Chevreuil (Capreolus capreolus)

Le chevreuil (Capreolus capreolus) est un cervidé gracieux et de taille modeste, largement répandu dans les écosystèmes forestiers et les paysages de bocage à travers l'Europe et l'Asie occidentale. Il se distingue par sa silhouette élancée et sa capacité d'adaptation remarquable à des habitats variés, allant des forêts de feuillus ou mixtes aux landes et aux zones agricoles parsemées de bosquets. Contrairement à ses grands cousins comme le cerf élaphe, le chevreuil est un animal discret et plutôt solitaire en été, adoptant un régime alimentaire très sélectif et de haute qualité énergétique. Son succès démographique en fait l'ongulé sauvage le plus abondant en Europe, jouant un rôle écologique clé dans la régulation de la végétation. Le chevreuil, également appelé Chevreuil européen, est une de deux espèces formant le genre Capreolus, la seconde étant le chevreuil d'Asie.

DESCRIPTION

Le chevreuil d'Europe est un cervidé de petite taille, dont la longueur corporelle varie généralement de 95 à 135 centimètres, pour une hauteur au garrot oscillant entre 60 et 75 centimètres, et un poids typique de 15 à 30 kilogrammes, avec une certaine variation géographique. Sa silhouette est fine, avec des membres longs et une nuque longue et gracile, ce qui lui confère une allure vive et agile, adaptée à la fuite rapide à travers le sous-bois.

Le pelage présente un dimorphisme saisonnier marqué : il est d'un brun-roux vif et uniforme en été, assurant un camouflage optimal dans la végétation dense, puis il devient plus épais, d'un gris-brun à brun foncé en hiver, offrant une meilleure isolation thermique. Une caractéristique distinctive est le miroir (tache caudale), une large zone de poils blancs autour de la queue très courte et rudimentaire, de 2 à 3 cm, qui devient particulièrement visible lorsque l'animal est en alerte ou en fuite.

Seuls les mâles, appelés brocards, portent des bois, qui sont courts et non palmés, généralement composés de trois andouillers à maturité (une chevillette, un pivot et un daguet si un seul andouiller), et dont la croissance est inversée par rapport aux autres cervidé européens : ils sont développés en hiver et tombent en automne. L'absence de crinière, la présence de grandes oreilles (12 à 14 cm) et l'absence de glandes préorbitales marquent également sa différence morphologique avec des espèces comme le cerf élaphe.

HABITAT

Le chevreuil a une vaste aire de répartition dans le Paléarctique. On le trouve dans la majeure partie de l'Europe (à l'exception de l'Irlande, de Chypre, de la Corse, de la Sardaigne et de la plupart des petites îles), y compris dans l'ouest de la Russie. Hors d'Europe, on le trouve en Turquie, dans le nord de la Syrie, dans le nord de l'Irak, dans le nord de l'Iran et dans le Caucase. Le long des côtes de la mer Noire et dans le nord de la mer Égée en Turquie, les sous-populations méditerranéennes sont proches de l'extinction. L'espèce est éteinte en Israël et au Liban (bien qu'un programme de réintroduction ait débuté en Israël). Elle est présente du niveau de la mer jusqu'à 2 400 m d'altitude dans les Alpes et les Pyrénées.

Dans le sud de l'Europe, il existe deux sous-espèces avec des aires de répartition relativement restreintes. Capreolus capreolus italicus est présente dans le centre et le sud de l'Italie, entre le sud de la Toscane, le Latium et les Pouilles, jusqu'en Calabre. Capreolus capreolus garganta est présente dans le sud de la péninsule Ibérique, en particulier en Andalousie (Sierra de Cádiz).

Le chevreuil occupe une grande variété d'habitats, notamment les forêts de feuillus, mixtes ou de conifères, les landes, les pâturages, les terres arables et les zones périurbaines avec de grands jardins. Il privilégie les paysages composés d'une mosaïque de forêts et de terres agricoles, mais peut survivre en milieu semi-désertique et au-dessus de la limite forestière de façon saisonnière. Le chevreuil est bien adapté aux paysages agricoles modernes

ALIMENTATION

Le chevreuil est un ruminant sélectif dont le régime alimentaire se compose principalement de végétaux tendres et riches en nutriments. Contrairement aux grands cervidés comme le cerf élaphe, il privilégie les jeunes pousses, les feuilles, les bourgeons et les herbes fines. Au printemps et en été, son alimentation est particulièrement diversifiée : il consomme une large variété de plantes herbacées, de fleurs et de légumineuses. En automne, il se nourrit de fruits forestiers, tels que glands, châtaignes et baies, qui lui apportent une réserve énergétique avant l’hiver. Durant la saison froide, il doit s’adapter à la rareté des ressources et consomme alors des rameaux, des écorces et des bruyères.

