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Civette malgache (Fossa fossana)


La civette malgache (Fossa fossana) est un petit mammifère carnivore endémique de Madagascar. Appartenant à la famille singulière des Eupleridae, cette espèce ne doit surtout pas être confondue avec le célèbre fossa (Cryptoprocta ferox), le plus grand prédateur de l'île, bien que leurs noms scientifiques prêtent souvent à confusion. Discrète et strictement nocturne, cette civette aux allures de renard joue un rôle écologique fondamental dans son habitat restreint. Malheureusement, l'espèce est actuellement classée comme "Vulnérable" (VU) par l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), menacée par la déforestation massive, la fragmentation de son habitat et la chasse qui pèsent lourdement sur sa survie à long terme. La civette malgache est également appelé fanaloka tacheté.


Civette malgache
Civette malgache (Fossa fossana)
© Daniel Branch - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)



DESCRIPTION

La morphologie de la civette malgache présente des caractéristiques physiques distinctives qui lui confèrent une apparence intermédiaire entre un petit renard et un chat domestique. Ce mammifère de taille moyenne mesure généralement entre 40 et 50 centimètres de longueur pour le corps et la tête, auxquels s'ajoute une queue touffue d'environ 20 à 25 centimètres. Le poids d'un individu adulte varie habituellement entre 1,5 et 2 kilogrammes, les mâles étant parfois légèrement plus robustes que les femelles, bien que le dimorphisme sexuel ne soit pas extrêmement prononcé chez cette espèce. Le corps est allongé et soutenu par des pattes relativement courtes mais musclées, adaptées à la marche au sol plutôt qu'à l'escalade.

Le pelage du fanaloka est dense et doux, arborant une coloration de fond gris-brun ou rougeâtre qui lui permet de se camoufler efficacement dans le sous-bois sombre des forêts humides. Ce fond est orné de quatre rangées longitudinales de taches noires sur les flancs, qui ont tendance à fusionner pour former des lignes continues vers le dos, ainsi que des taches plus éparses sur les cuisses. La queue, cylindrique et bien fournie, présente des anneaux brun foncé alternés avec des zones plus claires, bien que ces motifs soient parfois moins distincts que chez d'autres viverridés. La tête est fine, dotée d'un museau pointu semblable à celui d'un renard, surmontée d'oreilles arrondies de taille moyenne et équipée de grands yeux adaptés à la vision nocturne, reflétant une lueur rougeâtre lorsqu'ils sont éclairés par une lampe torche.


Fossa fossana
Fossa fossana
© Daniel Branch - iNaturalist
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HABITAT

La civette malgache est endémique des forêts orientales de Madagascar et de la région de Sambirano, au nord-ouest de l'île. On le rencontre aussi loin au nord que le parc national de la Montagne d'Ambre et aussi loin au sud que le parc national d'Andohahela, au sud-est. Ses principaux bastions comprennent la péninsule de Masoala, les forêts tropicales humides de Mananara, Ambatovaky et Zahamena, ainsi que la région forestière d'Andohahela. Son aire de répartition altitudinale s'étend du niveau de la mer jusqu'à au moins 1 600 m, mais l'espèce semble beaucoup plus rare au-dessus de 1 000 m.

Cette espèce nocturne et terrestre se rencontre dans les forêts tropicales humides de plaine, de moyenne altitude et littorales, et est parfois associée aux cours d'eau ou aux zones marécageuses de ces habitats; elle ne semble pas s'adapter aux habitats secondaires. La probabilité d'occupation est plus faible et le taux de rencontre significativement plus bas dans les sites forestiers dégradés que dans les forêts intactes. De plus, sa présence est inversement corrélée à la proximité des villages.


Fossa fossana distribution
     Répartition actuelle de la civette malgache
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ALIMENTATION

Le régime alimentaire de la civette malgache est celui d'un carnivore opportuniste, bien qu'il présente une spécialisation marquée pour certains types de proies invertébrées. Contrairement à d'autres carnivores malgaches qui peuvent avoir un régime plus diversifié incluant des fruits, le fanaloka est strictement animalivore. Une très grande partie de son alimentation est constituée de petits crustacés, de vers de terre, et d'insectes, qu'il chasse activement dans la litière forestière et le sol humide des forêts tropicales. Cette préférence pour les invertébrés, et particulièrement pour les crustacés d'eau douce comme les écrevisses et les crabes de terre, le distingue de nombreux autres prédateurs de taille similaire.

