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Guanaco (Lama guanicoe)


Le guanaco (Lama guanicoe) est l’un des plus emblématiques représentants de la faune sud-américaine. Appartenant à la famille des Camelidae, il est l’ancêtre sauvage du lama domestique et se distingue par son adaptabilité aux milieux hostiles des Andes et de la Patagonie. Présent du Pérou jusqu’à la Terre de Feu, il incarne une espèce clef des écosystèmes andins et patagoniens. En dépit de la pression humaine et de la compétition avec le bétail, le guanaco reste relativement abondant dans certaines zones protégées.


Guanaco (Lama guanicoe)
Guanaco (Lama guanicoe)
© Georgi Bulgaro - Wikimedia Commons
CC-BY-SA (Certains droits réservés)



DESCRIPTION

Le guanaco est un mammifère ongulé au corps élancé et aux membres longs, mesurant entre 1,00 et 1,20 m au garrot et pesant entre 90 et 140 kg. Sa silhouette gracile mais robuste le rend parfaitement apte à la course et à la survie en milieu montagneux ou aride. Le guanaco possède un long cou, une tête fine aux oreilles pointues et mobiles, ainsi qu’une lèvre supérieure fendue qui lui permet de saisir efficacement les végétaux.

Son pelage dense, constitué de deux couches, varie du brun clair au rougeâtre sur le dos, avec un ventre, une face interne des membres et le cou généralement blancs ou crème. Cette fourrure joue un rôle essentiel dans la régulation thermique, surtout dans les Andes où les amplitudes thermiques sont importantes. Comme les autres camélidés sud-américains, il ne possède pas de sabots mais des coussinets charnus adaptés aux sols rocheux.

Son système respiratoire est particulièrement efficace : il possède des globules rouges plus nombreux et plus petits que ceux de nombreux autres mammifères, ce qui lui permet d’optimiser l’oxygénation à haute altitude. Sa dentition hypsodonte (à couronne haute) est bien adaptée à l’abrasion causée par les graminées andines. Sexuellement, les mâles sont généralement un peu plus massifs que les femelles, mais sans dimorphisme marqué.


Lama guanicoe
Lama guanicoe
Copy; Roberto Guller - iNaturalist
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HABITAT

Le guanaco est une espèce largement répandue, mais sa distribution actuelle est très fragmentée. Autrefois présent du nord du Pérou à l'extrême sud du Chili (île Navarino), et du niveau de la mer jusqu'à 5 000 mètres d'altitude dans les Andes, son aire de répartition a été dramatiquement réduite par l'activité humaine. La chasse intensive, l'urbanisation, la fragmentation de l'habitat, la compétition avec le bétail et l'installation de clôtures ont eu un impact majeur. La répartition du guanaco ne représente plus que 26 % de sa superficie originelle, entraînant la disparition de nombreuses populations locales et une distribution très morcelée.

Aujourd'hui, au Pérou, la population la plus septentrionale se trouve dans la réserve nationale de Calipuy, avec d'autres groupes plus au sud. En Bolivie, une population relique persiste dans le Chaco, et des observations récentes ont été faites dans les hautes terres du sud. Au Paraguay, une petite population subsiste dans le nord-ouest du Chaco. Le Chili abrite des guanacos de sa frontière nord jusqu'à l'île Navarino, avec les plus grandes concentrations dans les régions de Magallanes et d'Aysén. Ailleurs dans le pays, les populations sont petites et fragmentées.

L'Argentine détient la majorité des guanacos restants. Bien que leur aire de répartition couvre une grande partie de la Patagonie, les populations sont plus dispersées dans les provinces du nord (Chubut, Río Negro, Neuquén, Mendoza) et très fragmentées dans le nord de la Patagonie. Dans le centre et le nord de l'Argentine, les guanacos sont limités aux régions pré-andines et andines. Des réintroductions ont même eu lieu, comme à Córdoba.

Le guanaco est une espèce montagnarde que l'on peut rencontrer jusqu'à 4 000 m d'altitude. Ce camélidé occupe une gamme d'habitats arides et semi-arides, comme les déserts arides ou arbustifs, les prairies à végétation riche, les montagnes, les forêts ou encore les régions pluvieuses proches des côtes. Alors que certaines populations sont sédentaires, d'autres font des migrations saisonnières, se déplaçant à basse altitude, pour éviter les hautes neiges et remontant en haute altitude en période de sécheresse.


