats urbains et suburbains, un facteur qui pourrait contribuer à assurer leur présence persistante.
CONSERVATION
Du fait que sa population soit largement distribuée, le chacal à flancs rayés est classé dans la catégorie "Préoccupation mineure" (LC) sur la Liste rouge de l'IUCN. Présent dans de nombreux parcs nationaux tels que le parc national de Hwange au Zimbabwe, le parc national Kruger en Afrique du Sud ou encore dans le parc national du Serengeti en Tanzanie, le chacal à flancs rayés n'a pas de protection juridique en dehors de ces zones protégées dans la mesure où il est considéré comme commun.
Des études menées au Zimbabwe ont permis de mieux comprendre cette espèce de chacal, notamment son rôle dans la transmission de la rage. Cependant, comparé au chacal à chabraque, plus connu, le chacal à flancs rayés a une répartition beaucoup plus large, de sorte que de vastes zones de son aire de répartition ne disposent d'aucune information sur les populations ou le statut de l'espèce.
Le chacal à flancs rayés a été décrit pour la première fois par le zoologiste suédois Carl Jakob Sundevall en 1847. Il a été nommé Canis adustus. Comme pour les autres espèces de chacals, le chacal à flancs rayés a été inclus dans le vaste genre Canis, qui regroupait alors de nombreuses espèces de canidés ressemblant à des loups ou des chiens. Cette classification était principalement basée sur des critères morphologiques (taille, forme du corps, dentition) et géographiques.
Au fil du temps, des études morphologiques et comportementales ont commencé à suggérer que le chacal à flancs rayés et le chacal à chabraque présentaient des caractéristiques distinctes des autres membres du genre Canis. Par exemple, le chacal à flancs rayés est connu pour son régime alimentaire plus omnivore et son comportement moins agressif envers les grandes proies par rapport à ses "cousins" plus charognards ou prédateurs. Cependant, c'est l'avènement de la phylogénie moléculaire (analyse de l'ADN) qui a véritablement révolutionné la taxonomie des canidés.
Des études génétiques approfondies, notamment celles de Koepfli et al. (2015) et Viranta et al. (2017), ont apporté des preuves solides que les chacals africains forment un lignage évolutif très ancien et distinct. Leurs ancêtres se sont séparés de la lignée qui a conduit aux loups, aux coyotes et au chacal doré bien avant que ces derniers ne divergent entre eux.
Ces analyses ont montré que le genre Canis tel qu'il était traditionnellement défini était paraphylétique, c'est-à-dire qu'il n'incluait pas tous les descendants d'un ancêtre commun si l'on ne séparait pas les chacals africains. Pour refléter au mieux les relations évolutives (la phylogénie), la communauté scientifique a décidé de reclassifier ces deux espèces.
La solution adoptée a été la réhabilitation du genre Lupulella, qui avait été initialement proposé par Hilzheimer en 1906 mais n'avait pas été largement accepté à l'époque. Le genre Lupulella regroupe désormais les deux "vrais" chacals africains, considérés comme les plus anciens membres à avoir divergé du clade des canidés "apparentés au loup". Cette divergence est estimée entre 2 et 4,5 millions d'années.
Le chacal à flancs rayés compte plusieurs sous-espèces reconnues, bien que leur nombre exact puisse varier légèrement selon les sources. On en dénombre généralement entre cinq et six :
- Lupulella adustus adustus
- Lupulella adustus adusta
- Lupulella adustus bweha
- Lupulella adustus grayi
- Lupulella adustus kaffensis
- Lupulella adustus lateralis
- Lupulella adustus notatus
Ces sous-espèces sont définies par des variations géographiques et morphologiques légères au sein de l'aire de répartition du chacal à flancs rayés en Afrique subsaharienne.
Kingdon, J. (1997). The Kingdon Field Guide to African Mammals. Academic Press.
Estes, R.D. (1991). The Behavior Guide to African Mammals. University of California Press.
Sillero-Zubiri, C., Hoffmann, M., & Macdonald, D.W. (2004). Canids: Foxes, Wolves, Jackals and Dogs – Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Canid Specialist Group.
Van Valkenburgh, B. (1991). “Iterative evolution of hypercarnivory in canids (Mammalia: Carnivora): Evolutionary interactions among sympatric predators.” Paleobiology, 17(4), 340–362.
Nowak, R.M. (1999). Walker's Mammals of the World (6th ed.). The Johns Hopkins University Press.
Macdonald, D. (1984). “The Encyclopedia of Mammals.” Facts on File Publications.