Le falanouc occidental (Eupleres major) est un mammifèrecarnivore endémique de Madagascar appartenant à la famille des Eupleridae. Longtemps considéré comme une sous-espèce de son cousin oriental (euplère de Goudot), il se distingue par sa taille plus imposante et son aire de répartition restreinte au nord-ouest de l'île. Cet animal discret et insaisissable présente des adaptations morphologiques uniques, résultat d'une longue évolution isolée, qui le font ressembler davantage à un insectivore qu'à un carnivore classique. Habitant principalement les forêts décidues sèches et les zones de transition, il joue un rôle écologique crucial dans la régulation des populations d'invertébrés. Malheureusement, la fragmentation de son habitat et la pression anthropique menacent aujourd'hui la survie de cette espèce singulière, dont la biologie reste encore partiellement méconnue des scientifiques.
Le falanouc occidental arbore une apparence physique tout à fait singulière qui le différencie nettement des autres membres de l'ordre des Carnivora. Il possède un corps bas, allongé et cylindrique, soutenu par des membres relativement courts mais musclés, adaptés à une démarche plantigrade. Sa tête fine et conique se termine par un museau particulièrement allongé et mobile, idéal pour fouiller l'humus forestier. L'une des caractéristiques les plus remarquables de cette espèce réside dans sa dentition hautement spécialisée : contrairement aux félins ou aux viverridés dotés de canines proéminentes, cet eupléridés dispose de dents de petite taille, très espacées et ressemblant à celles d'un insectivore, conçues pour saisir des proies molles plutôt que pour déchiqueter la chair.
Son pelage est dense, court et d'une texture laineuse, affichant une coloration générale brun-grisâtre qui tend vers le fauve sur les flancs, offrant un camouflage efficace dans les sous-bois ombragés de son habitat. Le ventre présente souvent une teinte plus claire, créant un léger contraste avec le dos. Les pattes sont munies de griffes longues, robustes et non rétractiles, des outils de fouissage essentiels qui lui permettent de creuser le sol meuble avec une grande efficacité. Un autre trait morphologique distinctif est sa queue volumineuse et cylindrique, capable de stocker des réserves de graisse importantes. Ces réserves lipidiques sont vitales pour la survie de l'animal durant la saison sèche, lorsque les ressources alimentaires se raréfient, entraînant une variation notable de la circonférence caudale selon la période de l'année. Enfin, les mensurations de cette espèce dépassent celles de la forme orientale, faisant du fanalouc occidental l'un des plus grands représentants de sa famille.
Le falanouc occidental est présent uniquement à Madagascar, depuis les environs du parc national de la baie de Baly (Soalala) au nord, en passant par les forêts d'Ankarafantsika et d'Analalava, jusqu'au Sambirano, et à l'est jusqu'aux contreforts de Tsaratanana, dans la péninsule de Sahamalaza, et peut-être jusqu'aux contreforts de la Montagne d'Ambre. Sa limite de répartition exacte vers l'est est inconnue; son espèce soeur, le falanouc oriental (Eupleres goudotii) , se rencontre dans les forêts humides de l'est.
Le falanouc occidental est connu grâce à des observations récentes dans les forêts sèches décidues, en bordure de zones humides proches des forêts sèches et dans les savanes inondées à palmiers non loin des forêts sèches.
Le falanouc occidental mène une existence principalement nocturne et crépusculaire, privilégiant la discrétion pour échapper aux prédateurs et à la chaleur diurne. Son habitat de prédilection se situe dans les forêts sèches à feuilles caduques et les zones de transition humide du domaine du Sambirano, où le sol est suffisamment meuble pour être fouillé. Le régime alimentaire du falanouc occidental est surtout composé d'invertébrés, une spécialisation rare pour un animal de ce gabarit. Il se nourrit presque exclusivement de vers de terre, de limaces et d'escargots, qu'il localise grâce à un odorat extrêmement fin et déterre avec ses griffes antérieures. Cette dépendance aux invertébrés influence directement son rythme de vie; il est particulièrement actif après les épisodes pluvieux, moment où ses proies remontent massivement vers la surface.
Sur le plan social, le falanouc occidental est souvent décrit comme un animal solitaire, bien que des observations sporadiques rapportent la présence de couples ou de petits groupes familiaux, suggérant des interactions sociales plus complexes qu'on ne le pensait initialement. Il délimite son territoire par le biais de marquages olfactifs issus de glandes périnéales et cervicales, communiquant ainsi sa présence à ses congénères. La reproduction semble être saisonnière, synchronisée avec les cycles climatiques pour maximiser les chances de survie de la progéniture. Les jeunes naissent à un stade de développement relativement avancé, avec les yeux ouverts et couverts de poils, capables de suivre leur mère peu de temps après la mise bas. Cette précocité est une stratégie adaptative cruciale face à la prédation. Cependant, l'espèce est extrêmement vulnérable aux perturbations humaines : la chasse pour la viande de brousse et l'introduction de chiens domestiques, qui entrent en compétition directe ou prédatent le falanouc, constituent des menaces sévères pour la pérennité de ses populations.
