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Euplère de Goudot (Eupleres goudotii)


L'euplère de Goudot (Eupleres goudotii) est un mammifère carnivore endémique de Madagascar appartenant à la famille des Eupleridae. Cet animal se distingue par une morphologie et un régime alimentaire hautement spécialisés qui l'éloignent de l'image classique du prédateur. Souvent confondu avec les civettes ou les mangoustes, il possède des caractéristiques qui lui sont propres, notamment une dentition adaptée à un régime vermivore. Classé comme "Vulnérable" par l'IUCN, cet animal discret et nocturne joue un rôle écologique crucial dans la régulation des populations d'invertébrés, bien que sa survie soit aujourd'hui menacée par la destruction de son habitat et la prédation par des espèces introduites. L'euplère de Goudot est également connu sous le nom de Falanouc oriental.


Euplere de Goudot (Eupleres goudotii)
Euplère de Goudot (Eupleres goudotii)
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DESCRIPTION

La morphologie de l'euplère de Goudot est le résultat d'une adaptation évolutive spécifique à son mode de vie terrestre et à son régime alimentaire particulier. C'est un animal de taille moyenne, mesurant généralement entre 45 et 65 centimètres de longueur pour le corps, avec une queue touffue d'environ 22 à 25 centimètres. Son poids varie de 2 à 4,5 kilogrammes, les individus étant souvent plus lourds avant la saison sèche grâce à l'accumulation de réserves de graisse, notamment à la base de la queue. L'aspect général du falanouc oriental rappelle celui d'une mangouste, mais avec une silhouette plus basse et plus allongée. Son pelage est dense, doux et laineux, arborant une coloration brun-fauve sur le dos qui s'éclaircit pour devenir crème ou grisâtre sur le ventre, offrant un camouflage efficace dans les sous-bois.

Cependant, ce sont sa tête et ses membres qui présentent les caractéristiques les plus distinctives. Le museau est remarquablement fin et allongé, une adaptation parfaite pour fouiller l'humus et la litière forestière. Contrairement à la majorité des carnivores qui possèdent des canines puissantes et des carnassières tranchantes pour déchiqueter la viande, la dentition de l'euplère de Goudot est très réduite. Ses dents sont petites, coniques et espacées, ressemblant davantage à celles d'un insectivore qu'à celles d'un félin ou d'une civette, ce qui témoigne de sa spécialisation pour les proies molles. Ses pattes sont munies de griffes très longues et non rétractiles, particulièrement développées sur les membres antérieurs. Ces griffes ne servent pas à saisir des proies ou à grimper aux arbres, mais fonctionnent comme des outils de terrassement efficaces, permettant à l'animal de creuser la terre avec aisance pour débusquer sa nourriture.


Eupleres goudotii
Eupleres goudotii
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HABITAT

Le falanouc oriental se rencontre dans l'est de Madagascar, de la Montagne d'Ambre à l'extrême nord jusqu'à Andohahela et le long des rives du fleuve Mandrare au sud-est de l'île. On le trouve dans au moins onze localités, principalement en dessous de 500 m d'altitude, mais parfois jusqu'à 1 000 m. Il se rencontre dans la forêt tropicale humide de l'est et les zones dégradées, marécageuses ou envahies par la végétation adjacentes. Aux alentours de Makira (au nord-est de Madagascar), les observations de falanouc oriental étaient plus fréquentes à proximité des villages.


Eupleres goudotii distribution
     Répartition actuelle de l'euplère de Goudot
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ALIMENTATION

Le régime alimentaire de l'euplère de Goudot est l'un des plus spécialisés parmi les carnivores de Madagascar, ce qui lui vaut souvent le qualificatif de "vermivore". Contrairement au fossa qui chasse les lémuriens, l'euplère se nourrit presque exclusivement d'invertébrés terrestres. Sa proie de prédilection est le ver de terre, qui constitue la majeure partie de son apport calorique. Cette spécialisation explique la forme unique de sa dentition régressée : n'ayant pas besoin de briser des os ou de déchirer des muscles, ses petites dents coniques sont suffisantes pour saisir et retenir des proies glissantes et molles. Il consomme également une variété d'autres invertébrés, tels que des limaces, des escargots, des larves d'insectes et divers coléoptères qu'il trouve en fouillant méticuleusement le sol forestier.