Cette capacité à varier son régime en fonction des saisons témoigne d’une grande plasticité alimentaire. Son appareil digestif, avec un estomac compartimenté de ruminant, lui permet d’extraire efficacement les nutriments des végétaux. Toutefois, sa faible capacité de stockage impose des repas fréquents et une sélection minutieuse des plantes les plus digestes. Le chevreuil contribue ainsi à la régulation de la végétation, influençant la composition des sous-bois et la régénération forestière. Son comportement alimentaire sélectif illustre son adaptation fine aux milieux tempérés européens.

REPRODUCTION

La reproduction du chevreuil se caractérise par une particularité unique chez les ruminants : la diapause embryonnaire (ou implantation différée). L'accouplement a lieu principalement en plein été, de la mi-juillet à la mi-août. Durant cette période, le brocard devient territorial et défend activement son domaine contre ses rivaux, souvent par des poursuites en cercle créant des "ronds de sorcières", et des combats plus ou moins violents avec ses bois.

Après la fécondation, l'oeuf se divise pour former un blastocyste qui n'entame pas immédiatement son développement dans l'utérus. Il reste en état de dormance libre pendant une période de latence qui dure environ quatre à cinq mois, jusqu'au début du mois de janvier. C'est à ce moment que l'implantation a lieu et que le développement foetal commence réellement, pour une durée de gestation active d'environ cinq mois et demi. Cette stratégie évolutive permet d'assurer que la naissance ait lieu à la période la plus favorable de l'année, soit au printemps (mai-juin), lorsque la nourriture est abondante et de haute qualité, maximisant ainsi les chances de survie des faons. La femelle donne naissance le plus souvent à deux, mais parfois un ou trois, faons tachetés qui resteront cachés dans la végétation dense durant leurs premières semaines, la mère ne venant les allaiter que brièvement pour ne pas attirer les prédateurs. Le sevrage intervient vers trois mois, mais les jeunes demeurent avec leur mère jusqu’à l’hiver. La maturité sexuelle est atteinte dès la première année chez les femelles, tandis que les mâles doivent souvent attendre d’avoir deux ans ou plus avant de pouvoir se reproduire, en raison de la compétition avec les adultes.

La longévité du chevreuil varie selon les conditions naturelles et les pressions environnementales. À l’état sauvage, un individu dépasse rarement 10 à 12 ans, la majorité des chevreuils ayant une espérance de vie moyenne de 6 à 8 ans en raison de la prédation, des maladies, des hivers rigoureux ou encore des accidents liés aux activités humaines (collisions routières, chasse). En captivité ou dans des conditions protégées, certains individus peuvent atteindre 15 à 17 ans. La mortalité est particulièrement élevée durant les premières années de vie, surtout chez les faons, dont la survie dépend fortement de la disponibilité alimentaire, des prédateurs et des aléas climatiques.

COMPORTEMENT

Le chevreuil est un animal dont le comportement social est relativement souple et varie significativement selon la saison et l'habitat. En période de reproduction estivale, il est généralement solitaire ou vit en petits groupes familiaux composés de la chevrette et de sa progéniture de l'année et parfois de l'année précédente. Le brocard établit et défend un territoire bien délimité, qu'il marque par des frottis de ses bois sur la végétation, et par des sécrétions de glandes faciales. Ces territoires lui assurent l'accès à une ou plusieurs femelles. En revanche, durant l'hiver, lorsque la nourriture devient plus rare et la nécessité de se protéger des intempéries et des prédateurs augmente, les chevreuils ont tendance à former des groupes plus importants, parfois appelés "hardes" ou "familles", regroupant plusieurs dizaines d'individus dans les zones ouvertes. Ce comportement social hivernal est principalement une stratégie de survie, leur permettant d'optimiser la vigilance et de partager les zones de recherche de nourriture.

Le chevreuil est principalement actif à l'aube et au crépuscule, mais peut adapter son activité en fonction de la pression de chasse ou des perturbations humaines, devenant plus nocturne dans les zones fortement dérangées. L'un de ses modes de communication les plus audibles est l'aboiement, une alerte sonore courte et puissante émise en cas de danger ou de perturbation. Malgré sa petite taille, le chevreuil est capable de sauts impressionnants et d'une course rapide mais courte, et il compte davantage sur son camouflage, son immobilité, et sa connaissance du terrain pour échapper à ses prédateurs.