Cependant, la civette malgache ne se limite pas aux invertébrés et complète régulièrement son apport énergétique en chassant de petits vertébrés. Son menu inclut ainsi une variété de petits mammifères tels que les rongeurs endémiques et les tenrecs, ainsi que des reptiles, notamment des lézards, des caméléons et des grenouilles. La technique de chasse du fanaloka repose principalement sur l'odorat et l'ouïe; il parcourt son territoire le nez au sol, fouillant l'humus et les troncs pourris pour débusquer ses proies. Une fois localisée, il bondit avec agilité pour la capturer avec ses mâchoires, utilisant ses pattes avant pour manipuler ou déterrer sa nourriture si nécessaire. Cette niche écologique de prédateur de la litière forestière fait du fanaloka un régulateur important des populations d'invertébrés et de petits vertébrés au sein de l'écosystème fragile des forêts pluviales de Madagascar.


Civette malgache gros plan
Gros plan de la civette malgache
© Royle Safaris - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

REPRODUCTION

La biologie reproductive de la civette malgache présente des traits fascinants qui diffèrent de ceux de nombreux autres petits carnivores solitaires. La saison de reproduction est fortement saisonnière et synchronisée, avec des accouplements qui ont généralement lieu entre les mois d'août et de septembre, correspondant à la fin de l'hiver austral. Contrairement à beaucoup de carnivores qui sont polygames ou promiscues, le fanaloka forme souvent des couples monogames durables qui partagent et défendent un territoire commun. Cette structure sociale en couple est relativement rare chez les carnivores de cette taille et implique une cohésion sociale plus forte entre le mâle et la femelle, qui peuvent être observés ensemble, surtout durant cette période critique.

La gestation dure environ trois mois, soit près de 90 jours, ce qui est relativement long pour un animal de ce gabarit. Les naissances surviennent donc généralement entre novembre et janvier, au début de la saison des pluies, une période où les ressources alimentaires sont plus abondantes. Une caractéristique remarquable de l'espèce est que la femelle donne naissance à un seul petit par portée, très rarement deux. Le nouveau-né est précocial, c'est-à-dire qu'il naît à un stade de développement avancé : il est entièrement couvert de poils, a les yeux ouverts dès les premiers jours et est capable de se déplacer peu de temps après la naissance. Le jeune est sevré assez rapidement, vers l'âge de deux à trois mois, mais il reste dépendant de ses parents pour l'apprentissage de la chasse et la protection pendant près d'une année avant de devenir indépendant sexuellement vers l'âge de deux ans.

La civette malgache présente une espérance de vie modérée. Dans la nature, elle vit généralement entre 8 et 12 ans, bien que la mortalité soit plus élevée chez les jeunes en raison de la prédation et de la pression humaine. En captivité, où les risques sont réduits et l’alimentation plus régulière, certains individus peuvent atteindre 14 à 15 ans, ce qui représente la longévité maximale connue pour l’espèce. La durée de vie dépend de plusieurs facteurs, dont la qualité de l’habitat, la disponibilité alimentaire, la présence de prédateurs introduits et l’état sanitaire général des populations.


Civette malgache femelle zoo de Neunkirchen
Civette malgache femelle et son petit au zoo de Neunkirchen
© Jo Kuyken - BioLib
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COMPORTEMENT

Le comportement de la civette malgache est régi par des moeurs strictement nocturnes et un mode de vie principalement terrestre, ce qui contraste avec les habitudes arboricoles de nombreux autres carnivores forestiers de l'île. Le fanaloka passe ses journées à dormir, caché dans des abris naturels tels que des troncs d'arbres creux, des terriers sous les racines, ou des cavités rocheuses, pour n'émerger qu'à la tombée de la nuit. Bien qu'il soit capable de grimper aux arbres s'il est menacé ou pour atteindre un abri, il n'est pas agile dans la canopée et effectue l'essentiel de ses déplacements et de sa chasse au sol, parcourant des distances considérables chaque nuit au sein de son domaine vital.

L'organisation sociale de l'espèce repose sur le couple monogame, qui occupe un territoire exclusif dont la superficie peut varier en fonction de la disponibilité des ressources. La communication olfactive joue un rôle primordial dans la vie sociale du fanaloka; les individus marquent intensivement les limites de leur territoire ainsi que les sentiers fréquentés à l'aide de sécrétions glandulaires provenant de glandes anales, de glandes situées au niveau du cou et des joues. Outre la communication chimique, la civette malgache utilise également des signaux vocaux pour interagir, notamment un cri de contact distinctif qui permet aux membres du couple ou à la mère et son petit de se localiser dans l'obscurité dense de la forêt. En cas de menace ou d'agression, ils peuvent émettre des grognements sourds et des sifflements pour intimider l'intrus.