La stratégie de recherche de nourriture de l'euplère de Goudot repose sur l'utilisation combinée de son odorat fin et de ses griffes puissantes. Il parcourt la forêt le nez au sol, reniflant l'humus pour détecter la présence de ses proies. Une fois une cible localisée, il utilise ses longues griffes non rétractiles pour creuser rapidement la terre ou retourner les feuilles mortes. Il est intéressant de noter que son alimentation peut varier légèrement selon les saisons. Durant la saison des pluies, lorsque les vers de terre et autres invertébrés sont abondants près de la surface, il se nourrit intensément pour constituer des réserves de graisse. Ces réserves, stockées principalement dans sa queue, sont cruciales pour sa survie durant la saison sèche ou l'hiver austral, période durant laquelle la disponibilité des proies diminue drastiquement et où son activité métabolique peut se réduire. Bien que classé taxonomiquement comme carnivores, il ne chasse pratiquement jamais de vertébrés, bien que quelques observations anecdotiques suggèrent la consommation occasionnelle de grenouilles ou de petits reptiles, cela reste marginal par rapport à sa consommation d'invertébrés.


Euplere de Goudot musee histoire naturelle Genoa
Euplère de Goudot au musée d'histoire naturelle de Genoa
© Mario Massone - Wikimedia Commons
CC-BY-SA (Certains droits réservés)

REPRODUCTION

La biologie reproductive de l'euplère de Goudot présente des traits particuliers qui le distinguent de nombreux autres petits carnivores. La reproduction est strictement saisonnière, synchronisée avec les cycles climatiques de Madagascar pour assurer les meilleures chances de survie à la progéniture. L'accouplement a généralement lieu au début de l'hiver austral, souvent autour des mois de juillet ou août. Après une période de gestation d'environ trois mois (approximativement 90 jours), la femelle donne naissance à une portée très réduite, composée le plus souvent d'un seul petit, et plus rarement de deux. Les naissances coïncident avec le début de la saison des pluies, une période d'abondance alimentaire qui permet à la mère de produire suffisamment de lait sans puiser excessivement dans ses réserves corporelles.

Un aspect remarquable de la reproduction chez le falanouc oriental est l'état de développement des jeunes à la naissance. Contrairement aux chatons ou aux chiots qui naissent aveugles et totalement dépendants, les petits euplères sont nidifuges (ou précoces). Ils naissent bien développés, avec les yeux ouverts et un corps déjà couvert de fourrure. Cette stratégie évolutive permet aux jeunes d'être mobiles très rapidement, souvent capables de suivre leur mère à travers la végétation dense seulement quelques jours après la naissance. Cette mobilité précoce est un atout vital pour éviter les prédateurs dans un environnement forestier hostile. Le sevrage est également relativement rapide; le jeune commence à consommer des aliments solides, comme des vers et des insectes mous, au bout de quelques semaines, tout en continuant à téter. La maturité sexuelle est atteinte vers l'âge d'un an, moment où les jeunes quittent le territoire maternel pour établir leur propre domaine vital, perpétuant ainsi le cycle de vie de l'espèce.

La longévité de l’euplère en milieu sauvage n’est pas bien documentée, mais, comme pour beaucoup de carnivores de taille moyenne, elle est probablement de l’ordre de 6 à 10 ans. En captivité, si les conditions environnementales et alimentaires sont contrôlées, certains individus pourraient vivre légèrement plus longtemps, mais ces données spécifiques à l’euplère ne sont pas publiées de manière exhaustive.


Falanouc (Eupleres goudotii)
L'euplère de Goudot est également appelé Falanouc oriental
© Zach Farris - WCS Madagascar
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COMPORTEMENT

Le comportement de l'euplère de Goudot est caractérisé par une nature discrète et principalement nocturne ou crépusculaire. L'animal s'active généralement à la tombée de la nuit pour entamer ses longues sessions de fourragement, bien qu'il puisse parfois être observé en journée dans les zones forestières denses et peu perturbées. C'est un mammifère essentiellement terrestre; contrairement à d'autres membres de sa famille comme la civette malgache (Fossa fossana) ou le fossa (Cryptoprocta ferox), le falanouc oriental grimpe très rarement aux arbres, sa morphologie (notamment ses pieds et ses griffes non rétractiles) étant peu adaptée à cet exercice. Il se déplace avec une allure plantigrade caractéristique, posant toute la plante du pied au sol, ce qui lui confère une démarche qui peut sembler un peu lourde ou traînante, mais qui est efficace pour se mouvoir silencieusement sur le tapis forestier.