Lama guanicoe repartition
     Répartition du guanaco
© Manimalworld
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)

ALIMENTATION

Le guanaco est un herbivore strict dont le régime alimentaire varie selon les saisons et les régions. Il consomme principalement des graminées, des arbustes, des lichens, des mousses et parfois des feuilles succulentes. Cette diversité alimentaire reflète une grande plasticité écologique qui lui permet d’occuper une vaste gamme d’habitats, des steppes arides de Patagonie aux hautes Andes herbeuses.

Grâce à un estomac compartimenté analogue à celui des ruminants, bien que d'origine évolutive différente, le guanaco est capable de digérer efficacement les végétaux riches en fibres et pauvres en nutriments. Il passe une grande partie de la journée à paître ou à brouter, selon les ressources disponibles. Son activité alimentaire est souvent répartie entre les heures fraîches du matin et de la fin de journée, notamment dans les zones arides.

Le guanaco joue un rôle important dans le contrôle de la végétation et la dispersion des graines, influençant la dynamique des écosystèmes qu’il habite. En période de sécheresse, il peut parcourir de longues distances à la recherche de nourriture et d’eau, bien qu’il puisse aussi survivre pendant plusieurs jours sans boire grâce à l’eau contenue dans les plantes qu’il consomme. Contrairement au bétail, il a tendance à sélectionner les végétaux avec soin, ce qui limite la dégradation des pâturages. Cette capacité d’adaptation à des régimes variables témoigne de son ancienneté évolutive dans ces environnements contraignants.


Guanaco au parc animalier de Berlin.jpg
Guanaco au parc animalier de Berlin, Allemagne
Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes

REPRODUCTION

La reproduction du guanaco est saisonnière, généralement centrée entre novembre et février dans l’hémisphère sud, période correspondant au printemps et à l’été australs. Le système reproductif est polygynique : un mâle dominant contrôle un harem composé de plusieurs femelles reproductrices et défend activement son territoire contre d'autres mâles. Les combats entre mâles pour l'accès aux femelles peuvent être intenses et impliquent des morsures, des coups de cou et des postures menaçantes, bien qu’ils entraînent rarement des blessures graves. Une fois qu’il a établi sa domination, le mâle féconde les femelles de son groupe.

La gestation dure environ 11,5 mois, soit entre 340 et 360 jours, ce qui donne lieu à des naissances majoritairement entre fin octobre et début décembre. Une femelle donne généralement naissance à un seul petit, appelé "chulengo", qui pèse à la naissance entre 8 et 15 kg. Le chulengo est capable de se tenir debout et de marcher peu après la naissance, une adaptation essentielle pour fuir les prédateurs. Il est allaité pendant 4 à 6 mois, mais commence à brouter dès la deuxième semaine. La maturité sexuelle est atteinte entre 2 et 3 ans. Les jeunes mâles, exclus des harems, forment des groupes de célibataires jusqu'à ce qu’ils soient en âge et en force de contester la domination d’un mâle adulte.

Ce système social dynamique assure un brassage génétique constant et limite la consanguinité. Dans des conditions favorables, les taux de reproduction sont suffisants pour maintenir des populations stables, malgré les pressions anthropiques. L’espèce se caractérise par une longévité moyenne en milieu naturel d’environ 15 à 20 ans.


Guanaco femelle au Chili
Guanaco femelle et son petit photographié au Chili
© alexnard - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

COMPORTEMENT

Le guanaco est un animal grégaire qui vit en groupes structurés selon des critères sociaux et reproductifs. On distingue principalement trois types de groupes : les harems dirigés par un mâle dominant accompagnant plusieurs femelles et leurs jeunes; les groupes de mâles célibataires, souvent constitués d’individus immatures ou évincés; et les solitaires, généralement des mâles adultes errants à la recherche d’un harem à conquérir. Ces structures peuvent évoluer en fonction des saisons, de la densité de population et de la pression environnementale.

Le guanaco est territorial et utilise des comportements visuels et sonores pour communiquer : crachats, postures de menace, hennissements et sifflements d’alarme sont courants. En cas de danger, un individu pousse un cri aigu pour alerter les autres membres du groupe, qui s’enfuient alors en formation dispersée mais coordonnée. Son agilité et sa vitesse — pouvant atteindre 55 à 60 km/h — constituent ses principales défenses.

