Manimalworld
Manimalworld Encyclopédie des animaux sauvages

Eupleridae


Les Eupleridae sont une famille de mammifères carnivores endémiques de Madagascar. Unique en son genre, cette famille regroupe huit espèces réparties en sept genres, dont les célèbres fossas, les civettes malgaches et les mangoustes malgaches. Les Eupleridae illustrent un exemple fascinant de radiation évolutive, ayant colonisé et diversifié leurs niches écologiques sur l’île après leur arrivée il y a environ 20 millions d’années. Leur isolement géographique a favorisé l’émergence de traits morphologiques et comportementaux distincts, souvent comparés à ceux d’autres carnivores comme les félins ou les herpestidés. Bien que méconnus du grand public, ces animaux jouent un rôle écologique clé dans les écosystèmes malgaches, souvent menacés par la déforestation et les activités humaines.


Eupleridae
Les Eupleridae
Auteur original: Gustav Mützel
CC0 (Domaine public)



DESCRIPTION

La morphologie des eupléridés se caractérise par une diversité exceptionnelle qui témoigne de leur adaptation à des niches écologiques très variées, allant du prédateur arboricole agile au fouisseur insectivore. De manière générale, ces animaux possèdent un corps élancé et allongé, soutenu par des pattes relativement courtes, bien que le fossa (Cryptoprocta ferox) fasse exception avec une musculature puissante et une allure rappelant celle d'un petit puma ou d'un grand chat. La dentition varie considérablement au sein de la famille : alors que le fossa possède des dents carnassières très développées pour trancher la viande, des espèces comme l'euplère de Goudot (Eupleres goudotii) présentent une dentition réduite et spécialisée, adaptée à un régime composé de vers et d'invertébrés à corps mou. Cette disparité dentaire est l'un des facteurs qui a historiquement compliqué leur classification.

Un trait commun à de nombreuses espèces de cette famille est la présence de glandes anales ou périnéales bien développées, utilisées pour le marquage territorial et la communication olfactive, une caractéristique héritée de leurs ancêtres aeluroïdes. Au niveau des membres, les eupléridés présentent des adaptations spécifiques à leur mode de vie; le fossa, par exemple, dispose de griffes semi-rétractiles et de chevilles extrêmement flexibles lui permettant de descendre les arbres la tête la première, une prouesse rare chez les carnivores non-félins. Le dimorphisme sexuel est généralement peu marqué, sauf chez le fossa où les mâles sont nettement plus grands. Une particularité morphologique et physiologique étonnante chez certaines espèces, notamment le fossa, est la masculinisation transitoire des organes génitaux des femelles juvéniles, un phénomène complexe dont la fonction évolutive exacte reste encore débattue par les biologistes.


Eupleridae especes
Quelques membres de la famille des eupléridés
Auteur: inconnu

HABITAT

La répartition géographique des Eupleridae est strictement limitée à l'île de Madagascar, ce qui en fait un exemple classique d'endémisme insulaire, mais leur distribution au sein de l'île est vaste et couvre la quasi-totalité des biomes disponibles. On retrouve des représentants de cette famille depuis les forêts tropicales humides et denses de la côte est, comme dans la région d'Andasibe, jusqu'aux forêts sèches caducifoliées de l'ouest, telles que celles de la réserve de Kirindy. Ils sont également présents dans les environnements plus hostiles, notamment le fourré épineux du sud semi-désertique, démontrant une plasticité écologique remarquable. Cependant, la densité de population varie grandement selon les espèces; certaines, comme le fossa, ont une aire de répartition pan-insulaire, occupant tous les types de forêts, même si elles nécessitent de vastes territoires pour survivre.

À l'inverse, d'autres membres de la famille, comme la mangouste de Durrell (Salanoia durrelli), sont confinés à des micro-habitats très spécifiques, tels que les zones humides du lac Alaotra, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux changements environnementaux. L'habitat des eupléridés se structure également verticalement : certaines espèces sont strictement terrestres et fouisseuses, préférant le sous-bois dense pour se protéger et chasser, tandis que d'autres sont principalement arboricoles, passant la majeure partie de leur vie dans la canopée à la poursuite de lémuriens ou d'oiseaux. Malheureusement, la répartition de ces carnivores est aujourd'hui fortement fragmentée par l'activité humaine. La déforestation massive, la culture sur brûlis et l'expansion agricole réduisent inexorablement les corridors forestiers nécessaires à leur déplacement et à leur brassage génétique. La survie de ces espèces est donc intrinsèquement liée à la préservation des îlots forestiers restants et à la connectivité entre les différentes zones protégées de la Grande Île.