Sur le plan social, l'euplère de Goudot est souvent décrit comme solitaire, bien qu'il ne soit pas rare d'observer des couples ou des mères accompagnées de leur progéniture. Il existe une certaine territorialité chez cette espèce. Pour marquer leur domaine et communiquer avec leurs congénères, les euplères de Goudot utilisent des sécrétions odorantes produites par des glandes anales et périnéales, ainsi que des glandes situées au niveau du cou. Le frottement de ces zones contre des troncs d'arbres ou des rochers permet de laisser des signaux chimiques complexes informant sur le sexe, le statut reproducteur et l'identité de l'individu. En cas de menace, son comportement de défense est passif mais efficace : il hérisse ses poils pour paraître plus volumineux et peut émettre des sifflements ou des grognements. S'il est acculé, il peut utiliser ses griffes puissantes pour se défendre, bien que sa première réaction soit généralement la fuite silencieuse dans les broussailles. Il traverse également une période d'activité réduite durant la saison froide et sèche, entrant dans un état de torpeur diurne pour économiser son énergie.


Euplere de Goudot gros plan
Gros plan de l'euplère de Goudot
© Museums Victoria
CC-BY (Certains droits réservés)

PRÉDATION

En tant que mésoprédateur (prédateur de taille moyenne) au sein de l'écosystème malgache, l'euplère de Goudot se trouve au milieu de la chaîne alimentaire. Historiquement, avant l'arrivée de l'homme sur l'île, ses ennemis naturels étaient limités. Le principal prédateur indigène capable de s'attaquer à un adulte est le fossa, le plus grand carnivore de Madagascar. Les jeunes euplères, plus vulnérables en raison de leur petite taille, peuvent également être la proie de grands rapaces endémiques de l'île ou de grands serpents comme le boa de Madagascar (Acrantophis madagascariensis), bien que la protection maternelle et la mobilité précoce des petits limitent ces risques.

Cependant, la dynamique de prédation a radicalement changé avec l'introduction d'espèces exogènes par l'homme. Aujourd'hui, les "prédateurs" les plus redoutables pour l'euplère de Goudot ne sont plus uniquement naturels au sens strict de l'évolution malgache. Le chien domestique (Canis lupus familiariss), souvent retourné à l'état sauvage ou errant autour des villages en lisière de forêt, représente une menace mortelle et directe. De plus, la petite civette indienne (Viverricula indica), introduite sur l'île, entre en compétition directe pour les ressources, bien qu'elle ne soit pas un prédateur direct de l'euplère de Goudot.


Euplere de Goudot illustration
Illustration de l'euplère de Goudot
Auteur: Joseph Smit
CC0 (Domaine public)

MENACES

L'euplère de Goudot est sévèrement menacé par la perte et la dégradation de son habitat, ainsi que par une chasse intense.

La déforestation dans son aire de répartition a connu une accélération alarmante depuis 2009. Les estimations indiquent que le taux annuel de déforestation dans l'est de Madagascar a presque doublé, passant de 0,5 % (2005-2010) à 0,94 % (2010-2013). Cette destruction culmine localement, par exemple au parc national de Masoala, où le taux annuel atteignait 1,27 % en 2011. L'instabilité sociale et la gouvernance affaiblie après 2009 ont favorisé l'implantation de populations illégales dans les aires protégées. Ces groupes, attirés par l'exploitation minière artisanale (quartz) et le bois de rose, ont provoqué une augmentation démographique (jusqu'à 300 % dans certains villages) et une forte intensification de la chasse à des fins alimentaires, notamment avec l'usage de chiens autour de la baie d'Antongil.

La chasse pour la viande est généralisée et a probablement augmenté depuis 2009. Des enquêtes menées dans la région de Moramanga (2008-2009) ont révélé que 28 % des personnes interrogées (425 sur 1532) avaient consommé du falanouc l'année précédente. Dans la région de Makira, la chasse se concentre dans les forêts non dégradées, où l'espèce est plus abondante.

Les espèces introduites représentent une menace supplémentaire. La compétition avec la petite civette indienne (Viverricula indica) est faible, mais la prédation et la concurrence exercées par les chiens et les chats errants sont jugées plus importantes. La probabilité d'occupation du territoire par le falanouc oriental est significativement plus faible sur les sites où les chiens sont très actifs, suggérant que l'espèce évite ces zones, potentiellement en raison d'une prédation accrue.


Eastern Falanouc
En anglais, l'euplère de Goudot est appelé Eastern Falanouc
© Chien Lee - iNaturalist
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CONSERVATION

L'euplère de Goudot est actuellement considéré comme une espèce menacée. Il est inscrit dans la catégorie "Vulnérable" (VU) sur la Liste rouge de l'IUCN et en Annexe II de la CITES.

