Le tiang (Damaliscus lunatus tiang) est une sous-espèce du topi (Damaliscus lunatus) que l'on rencontre dans les savanes et les plaines inondables du Soudan du Sud et de l'Éthiopie occidentale. La taxonomie du tiang a évolué, initialement décrit comme une espèce distincte avant d'être classé comme sous-espèce, un débat qui reflète la complexité des relations au sein de ce groupe d'antilopes africaines.
Le tiang présente une morphologie robuste et élancée, bien adaptée à la course sur de longues distances, dans des paysages ouverts et plats. Il possède une robe typiquement rougeâtre à brun chocolat, rehaussée par des zones noires marquées sur les membres antérieurs, les cuisses, le museau et autour des yeux. Le pelage peut présenter un éclat satiné chez certains individus, bien que la brillance soit généralement moins prononcée que chez le topi de l'Est.
Les cornes, annelées et en lyre, sont présentes chez les deux sexes, mais atteignent une taille supérieure chez les mâles, souvent entre 35 et 45 cm de longueur. Les adultes pèsent entre 120 et 155 kg, avec une silhouette longiligne et musclée, un cou allongé et une ligne dorsale légèrement inclinée vers l’arrière.
Le tiang est présent dans tout le sud du Tchad, le nord de la République centrafricaine et du Soudan du Sud, jusqu'au sud-ouest de l'Éthiopie et à l'extrême nord-ouest du Kenya.
Habitant généralement les plaines inondables et autres prairies, le tiang est largement répandu dans les savanes et les prairies inondables, mais il est également présent en nombre bien moindre dans les zones boisées du sud-ouest. Le district de Jonglei, au Soudan, est l'exemple parfait d'une population de plaine inondable, où les animaux migrent entre les zones humides du Sudd pendant la saison sèche et les zones boisées, les broussailles et les prairies de l'est (parc national de Boma) et du sud.
L’alimentation du tiang repose principalement sur les graminées fraîches, notamment des genres tels que Andropogon, Hyparrhenia, Cenchrus et Sorghastrum. Il se montre très sélectif, préférant les pousses jeunes et riches en protéines, qu’il trouve dans les zones régénérées par le feu ou les premières pluies. Il se nourrit surtout tôt le matin et en fin d’après-midi, et passe le reste de la journée à ruminer ou à surveiller les alentours depuis des buttes ou des talus naturels.
La saison de reproduction est étroitement liée aux cycles climatiques : l’accouplement a lieu peu après les premières pluies, et les naissances sont synchronisées avec la période d’abondance de l’herbe verte. Après une gestation de 7,5 à 8 mois, les femelles mettent bas un unique petit, qu’elles élèvent dans un site de mise bas isolé, à l’écart du troupeau. Le jeune reste caché pendant les premiers jours, puis rejoint le groupe et commence rapidement à brouter.
Socialement, le tiang forme des troupeaux mixtes allant de 10 à 50 individus, parfois davantage durant les déplacements saisonniers. Les femelles et leurs jeunes forment le noyau des groupes, tandis que les mâles adultes alternent entre comportement grégaire et territorial selon la saison. En période de reproduction, les mâles établissent de petits territoires qu’ils défendent brièvement contre leurs rivaux. Ces territoires sont souvent disposés en leks, zones de parade où les femelles viennent choisir leur partenaire. La compétition entre mâles repose principalement sur l’endurance, les postures de dominance et des poursuites spectaculaires plutôt que sur des combats violents.
Les prédateurs naturels du tiang sont similaires à ceux qui chassent d'autres antilopes de taille moyenne dans les savanes et les plaines inondables de son aire de répartition. Les principaux ennemis du tiang incluent :
* Lions : Les lions (Panthera leo) sont des prédateurs dominants et représentent une menace sérieuse pour les tiangs adultes. Ils chassent en groupe et peuvent abattre des proies de grande taille.
* Léopards : Les léopards (Panthera pardus) sont des prédateurs opportunistes et agiles. Ils s'attaquent aux tiangs de tous âges, utilisant leur furtivité pour les approcher et leur force pour les abattre. Ils peuvent également traîner leurs proies dans les arbres pour les consommer en sécurité.
* Guépards : Les guépards (Acinonyx jubatus) sont les animaux terrestres les plus rapides et sont capables de rattraper les tiangs en course. Ils ciblent souvent les jeunes ou les individus isolés et moins en forme.
* Lycaons : Les lycaons (Lycaon pictus) chassent en meutes coordonnées. Ils sont très efficaces pour épuiser et abattre des tiangs adultes lors de poursuites prolongées. Bien que leur nombre ait considérablement diminué, ils restent une menace là où ils sont présents.