Fanaloka tacheté
La civette malgache est également appelée Fanaloka tacheté
© V. Proenca - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

PRÉDATION

Dans son environnement naturel, la civette malgache occupe une position intermédiaire dans la chaîne alimentaire, étant à la fois prédateur et proie. Son principal ennemi naturel historique est le fossa (Cryptoprocta ferox), le plus grand carnivore de Madagascar, qui est parfaitement capable de chasser et de tuer un fanaloka adulte grâce à sa puissance et son agilité supérieure, tant au sol que dans les arbres. Les jeunes fanalokas, plus vulnérables, peuvent également être la proie de grands rapaces, ainsi que de grands serpents constricteurs comme le boa de Madagascar (Acrantophis madagascariensis), qui chassent à l'affût dans les zones forestières.

Cependant, la pression de prédation la plus inquiétante aujourd'hui ne vient pas de la faune endémique, mais d'espèces introduites par l'homme. Le chien domestique, souvent retourné à l'état sauvage ou errant autour des villages forestiers, représente une menace mortelle et directe pour la civette malgache. Ces chiens chassent souvent en meute et peuvent facilement débusquer et tuer les civettes, tout en leur transmettant des maladies canines potentiellement dévastatrices comme la maladie de Carré ou la rage. De plus, la civette malgache doit faire face à une compétition féroce pour les ressources alimentaires avec une autre espèce introduite, la petite civette indienne (Viverricula indica), qui occupe une niche écologique similaire et tend à envahir les habitats perturbés. Enfin, l'homme reste un prédateur important, chassant le fanaloka pour sa viande considérée comme un mets dans certaines régions, ce qui aggrave encore le déclin des populations.


Civette malgache portrait
Portrait de la civette malgache
© Arthur Chapman - iNaturalist
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MENACES

La civette malgache, inféodée aux forêts primaires et absente des zones fragmentées, subit une triple menace : la destruction de son habitat, une chasse intense, et la compétition avec les espèces introduites.

La déforestation pour l'agriculture, l'exploitation forestière sélective et la production de charbon de bois sont les principaux moteurs de la perte d'habitat. La vitesse de destruction forestière s'est considérablement accélérée depuis 2009. Les taux de déforestation dans l'est de Madagascar auraient presque doublé, passant de 0,5 % par an (2005-2010) à 0,94 % par an (2010-2013). Dans le parc national de Masoala, le taux annuel a même atteint 1,27 % en 2011. L'activité humaine illégale, notamment l'exploitation minière artisanale (quartz) et l'exploitation du bois de rose, a engendré une forte augmentation démographique dans les villages autour des aires protégées, multipliant par deux ou trois la population de certains d'entre eux.

Parallèlement, le fanaloka est très prisé pour sa chair. La chasse est une menace sérieuse, particulièrement dans l'est de Madagascar. Des enquêtes menées dans la région de Moramanga (2008-2009) ont révélé un taux de consommation très élevé : 31 % des personnes interrogées (513 sur 1635) dans 129 villages avaient consommé cet animal au cours de l'année précédente, ce qui représente le taux le plus fort parmi tous les carnivores locaux. L'intensification de la chasse est positivement corrélée à la présence du fanaloka, ciblant donc les forêts les moins dégradées où il est le plus abondant.

Enfin, les espèces introduites constituent une menace compétitive et potentiellement prédatrice. Des analyses montrent que la probabilité d'occupation du territoire par le fanaloka diminue significativement en présence de carnivores introduits. En réponse à la pression humaine et canine, le fanaloka semble même modifier son rythme d'activité.


Spotted Fanaloka
En anglais, la civette malgache est appelée Spotted Fanaloka
© Royle Safaris - iNaturalist
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CONSERVATION

La civette malgache est actuellement considérée comme une espèce menacée. Elle est inscrite dans la catégorie "Vulnérable" (VU) sur la Liste rouge de l'IUCN et en Annexe II de la CITES.