Eupleridae carte de repartition
     Répartition actuelle des eupléridés
© Manimalworld
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)

ÉCOLOGIE

L'écologie des Eupleridae est marquée par une grande variété de stratégies de survie et de comportements alimentaires qui leur permettent d'occuper les sommets de plusieurs chaînes trophiques à Madagascar. En tant que superprédateur de l'île, le fossa joue un rôle écologique capital en régulant les populations de lémuriens, qui constituent une part majoritaire de son régime alimentaire, bien qu'il chasse également des tenrecs, des reptiles et des oiseaux. À l'autre extrémité du spectre alimentaire, des espèces comme l'euplère de Goudot ont adopté un régime insectivore strict, utilisant leurs griffes non rétractiles et leur museau allongé pour fouiller l'humus à la recherche de vers de terre et de larves, adoptant un rythme de vie plus lent qui correspond à ce métabolisme énergétique plus faible. La majorité des eupléridés sont solitaires et territoriaux, marquant agressivement leur domaine vital, bien que certaines espèces de mangoustes malgaches (Galidia, Mungotictis) puissent être observées en petits groupes familiaux ou en paires, présentant des structures sociales plus complexes avec des comportements de jeu et de toilettage mutuel.

Le cycle biologique et la reproduction des eupléridés sont souvent synchronisés avec les saisons marquées de Madagascar, les naissances coïncidant généralement avec la saison des pluies lorsque les ressources alimentaires sont les plus abondantes pour assurer la survie des jeunes. La gestation varie selon la taille de l'espèce, et les petits naissent généralement aveugles et dépendants (altriciaux), nécessitant une période prolongée de soins maternels dans des tanières ou des abris souterrains. Une particularité biologique fascinante concerne les cycles d'activité : si le fossa est cathéméral (actif aussi bien de jour que de nuit selon les opportunités), d'autres espèces sont strictement nocturnes ou diurnes, ce qui permet à plusieurs espèces de coexister dans la même zone géographique en évitant la compétition directe par une ségrégation temporelle. Cette séparation des niches écologiques est essentielle dans un environnement insulaire où les ressources peuvent être limitées et la compétition intraspécifique intense.


Eupleridae fossa
Le fossa appartient à la famille des eupléridés
© Daniel Branch - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

TAXONOMIE

L'histoire taxonomique des Eupleridae est l'une des plus complexes et des plus débattues de la mammalogie moderne, représentant un véritable casse-tête pour les naturalistes pendant près de deux siècles. Historiquement, la classification de ces carnivores malgaches était basée exclusivement sur des caractéristiques morphologiques externes et anatomiques. En raison du phénomène puissant de convergence évolutive — où des espèces non apparentées développent des traits similaires pour s'adapter à des environnements semblables — les différents membres de ce qui est aujourd'hui la famille des Eupleridae ont été éparpillés dans plusieurs familles distinctes. Par exemple, les petites espèces ressemblant à des mangoustes ont été classées avec les Herpestidae, les civettes malgaches avec les Viverridae, et le fossa a même été parfois rapproché des Felidae en raison de sa dentition et de son crâne raccourci. Cette vision polyphylétique suggérait implicitement que Madagascar avait été colonisée par plusieurs vagues distinctes de carnivores africains au fil des millénaires.

Le tournant majeur s'est produit au début du XXIe siècle, notamment grâce aux travaux révolutionnaires de la biologiste Anne Yoder et de son équipe en 2003. En utilisant des techniques avancées de phylogénie moléculaire et de séquençage d'ADN, ils ont démontré que, malgré leurs différences physiques extrêmes, tous les carnivores malgaches partagent un ancêtre commun unique. Cette découverte a prouvé que ces animaux forment un clade monophylétique, c'est-à-dire un groupe naturel descendant d'une seule lignée colonisatrice. L'étude a révélé que cet ancêtre commun, probablement proche des mangoustes actuelles, a traversé le canal du Mozambique par radeau de végétation il y a environ 20 millions d'années. Une fois sur l'île, en l'absence de concurrence avec d'autres carnivores placentaires, cette lignée a subi une radiation adaptative spectaculaire, évoluant pour remplir toutes les niches écologiques disponibles.