* Hyènes tachetées : Les hyènes tachetées (Crocuta crocuta) chassent en groupe et individuellement. Elles sont capables de s'attaquer aux tiangs adultes et sont des prédateurs importants des jeunes, qu'elles peuvent facilement isoler et tuer.
* Chacals : Les chacals (Canis spp.), en particulier le chacal à chabraque (Canis mesomelas) et le chacal dorés (Canis aureus), représentent une menace principalement pour les très jeunes tiangs (nouveau-nés) qui sont vulnérables lorsqu'ils sont séparés de leur mère.
* Pythons : Bien que moins fréquents, les pythons de Seba (Python sebae) peuvent potentiellement s'attaquer aux jeunes tiangs.
* Crocodiles du Nil : Dans les zones où les populations de tiangs vivent près de points d'eau, les crocodiles du Nil (Crocodylus niloticus) peuvent représenter une menace pour les individus venant boire ou traverser des rivières.
Les principales menaces pesant sur le topi en général, et notamment sur la sous-espèce tiang, sont le développement agro-pastoral et la chasse excessive.
CONSERVATION
Le tiang n'est actuellement pas considéré comme menacé. Il est inscrit dans la catégorie "Préoccupation mineure" (LC) sur la Liste rouge de l'IUCN.
Environ un quart des tiangs se trouvent dans des zones protégées, notamment : le parc national de Zakouma (la plus grande population d'Afrique centrale avec environ 1 300 individus) et la réserve de faune de Bahr Salamat et les zones de chasse d'Aouk (Tchad), le parc national de Manovo-Gounda-St Floris (RCA), le parc national de Boma (Soudan du Sud), les parcs nationaux d'Omo et de Mago (Éthiopie) et le parc national de Sibiloi (Kenya). Il n'existe aucune information sur leur statut dans le parc national de Dinder (Soudan), où ils ne compteraient peut-être pas plus de quelques dizaines d'individus.
TAXONOMIE
L'histoire taxonomique du tiang suit une trajectoire similaire à celle des autres sous-espèces du complexe Damaliscus lunatus, marquée par une reconnaissance initiale en tant qu'espèce distincte avant d'être classé comme sous-espèce, avec des débats ultérieurs sur son statut.
Le tiang a été initialement décrit comme une espèce distincte, Damaliscus tiang, par le zoologiste allemand Theodor von Heuglin en 1863. Sa description était basée sur des spécimens observés et collectés dans les régions du Soudan et de l'Éthiopie.
Au début du XXe siècle, avec une meilleure compréhension de la variation morphologique et géographique au sein du groupe Damaliscus lunatus, le tiang a été largement relégué au statut de sous-espèce. Il est devenu connu sous le nom de Damaliscus lunatus tiang. Cette classification le plaçait comme une forme géographique de l'espèce plus largement distribuée Damaliscus lunatus.
Comme pour les autres sous-espèces de topi, la validité de ce regroupement a été remise en question par des études morphologiques, écologiques et génétiques ultérieures. La proposition de Fenton Cotterill (2003) de diviser Damaliscus lunatus en deux espèces distinctes (Damaliscus lunatus au sens strict pour les populations du sud et Damaliscus korrigum pour les pour les populations du nord et de l'est) aurait impliqué de reclasser le tiang sous Damaliscus korrigum tiang. D'autres travaux taxonomiques ont également exploré les relations phylogénétiques au sein du genre Damaliscus, contribuant au débat sur le statut optimal des différentes populations.
Actuellement, de nombreuses autorités taxonomiques, y compris le GBIF et l'IUCN, maintiennent la classification du tiang comme une sous-espèce de topi qui est considéré comme une espèce polytypique avec plusieurs sous-espèces reconnues :
- Tsessebe de Bangweulu (Damaliscus lunatus superstes)
Cependant, il est important de noter que la perspective considérant le tiang comme une sous-espèce de Damaliscus korrigum persiste dans certaines publications scientifiques, reflétant le débat continu sur la meilleure façon de refléter les relations évolutives au sein de ce groupe.
von Heuglin, T. (1863). Beiträge zur Zoologie des nordöstlichen Afrika. Nova Acta Academiae Caesareae Leopoldino-Carolinae Germanicae Naturae Curiosorum, 30(2), 1-164.
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Haltenorth, T., & Diller, H. (1980). A field guide to the mammals of Africa including Madagascar. Collins.
Groves, C. P., & Grubb, P. (2011). Ungulate taxonomy. Johns Hopkins University Press.
Kingdon, J., Hoffmann, M., & Pillay, N. (Eds.). (2013). Mammals of Africa (Vols. 1-6). Bloomsbury Publishing.
Cotterill, F. D. P. (2003). Insights into the taxonomy1 of tsessebe antelopes, Damaliscus2 lunatus (Bovidae: Alcelaphini) in south-central Africa: with the description of a new evolutionary species. Durban Museum Novitates, 28, 1-30.