L’alpaga (Vicugna pacos) est un camelidé domestique élevé principalement pour sa laine, réputée pour sa finesse, sa chaleur et sa légèreté. Originaire des hauts plateaux andins, il évolue à des altitudes souvent supérieures à 3 500 mètres, dans les régions actuelles du Pérou, de la Bolivie, du Chili et de l’Équateur. Descendant domestiqué de la vigogne (Vicugna vicugna), l’alpaga est un symbole culturel et économique important pour les peuples andins, qui l’élèvent depuis des millénaires. Moins grand et plus gracile que le lama, il s’en distingue par une toison plus dense et une morphologie plus fine. Grâce à sa rusticité, sa sociabilité et sa capacité à vivre dans des conditions climatiques extrêmes, l’alpaga a connu une diffusion croissante en dehors de l’Amérique du Sud, notamment en Australie, en Europe et en Amérique du Nord.
Alpaga (Vicugna pacos) Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes
L’alpaga est un mammifèreartiodactyle de taille moyenne, mesurant environ 80 à 100 centimètres au garrot pour un poids allant de 55 à 70 kilogrammes. Son corps est élancé, ses membres longs et fins, adaptés à la marche sur les terrains escarpés et rocailleux des Andes. Il possède une petite tête triangulaire, un museau émoussé, des oreilles droites en forme de lance, et de grands yeux noirs expressifs.
Sa toison est l’un de ses traits les plus remarquables : elle est constituée de fibres longues, douces et creuses, disponibles dans une grande variété de couleurs naturelles, allant du blanc pur au noir profond, en passant par le brun, le gris et le fauve. Il existe deux types morphologiques d’alpagas : le huacaya, à la laine dense, bouclée et volumineuse, et le suri, dont la fibre est longue, soyeuse et retombe en mèches brillantes.
Contrairement aux ruminants typiques, l’alpaga possède un estomac à trois compartiments. Sa démarche est souple et silencieuse grâce à ses coussinets plantaires. L’absence de sabots durs limite l’impact de ses déplacements sur les pâturages. Enfin, sa dentition est adaptée au broutage de plantes coriaces, avec des incisives inférieures ciselantes et une mâchoire mobile facilitant la mastication d’aliments grossiers.
Bien que l'alpaga soit une espèce domestique, son habitat originel, ainsi que celui de son ancêtre sauvage (la vigogne), se trouve sur les hauts plateaux de la cordillère des Andes. La répartition naturelle de l'alpaga est concentrée dans les pays andins d'Amérique du Sud : Le Pérou abrite la plus grande population mondiale d'alpagas, où ils jouent un rôle crucial dans la culture et l'économie. La Bolivie possède également d'importantes populations, dans des habitats similaires à ceux du Pérou. Il est aussi présent dans le nord du Chili, les zones montagneuses du nord-ouest de l'Argentine et les hauts plateaux de l'Équateur.
Les alpagas sont parfaitement adaptés aux altitudes élevées, souvent jusqu'à 4 500 mètres, où l'air est raréfié et les variations de température jour/nuit sont extrêmes. Ils vivent dans des prairies d'altitude, des landes et des zones humides appelées bofedales, où ils trouvent les herbes et les plantes nécessaires à leur alimentation. Leur épaisse toison les protège efficacement du froid.
Étant une espèce domestique, l'alpaga s'est propagé bien au-delà de son aire d'origine. Grâce à la valeur de sa laine et à son tempérament calme, il est désormais élevé dans de nombreuses régions du monde pour la production de fibres, comme animal de compagnie ou de ferme, et même pour la thérapie. On trouve ainsi des élevages d'alpagas en Europe (France, Royaume-Uni, Allemagne, etc.), en Amérique du Nord (États-Unis, Canada) et en Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande). Bien qu'il n'existe plus à l'état sauvage, l'alpaga a su s'implanter avec succès sur d'autres continents grâce à son adaptabilité, à condition que ses besoins essentiels soient respectés.
L’alpaga est un herbivore strict au régime alimentaire adapté aux environnements pauvres en ressources. Son alimentation est principalement composée de graminées andines, de plantes herbacées, de mousses, de lichens, et parfois de feuilles et d’écorces de petits arbustes. Grâce à son système digestif compartimenté, qui comprend trois estomacs fonctionnant en synergie avec une microflore spécialisée, l’alpaga peut extraire un maximum de nutriments à partir d’une biomasse végétale peu énergétique. L’eau constitue également un besoin essentiel, bien qu’il soit relativement économe et capable de résister à des périodes de sécheresse.