Suite à ces preuves génétiques irréfutables, la communauté scientifique a officiellement regroupé ces espèces sous la famille des Eupleridae. Cette famille est elle-même divisée en deux sous-familles principales pour refléter les divergences internes : les Euplerinae, qui incluent les espèces de type civette et le fossa, et les Galidiinae, qui regroupent les mangoustes malgaches. Cette révision taxonomique a non seulement clarifié la position systématique de ces animaux, mais a également fourni l'un des exemples les plus frappants de l'évolution insulaire et de la capacité de la génétique à corriger les erreurs d'interprétation basées sur la seule morphologie. Aujourd'hui, la classification des Eupleridae est stable, bien que la découverte potentielle de nouvelles espèces cryptiques ou de sous-espèces continue d'affiner notre compréhension de cet arbre généalogique unique.

Eupleridae.png
Les espèces formant la famille des Eupleridae
Source: Wikimedia Commons
CC-BY-SA (Certains droits réservés) *

LES ESPÈCES

La famille des Eupleridae se divise distinctement en deux sous-familles principales, regroupant une dizaine d'espèces qui illustrent la diversité de ce groupe.

* Euplerinae

* Cryptoprocta

* Fossa - Cryptoprocta ferox

* Fossa géant - Cryptoprocta spelea


* Eupleres

* Euplère de Goudot - Eupleres goudotii

* Falanouc occidental - Eupleres major


* Fossa

* Civette malgache - Fossa fossana


* Galidiinae

* Galidia

* Mangouste à queue annelée - Galidia elegans


* Galidictis

* Galidie rayée - Galidictis fasciata

* Mangouste de Grandidier - Galidictis grandidieri


* Mungotictis

* Mangouste à dix raies - Mungotictis decemlineata


* Salanoia

* Galidie unicolore - Salanoia concolor

* Mangouste de Durrell - Salanoia durrelli


CLASSIFICATION


Fiche d'identité
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreCarnivora
Sous-ordreFeliformia
FamilleEupleridae
Décrit parJean-Charles Chenu
Date1850

SOURCES

* Liens internes

iNaturalist

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Mammal Species of the World (MSW)

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

Wikipédia

* Liens externes

Global Biodiversity Information Facility (GBIF)

Lynx Nature Books

Wikimedia Commons

* Bibliographie

Yoder, A. D., et al. (2003). Single origin of Malagasy Carnivora from an African ancestor. Nature, 421, 734–737.

Flynn, J. J., et al. (2005). Molecular Phylogeny and Biogeography of the Malagasy and South Asian Viverrids (Carnivora: Viverridae). Molecular Phylogenetics and Evolution, 34(3), 685-685.

Gaubert, P., & Cordeiro-Estrela, P. (2006). Phylogenetic systematics and tempo of evolution of the Viverridae (Mammalia, Carnivora). Molecular Phylogenetics and Evolution, 41(2), 266–278.

Wilson, D. E., & Mittermeier, R. A. (Eds.). (2009). Handbook of the Mammals of the World. Vol. 1: Carnivores. Lynx Edicions, Barcelone.

Goodman, S. M., & Benstead, J. P. (Eds.). (2003). The Natural History of Madagascar. University of Chicago Press.

Garbutt, N. (2007). Mammals of Madagascar: A Complete Guide. A&C Black.

Durbin, J., et al. (2010). Investigations into the status of a new taxon of Salanoia (Mammalia: Carnivora: Eupleridae) from the marshes of Lac Alaotra, Madagascar. Systematics and Biodiversity, 8(3), 341–355.

Hawkins, C. E., & Racey, P. A. (2005). Low population density of a tropical forest carnivore, Cryptoprocta ferox: implications for protected area management. Oryx, 39(1), 35-43.

Dollar, L., et al. (2007). Packing it in: seasonal food habits of the Fossa (Cryptoprocta ferox) in western Madagascar.

Hawkins, C. E., et al. (2002). Transient masculinization in the fossa, Cryptoprocta ferox (Carnivora, Viverridae). Biology of Reproduction, 66.

* Sources photos

* Fossa: © Ran Kirlian - Wikimedia Commons / CC-BY-SA

* Mangouste à dix raies: © Heinonleinn - Wikimedia Commons / CC-BY-SA

* Mangouste de Grandidier: © Grigory Morozov - Wikimedia Commons / CC-BY-SA

* Euplère de Goudot: © Daderot - Wikimedia Commons / CC-BY-SA

* Civette malgache: © Bernard Dupont - Wikimedia Commons / CC-BY-SA

* Galidie élégante: © Charles J. Sharp - Wikimedia Commons / CC-BY-SA