MENACES ET STATUT
On dispose de très peu d'informations directes concernant les menaces pesant sur le falanouc occidental. Evans et al. (2013) ont indiqué que dans la forêt de Mariarano, au nord-est de Mahajanga, l'espèce a été observée dans des habitats dégradés et est exposée à la chasse, à la destruction de son habitat par la production de charbon de bois, l'exploitation forestière et les incendies de forêt. Sur le reste de son aire de répartition, l'espèce est probablement très vulnérable à ces pressions, ainsi qu'à la chasse avec des chiens et à la recherche de nourriture par les populations locales; il est donc raisonnable de supposer qu'elle est fortement menacée. Son habitat est beaucoup plus restreint que celui du falanouc oriental; une grande partie de cette aire est densément peuplée. Les zones d'habitat sont fragmentées et souvent dégradées; bien que l'espèce ne soit pas limitée aux forêts primaires, elle ne s'en éloigne jamais. L'augmentation récente (après 2009) de l'exploitation forestière illégale, de l'agriculture sur brûlis et de l'exploitation minière artisanale dans de nombreuses zones où cette espèce est présente a considérablement accru son exposition à la chasse et à la pression exercée par des carnivores non indigènes tels que les chiens errants.
Le falanouc occidental est considéré comme une espèce menacée. Il est inscrit dans la catégorie "En danger" (EN) sur la Liste rouge de l'IUCN. L'espèce est présente dans au moins une aire protégée (le parc national d'Ankarafantsika) et à proximité d'une autre (le parc national de la baie de Baly).
TAXONOMIE
L'histoire de la classification du falanouc occidental illustre parfaitement les défis auxquels les zoologistes ont été confrontés pour comprendre la faune unique de Madagascar. Pendant de nombreuses décennies, la position phylogénétique du genre Eupleres a été sujette à controverse. En raison de sa morphologie dentaire atypique et de son crâne gracile, les premiers naturalistes ont longtemps hésité à le classer parmi les carnivores, le rapprochant parfois des insectivores. Une fois son appartenance à l'ordre des Carnivora confirmée, il a été traditionnellement inclus dans la famille des Viverridae, avant que les analyses génétiques modernes ne conduisent à la création de la famille endémique des Eupleridae, regroupant l'ensemble des carnivores malgaches.
La distinction spécifique d'Eupleres major par rapport à Eupleres goudotii constitue un chapitre particulièrement débattu de cette histoire. Initialement, la communauté scientifique considérait qu'il n'existait qu'une seule espèce de fanalouc sur toute l'île. C'est le zoologiste Louis Lavauden qui, en 1929, a décrit pour la première fois la forme occidentale comme étant distincte, en se basant sur des différences de taille et de coloration observées sur des spécimens du nord-ouest. Malgré cette description formelle, le consensus scientifique a longtemps prévalu pour traiter ce taxon comme une simple sous-espèce ou une variation géographique de la forme orientale, arguant que les différences morphologiques n'étaient pas suffisantes pour justifier une séparation au rang d'espèce.
Ce n'est qu'au début du XXIe siècle que la question a été réexaminée avec rigueur. Des études morphométriques approfondies, menées notamment par des chercheurs comme Goodman et Helgen, ont analysé une large série de crânes et de peaux conservés dans les muséums. Ces travaux ont démontré que les individus de l'ouest étaient significativement plus grands et plus robustes que ceux de l'est, sans chevauchement notable dans les mesures, ce qui dépasse la simple variation intraspécifique. De plus, la séparation écologique nette entre les habitats humides de l'est et les forêts sèches de l'ouest renforce l'hypothèse d'une spéciation allopatrique ancienne. Bien que certaines autorités internationales continuent parfois d'évaluer le genre dans son ensemble ou de noter les incertitudes taxonomiques persistantes en attendant davantage de données moléculaires, la reconnaissance d'Eupleres major en tant qu'entité évolutive distincte est désormais largement acceptée par les spécialistes de la faune malgache.
Lavauden, L. (1929). Sur un nouveau Carnivore malgache du genre Eupleres. Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, Paris.
Goodman, S. M., & Helgen, K. M. (2010). Species limits and distribution of the Malagasy carnivoran genus Eupleres (Family Eupleridae). Mammalia, 74(2), 177-185.
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