La civette malgache habite un certain nombre de parcs nationaux. Néanmoins, une diminution de la population est soupçonnée sur une plage supérieure ou égale à 20 % au cours des dix dernières années, avec une diminution de la taille et de la qualité de l'habitat. Les espoirs pour l'espèce sont que des projets de conservations liées au développement des communautés locales sont la voie à suivre pour la conservation des ressources biologiques incroyablement riches et uniques de Madagascar.


TAXONOMIE

L'histoire taxonomique de la civette malgache est complexe et a fait l'objet de nombreux débats scientifiques au fil des siècles, illustrant les difficultés de classification des carnivores insulaires ayant évolué en isolement. L'espèce a été décrite pour la première fois par le naturaliste allemand Philipp Ludwig Statius Müller en 1776. Pendant très longtemps, les zoologistes ont classé Fossa fossana au sein de la famille des Viverridae, qui regroupe les civettes, les genettes et les linsangs d'Afrique et d'Asie, en se basant principalement sur des ressemblances morphologiques convergentes, telles que la forme du crâne et la dentition. Cette classification traditionnelle supposait que les carnivores malgaches descendaient de plusieurs ancêtres différents arrivés sur l'île à des époques distinctes, colonisant Madagascar par vagues successives.

Ce n'est qu'au début du XXIe siècle, grâce à l'avènement des analyses phylogénétiques moléculaires modernes, notamment l'étude pivot menée par Anne Yoder et ses collègues en 2003, que la compréhension de l'évolution de ces animaux a été révolutionnée. Les analyses d'ADN ont révélé que tous les carnivores endémiques de Madagascar, y compris le fanaloka, le fossa (Cryptoprocta), et les mangoustes malgaches, forment en réalité un groupe monophylétique unique. Cela signifie qu'ils descendent tous d'un seul et même ancêtre commun, probablement une petite mangouste africaine arrivée sur l'île il y a environ 18 à 24 millions d'années. En conséquence, une nouvelle famille a été créée pour regrouper ces espèces : les Eupleridae. Au sein de cette famille, le fanaloka est placé dans la sous-famille des Euplerinae. Une source majeure de confusion taxonomique provient de son nom scientifique de genre, Fossa, qui lui a été attribué avant que le terme "Fossa" ne devienne le nom vernaculaire commun de l'espèce Cryptoprocta ferox. Il existe donc une ironie taxonomique où l'animal appelé scientifiquement Fossa (le fanaloka) n'est pas l'animal appelé communément fossa.


CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communCivette malgache
Autre nomFanaloka tacheté
English nameSpotted Fanaloka
Español nombreCiveta de Madagascar
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreCarnivora
Sous-ordreFeliformia
FamilleEupleridae
Sous-familleEuplerinae
GenreFossa
Nom binominalFossa fossana
Décrit parPhilipp Ludwig Statius Müller
Date1776



Satut IUCN

Vulnérable (VU)

SOURCES

* Liens internes

Animal Diversity Web

Arkive

BioLib

iNaturalist

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Mammal Species of the World (MSW)

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

* Liens externes

Global Biodiversity Information Facility (GBIF)

* Bibliographie

Müller, P. L. S. (1776). Linne's Vollständiges Natursystem. Supplément, p. 32.

Hawkins, F. (2015). Fossa fossana. The IUCN Red List of Threatened Species 2015: e.T8668A45197868.

Yoder, A. D., et al. (2003). Single origin of Malagasy Carnivora from an African ancestor. Nature, 421(6924), 734-737.

Garbutt, N. (1999). Mammals of Madagascar. Pica Press, East Sussex, UK.

Goodman, S. M., and Benstead, J. P. (Eds.). (2003). The Natural History of Madagascar. The University of Chicago Press, Chicago, USA.

Albignac, R. (1973). Mammiferes carnivores. Faune de Madagascar 36. ORSTOM and CNRS, Paris.

Albignac, R. (1972). The carnivora of Madagascar. In: R. Battistini and G. Richard-Vindard (eds), Biogeography and ecology in Madagascar, pp. 667-682. W. Junk, The Hague.

Gerber, B. D., Karpanty, S. M. and Randrianantenaina, J. (2012). The importance of habitat and forest integrity for the occurrence of two endemic Malagasy carnivores, Fossa fossana and Salanoia concolor. Animal Conservation, 15(4), 351–358.

Schreiber, A., Wirth, R., Riffel, M. and Van Rompaey, H. (1989). Weasels, civets, mongooses, and their relatives. An Action Plan for the conservation of mustelids and viverrids. IUCN, Gland, Switzerland.