PRÉDATION

Les prédateurs naturels du chevreuil d'Europe, varient en fonction de la région géographique et de l'état des populations de grands carnivores. Historiquement et dans les zones où ils ont été réintroduits ou maintenus, le loup gris (Canis lupus) et le lynx commun (Lynx lynx) constituent les principaux prédateurs adultes. Leur présence est essentielle pour la régulation naturelle des populations de chevreuils, influençant non seulement le nombre d'individus, mais aussi leur comportement, notamment en les forçant à se déplacer davantage et à être plus vigilants, ce qui a des conséquences sur leur masse musculaire et leur santé générale.

Là où ces grands prédateurs sont absents, le chevreuil est principalement régulé par la chasse humaine et, dans une moindre mesure, par les maladies et le parasitisme qui sont exacerbés par les densités de population élevées. Les faons, particulièrement vulnérables durant leurs premières semaines de vie lorsqu'ils restent cachés, sont la proie de prédateurs plus petits mais opportunistes. Le renard roux (Vulpes vulpes), le sanglier (Sus scrofa) et les chiens errants peuvent ainsi s'attaquer aux jeunes faons. La prédation par les chiens errants est d'ailleurs devenue une menace significative dans de nombreuses régions périurbaines et rurales, impactant la survie des faons et même des adultes. Les chevreuils sont aussi confrontés à des dangers non-prédateurs liés à l'activité humaine, comme les collisions avec les véhicules, qui représentent une cause majeure de mortalité, notamment dans les paysages fragmentés par les infrastructures routières.

MENACES

La principale menace en Europe est le brassage accru de divers pools génétiques résultant des translocations. Cela pourrait constituer une menace particulière pour les populations périphériques génétiquement distinctes, comme celles du nord du Portugal, du sud des Apennins italiens et de Grèce. Des études moléculaires montrent que les chevreuils d'Europe centrale et méridionale sont principalement issus de croisements, ce qui indique que les manipulations humaines ont fortement affecté la structure génétique naturelle des populations. Les petites populations isolées de Capreolus capreolus italicus du centre et du sud de l'Italie (Castelporziano, Rome et parc national du Gargano) sont également menacées par le braconnage et la prédation par les chiens en liberté. La petite population restante en Syrie est gravement menacée par la réduction de son habitat et les persécutions humaines. La chasse illégale, le braconnage, les collisions avec des véhicules, principalement dans la région occidentale de la mer Noire, et la prédation par les chiens sont les principales menaces qui pèsent sur l'espèce en Turquie.

CONSERVATION

Le chevreuil européen n'est pas considéré comme une espèce menacée. Il est actuellement inscrit dans la catégorie "Préoccupation mineure" (LC) sur la Liste rouge de l'IUCN. Cette espèce commune et répandue est protégée au Royaume-Uni par la loi Deer datant de 1991. Certaines méthodes de mort ou de capture sont interdites en vertu de l'annexe IV de la Convention de Berne.

En général, le chevreuil européen arrive à reconstruire rapidement ses populations et peut tolérer une pression de chasse relativement élevée, s'il vit dans un habitat convenable et sous un régime de chasse approprié. Les opérations de gestion, telles que les réintroductions, les repeuplements et les translocations, ont été largement menés à travers son aire de répartition, et doivent toujours être effectués en utilisant les génotypes appropriés. Pour préserver les populations italiennes restantes, des mesures urgentes ont été recommandées :

1) Mener des recherches pour déterminer la structure génétique du chevreuil italien

2) Créer des cartes sur les populations existantes avec des indications sur leur pureté génétique

3) Interdire les translocations de chevreuils dans les stocks du nord vers l'Italie centrale et méridionale, et vice versa

4) Faciliter l'expansion des populations restantes en réduisant le braconnage et en éliminant les chiens sauvages

5) Établir un plan de réintroduction pour le sud de l'Italie. Des actions similaires sont recommandées pour protéger les populations périphériques génétiquement distinctes au Portugal et en Grèce. En général, toutes les translocations de chevreuils doivent respecter l'intégrité génétique des populations sur le site de destination.

TAXONOMIE

L'histoire taxonomique du chevreuil d'Europe débute officiellement avec Carl Linnaeus (ou Carl von Linné) qui l'a formellement décrit en 1758 dans la dixième édition de son oeuvre fondamentale, Systema Naturae. Linnaeus l'a initialement classé dans le genre Cervus, le nommant ainsi Cervus capreolus. Cette classification initiale, bien que plaçant le chevreuil dans le groupe des grands cervidés, reflétait les connaissances de l'époque qui regroupaient de nombreux ongulés sous de vastes genres. Le nom générique actuel, Capreolus, a été introduit ultérieurement par le zoologiste britannique John Edward Gray en 1821, qui a créé ce genre pour le distinguer des autres espèces de cerfs, bien qu'il n'ait pas fourni une description complète ou une justification détaillée à ce moment-là.