Malgré les menaces, l'euplère de Goudot reste relativement répandu dans un habitat convenable, bien que nulle part il ne soit commun. Il se produit dans un certain nombre de parcs nationaux.


TAXONOMIE

L'histoire taxonomique de l'euplère de Goudot est un véritable feuilleton scientifique qui illustre la complexité de la classification zoologique et les mystères de l'évolution insulaire. Pendant plus d'un siècle, la position phylogénétique de cet animal a fait l'objet de vifs débats parmi les naturalistes et les zoologistes. Lorsqu'il a été décrit pour la première fois au XIXe siècle, les scientifiques se sont basés exclusivement sur des critères morphologiques pour le classifier. En raison de son apparence physique — son corps allongé, son museau pointu et ses glandes anales — il a été initialement rapproché des Viverridae ou parfois des Herpestidae. Cependant, sa dentition aberrante et hautement spécialisée, adaptée à un régime insectivore, brouillait les pistes et rendait difficile son inclusion définitive dans l'une ou l'autre de ces familles continentales. Cette confusion était exacerbée par le phénomène de convergence évolutive : des espèces non apparentées développent des traits similaires parce qu'elles occupent des niches écologiques comparables.

Le tournant majeur dans la compréhension de l'histoire évolutive de l'euplère de Goudot, et de tous les carnivores malgaches, s'est produit au début du XXIe siècle, plus précisément en 2003, grâce aux travaux révolutionnaires de la biologiste moléculaire Anne Yoder. En utilisant des analyses d'ADN nucléaire et mitochondrial, Yoder et son équipe ont démontré que les carnivores de Madagascar, malgré leurs différences morphologiques extrêmes (allant du fossa ressemblant à un puma au Ffalanouc ressemblant à une mangouste), descendent tous d'un ancêtre commun unique. Cet ancêtre, probablement une petite mangouste africaine, aurait traversé le canal du Mozambique il y a entre 18 et 24 millions d'années, probablement sur des radeaux de végétation naturelle.

Cette découverte a conduit à la création d'une nouvelle famille taxonomique propre à Madagascar : les Euplerinae. Au sein de cette famille, l'euplère de Goudot a trouvé sa place dans la sous-famille des Euplerinae. Cette révision taxonomique a non seulement résolu l'énigme de la classification de l'euplère de Goudot, mais a aussi mis en lumière l'incroyable radiation adaptative qui s'est produite sur l'île. À partir d'un seul colonisateur, l'évolution a produit une diversité de formes occupant des niches écologiques variées. Ainsi, l'histoire taxonomique de l'euplère de Goudot est passée d'une classification basée sur des ressemblances superficielles à une compréhension phylogénétique profonde, révélant qu'il est, génétiquement, plus proche du fossa que des civettes africaines auxquelles il ressemble pourtant davantage.


CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communEuplère de Goudot
Autre nomFalanouc oriental
English nameEastern Falanouc
Español nombreFanaloca
Mangosta de dientes pequeños
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreCarnivora
Sous-ordreFeliformia
FamilleEupleridae
Sous-familleEuplerinae
GenreEupleres
Nom binominalEupleres goudotii
Décrit parLouis Michel Français Doyère
Date1835



Satut IUCN

Vulnérable (VU)

SOURCES

* Liens internes

Animal Diversity Web

Arkive

iNaturalist

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Mammal Species of the World (MSW)

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

Wildlife Conservation Society

* Liens externes

Archive ouverte HAL

Museums Victoria Collections

Pete Oxford Photography

Global Biodiversity Information Facility (GBIF)

Wikimedia Commons

* Bibliographie

Hawkins, F. (2016). Eupleres goudotii. The IUCN Red List of Threatened Species 2016: e.T68336601A45204582.

Goodman, S. M., & Benstead, J. P. (Eds.). (2003). The Natural History of Madagascar. University of Chicago Press.

Wilson, D. E., & Mittermeier, R. A. (Eds.). (2009). Handbook of the Mammals of the World. Vol. 1: Carnivores. Lynx Edicions.

Albignac, R. (1973). Faune de Madagascar: 36. Mammifères Carnivores. ORSTOM/CNRS.

Yoder, A. D., et al. (2003). Single origin of Malagasy Carnivora from an African ancestor". Nature, 421(6924), 734-737.

Goodman, S. M., & Helgen, K. M. (2010). "Species limits and distribution of the Malagasy carnivoran genus Eupleres (Family Eupleridae)". Mammalia, 74(2), 177-185.