Le guanaco pratique également le toilettage social, notamment entre mères et petits ou entre femelles, ce qui renforce la cohésion sociale. Diurne, il passe ses journées à paître, se reposer, interagir avec les autres membres du groupe et surveiller les alentours. Les déplacements saisonniers sont fréquents, notamment en altitude, pour suivre les variations de la végétation. Il utilise également des latrines collectives, contribuant à marquer le territoire et limiter les parasites. Bien que méfiant vis-à-vis de l’homme, il peut s’habituer à une présence humaine non agressive, ce qui facilite les efforts de conservation dans les zones protégées.


Guanaco gros plan.jpg
Gros plan du guanaco
© Julián Rolando Tocce - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

PRÉDATION

Le guanaco fait partie de la chaîne trophique des écosystèmes andins et patagoniens, et est la proie de plusieurs carnivores indigènes. Son principal prédateur historique est le puma (Puma concolor), présent dans l’ensemble de son aire de répartition. Le puma d'Amérique du Sud chasse généralement les jeunes ou les individus affaiblis, bien qu’il puisse s’attaquer à des adultes en pleine forme, notamment lorsqu’il chasse en zones ouvertes ou par surprise. Une étude des fèces de pumas en Patagonie a révélé que le guanaco peut constituer jusqu’à 80 % du régime alimentaire de certains individus.

Les jeunes guanacos sont également vulnérables au renard de Magellan (Lycalopex culpaeus) et, dans le nord de l’aire de répartition, au condor des Andes (Vultur gryphus) qui peut harceler les chulengos blessés ou isolés.


Guanaco Santa Cruz en Argentine
Guanaco photographié à Santa Cruz en Argentine
© Francisco Gambino - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

MENACES

Le guanaco, bien que toujours répandu, subit un déclin constant depuis le XIXe siècle, en particulier au Pérou, en Bolivie, au Paraguay et au Chili. Sa population a été réduite de 58% en Argentine, 75% au Chili, et plus de 90% dans d'autres pays andins, n'occupant aujourd'hui que 26% de son aire de répartition d'origine. Cette réduction s'accompagne d'une fragmentation en populations isolées.

Historiquement, la chasse excessive, le surpâturage du bétail et la compétition pour le fourrage ont été les moteurs de ce déclin. Aujourd'hui, ces pressions persistent, amplifiées par de nouvelles menaces :

* Activités extractives et énergétiques : Les projets miniers, pétroliers, gaziers, photovoltaïques et éoliens entraînent une destruction et une fragmentation de l'habitat.

* Braconnage et chasse récréative : Ils restent des problèmes majeurs, surtout au Pérou, en Bolivie, au Chili et en Argentine.

* Dégradation de l'habitat : Le surpâturage par le bétail domestique continue d'être une menace omniprésente.

* Problèmes locaux : Au Chili, les chiens errants attaquent les populations, et l'hybridation avec les lamas domestiques affaiblit la pureté génétique. Les infrastructures routières causent des mortalités et l'isolement des groupes.

* Maladies : Bien que généralement robustes, les guanacos sont sensibles aux maladies du bétail (gale, etc.), pouvant entraîner des mortalités locales.

* Changement climatique : Les sécheresses plus fréquentes et intenses menacent l'abondance du guanaco, nécessitant une gestion adaptée.

En Patagonie, malgré des effectifs localement denses, le ressentiment des propriétaires fonciers et les pratiques d'utilisation non durables (comme la tonte à vif non évaluée) menacent les populations. La population du nord risque de disparaître du Pérou d'ici 30 ans sans réduction du braconnage. Des programmes bénéfiques pour l'économie locale et une gestion durable sont essentiels pour la survie du guanaco.


Guanaco en Argentine
Groupe de guanacos photographié en Argentine
© Mauro Talet - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

CONSERVATION

Présent dans un certain nombre de parcs nationaux, le guanaco n'est actuellement pas considéré comme une espèce menacée. Il est inscrit dans la catégorie "Préoccupation mineure" (LC) sur la Liste rouge de l'IUCN ainsi qu'en Annexe II de la CITES.

La valorisation des produits dérivés du guanaco peut favoriser une coexistence pacifique avec les humains, notamment les éleveurs et l'industrie forestière. Toutefois, cette pratique doit être encadrée par une législation stricte et des contrôles internationaux, surtout pour les populations en déclin, afin d'éviter tout impact irréversible. La protection du guanaco varie considérablement d'un pays à l'autre :

* Au Pérou, le guanaco est classé en danger critique d'extinction et sa gestion a été transférée au SERFOR et aux communautés locales.

* En Bolivie et au Paraguay (où les populations sont très faibles), les gouvernements collaborent avec des ONG et des communautés autochtones pour renforcer la protection dans les aires protégées, notamment grâce à la présence de parabiologistes et de gardes forestiers.