L'étymologie du nom Capreolus est elle-même intéressante, dérivant du latin capra (chèvre ou bique) avec le suffixe diminutif -olus, suggérant un "petit chevreau" ou "petite chèvre sauvage", ce qui est pertinent pour un cervidé de petite taille. L'espèce est maintenant reconnue au sein de la famille des Cervidae, mais est classée dans la sous-famille des Capreolinae qui comprend également le chevreuil d'Asie (Capreolus pygargus). Cette classification moderne reflète les études génétiques et morphologiques qui ont révélé que, de manière contre-intuitive, les chevreuils sont phylogénétiquement plus proches des cervidés du Nouveau Monde que des ceux de l'Ancien Monde. En outre, pendant une longue période, le chevreuil d'Europe et le chevreuil d'Asie étaient considérés comme une seule et même espèce, le premier étant une sous-espèce du second. Cependant, les analyses génétiques et les différences morphologiques, notamment la taille significativement plus grande du chevreuil d'Asie, ont conduit à la reconnaissance de deux espèces distinctes au sein du genre Capreolus.

La taxonomie du Chevreuil d'Europe est souvent simplifiée, la forme nominale couvrant la grande majorité de son aire de répartition. Cependant, des études morphologiques et génétiques reconnaissent traditionnellement l'existence de quelques sous-espèces isolées, principalement dans les refuges glaciaires du sud de l'Europe, ce qui est crucial pour les efforts de conservation.

- Capreolus capreolus capreolus : Cette sous-espèce est la forme nominale et est de loin la plus répandue. Elle couvre la quasi-totalité de l'Europe continentale, de la Grande-Bretagne et de la France à l'ouest, jusqu'à la Scandinavie au nord et s'étendant à l'est en direction des Balkans et de l'Europe de l'Est, jusqu'à l'Oural, où elle entre en contact avec le chevreuil d'Asie. Elle est également présente dans certaines parties de l'Asie Mineure (Turquie, Iran septentrional). Elle est absente d'Irlande, de Corse et de Sardaigne.

- Capreolus capreolus canus : Cette sous-espèce est parfois reconnue pour désigner les populations de la péninsule Ibérique, bien que son statut taxonomique précis fasse l'objet de discussions. Elle est associée aux populations présentes en Espagne et au Portugal. Des analyses génétiques ont montré une divergence au niveau des populations ibériques, suggérant un héritage provenant de refuges glaciaires distincts, ce qui supporte la reconnaissance d'une unité génétique spécifique dans cette région.

- Capreolus capreolus caucasicus : Décrit à l'origine comme une sous-espèce du Chevreuil d'Europe, notamment en raison de sa présence dans la région du Caucase, qui est considérée comme la limite orientale de l'aire de répartition du Chevreuil d'Europe. Cette forme est traditionnellement associée aux populations vivant dans la région du Caucase, en particulier sur le flanc nord de la chaîne, ainsi que dans le sud de la Russie européenne. Son statut taxonomique est actuellement incertain, car de nombreux scientifiques le classe comme synonyme de Capreolus pygargus pygargus.

- Capreolus capreolus italicus : Cette sous-espèce est un endémisme italien, considérée comme génétiquement distincte et plus petite que la forme nominale. Elle est strictement confinée à quelques zones isolées du centre et du sud de l'Italie, principalement dans les Apennins du Sud. Les populations relictuelles les plus importantes se trouvent dans des zones protégées comme le domaine présidentiel de Castelporziano, la Forêt Umbra (Gargano), et les montagnes de l'Orsomarso (Parc national du Pollino) en Calabre.

CLASSIFICATION

Fiche d'identité

Nom commun	Chevreuil
Autre nom	Chevreuil européen
English name	Roe deer
Español nombre	Corzo
Règne	Animalia
Embranchement	Chordata
Sous-embranchement	Vertebrata
Super-classe	Tetrapoda
Classe	Mammalia
Sous-classe	Theria
Infra-classe	Eutheria
Ordre	Artiodactyla
Sous-ordre	Ruminantia
Famille	Cervidae
Sous-famille	Capreolinae
Genre	Capreolus
Nom binominal	Capreolus capreolus
Décrit par	Carl von Linné (Linnaeus)
Date	1758
Satut IUCN

VOIR AUSSI

* Chevreuil d'AsieChevreuil d'Asie (Capreolus pygargus)

SOURCES

* Liens internes

Arkive

BioLib

iNaturalist

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Mammal Species of the World (MSW)

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

* Liens externes

Futura sciences

Global Biodiversity Information Facility (GBIF)

Zooinstitutes

* Bibliographie

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