L’alpaga est une espèce polyoestrienne non saisonnière, bien que les naissances soient souvent concentrées pendant la saison sèche andine, entre avril et novembre, pour éviter les conditions rigoureuses de l’hiver austral. Les mâles deviennent sexuellement matures vers 2 à 3 ans, tandis que les femelles peuvent être fécondées dès l’âge de 12 à 18 mois, selon leur développement corporel. La gestation dure environ 340 à 360 jours, à l’issue de laquelle naît un seul petit. Le nouveau-né pèse entre 6 et 9 kilogrammes à la naissance et peut se tenir debout et téter dans l’heure qui suit. L’allaitement dure généralement 4 à 6 mois, mais peut être prolongé en cas de conditions climatiques difficiles ou de besoins nutritionnels accrus. Les femelles peuvent concevoir de nouveau peu de temps après le sevrage. L'alpaga a une longévité moyenne de 15 à 20 ans. Certains individus peuvent vivre un peu plus longtemps, parfois jusqu'à 25 ans, voire exceptionnellement 30 ans dans des conditions optimales d'élevage et de soins.
L’alpaga est un animal social qui vit en troupeaux structurés autour d’un ordre hiérarchique déterminé par l’âge, le sexe et le statut reproducteur. Dans les groupes naturels ou en élevage extensif, les mâles dominants maintiennent des harems ou défendent des territoires temporaires. Les interactions sociales reposent sur un riche éventail de comportements et de vocalisations. L’alpaga passe une grande partie de la journée à brouter ou à se reposer, souvent couché en position sternale. Moins agressif que le lama, il est également plus craintif, notamment vis-à-vis des bruits soudains ou des mouvements brusques. Les individus bien socialisés peuvent développer une relation de confiance avec l’humain.
À l’état sauvage, les ancêtres de l’alpaga, principalement les vigognes, étaient la proie de divers prédateurs andins. L’introduction de l’alpaga dans un contexte domestique l’a partiellement soustrait à ces menaces, mais certains persistent dans les zones rurales d’Amérique du Sud. Le principal prédateur historique et actuel reste le puma (Puma concolor), capable d’attaquer aussi bien des adultes que des jeunes. Opportuniste, ce félin exploite les terrains ouverts pour surprendre sa proie. Le renard de Magellan (Lycalopex culpaeus), bien que de taille plus modeste, peut s’en prendre aux jeunes alpagas laissés sans surveillance. Les chiens domestiques redevenus errants constituent une menace sérieuse, notamment dans les zones périurbaines et agricoles. En Patagonie, certaines attaques d’aigles ou de caracaras sur des petits ont été rapportées, bien que cela reste marginal. En dehors de l’Amérique du Sud, les élevages d’alpagas peuvent faire face à des attaques de loups, coyotes ou grands canidés selon les régions. L’instinct défensif de l’alpaga reste limité : face au danger, il cherche à fuir ou alerte par des cris, mais ne se défend pas agressivement. Les jeunes sont particulièrement vulnérables lors des premières semaines de vie, période durant laquelle la vigilance maternelle est essentielle. Le regroupement en troupeau offre une protection relative, notamment grâce à la surveillance collective et l’effet de masse.
Gros plan d'un alpaga Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes
TAXONOMIE
Historiquement, et pendant longtemps, l'alpaga a été classé dans le genre Lama, aux côtés du lama (Lama glama). C'est le célèbre naturaliste suédois Carl Linnaeus (Carl von Linné) qui a décrit l'alpaga pour la première fois en 1758 dans son Systema Naturae, lui attribuant le nom scientifique de Camelus pacos. Plus tard, il a été reclassé dans le genre Lama et est devenu Lama pacos. Cette classification reposait sur des observations morphologiques et sur l'hypothèse que l'alpaga était un descendant du lama, lui-même issu du guanaco (Lama guanicoe).
Cependant, des doutes ont persisté quant à l'origine de l'alpaga. Des similitudes morphologiques (taille, finesse de la toison, dentition) entre l'alpaga et la vigogne (Vicugna vicugna) étaient souvent ignorées au profit de la classification traditionnelle. La situation était compliquée par le fait que toutes les espèces de camélidés sud-américains peuvent s'hybrider et produire une descendance fertile.
C'est au début du XXIe siècle que la technologie de l'ADN a apporté une clarification majeure. En 2001, une étude pionnière menée par Miranda Kadwell et al., basée sur l'analyse de l'ADN mitochondrial et d'autres marqueurs génétiques, a démontré de manière concluante que l'alpaga est en fait un descendant domestiqué de la vigogne, et non du guanaco.
Suite à ces preuves génétiques irréfutables, la classification de l'alpaga a été révisée par de nombreuses autorités taxonomiques. L'alpaga a été déplacé du genre Lama pour être inclus dans le genre Vicugna. Son nom scientifique est ainsi devenu Vicugna pacos.
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