* Au Chili, bien que l'espèce soit protégée par la loi nationale sur la chasse, le manque de personnel et l'insuffisance des zones effectivement protégées (seulement 4% de l'habitat) limitent l'efficacité des mesures. Des plans de conservation régionaux existent pour le nord et le centre, où l'espèce est classée "vulnérable", tandis qu'elle est de "préoccupation mineure" dans le sud.

* En Argentine, un Plan national de gestion a été élaboré, et des lois fédérales et provinciales encadrent la protection et l'exploitation durable. Cependant, la mise en oeuvre est difficile en raison du manque de personnel et d'équipement pour couvrir les vastes zones, et moins de 1% de l'habitat du guanaco en Patagonie est réellement protégé du braconnage et du bétail.

Malgré des avancées législatives et des outils de gestion, leur application reste un défi majeur pour la survie du guanaco à travers son aire de répartition.


Guanaco juvenile
Guanaco juvénile au zoo de Berlin, Allemagne
© Klaus Rudloff - BioLib
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TAXONOMIE

L'histoire taxonomique du guanaco est relativement stable, mais elle est intrinsèquement liée aux débats sur l'origine des autres camélidés sud-américains domestiques, le lama et l'alpaga. Le guanaco a été formellement décrit pour la première fois par le zoologiste allemand Philipp Ludwig Statius Müller en 1776. Il lui a attribué le nom scientifique de Lama guanicoe. Dès cette description, il a été placé dans le genre Lama, un classement qui a perduré et est toujours largement accepté aujourd'hui.

La classification du guanaco dans le genre Lama est renforcée par le fait qu'il est considéré comme l'ancêtre sauvage du lama domestique (Lama glama). Des études morphologiques, comportementales et, plus récemment, génétiques ont confirmé cette relation étroite. Le lama est le résultat d'un processus de domestication à partir de populations de guanacos, qui a eu lieu il y a plusieurs milliers d'années dans les Andes.

Pendant longtemps, il y a eu une certaine confusion et débat sur l'origine exacte du lama et de l'alpaga, certains pensant que les deux descendaient du guanaco. Cependant, comme mentionné dans l'histoire taxonomique de l'alpaga, des études génétiques majeures menées au début du XXIe siècle (notamment par Kadwell et al. en 2001) ont clairement démontré que :

* Le lama descend du guanaco (Lama guanicoe).

* L'alpaga (Vicugna pacos) descend de la vigogne (Vicugna vicugna).

Cette clarification génétique a solidifié la position du guanaco en tant qu'espèce distincte au sein du genre Lama et en tant qu'ancêtre unique du lama domestique.


CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communGuanaco
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreArtiodactyla
Sous-ordreTylopoda
FamilleCamelidae
GenreLama
Nom binominalLama guanicoe
Décrit parPhilipp Ludwig Statius Müller
Date1776



Satut IUCN

Préoccupation mineure (LC)

SOURCES

* Liens internes

Animal Diversity Web

Arkive

iNaturalist

Liste rouge IUCN des espèces menacées

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

* Liens externes

Wikimedia Commons

Zooinstitutes

* Bibliographie

Müller, P.L.S. (1776). Des Ritters Carl von Linné Königlich Schwedischen Leibarztes &c. &c. vollständigen Natursystems Supplements- und Register-Band über alle sechs Theile oder Classen des Thierreichs. Nürnberg. (Raspe).

Kadwell, M., Fernandez, M., Stanley, H. F., Baldi, R., Wheeler, J. C., Rosadio, R., & Bruford, M. W. (2001). "Phylogeography of the vicuña (Vicugna vicugna) and the domestication of the alpaca (Vicugna pacos)." Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 268(1484), 2577-2584.

Wilson, D. E., & Reeder, D. M. (Eds.). (2005). Mammal Species of the World: A Taxonomic and Geographic Reference. 3rd ed. Johns Hopkins University Press.

Nowak, R. M. (1999). Walker's Mammals of the World. 6th ed. Johns Hopkins University Press.

Fowler, M. E. (2010). Medicine and Surgery of Camelids. 3rd ed. Wiley-Blackwell.

Marín, J. C., Spotorno, A. E., Walker, L. I., & Wheeler, J. C. (2007). "Mitochondrial DNA Variation and Systematics of the Guanaco (Lama guanicoe, Artiodactyla: Camelidae)." Journal of Mammalogy, 89(2), 269-281.