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Muntjac de Roosevelt (Muntiacus rooseveltorum)


Le muntjac de Roosevelt (Muntiacus rooseveltorum) est un petit cervidé énigmatique et rare, appartenant au genre Muntiacus. Originaire des régions montagneuses d'Asie du Sud-Est, notamment les monts Annamites au Laos et au Viêt Nam, il se distingue des autres muntjacs par sa taille plus réduite et son pelage sombre. L'espèce fut initialement décrite en 1932 à partir d'un seul spécimen collecté, puis considérée comme disparue pendant des décennies avant d'être redécouverte dans les années 1990. En raison de sa rareté et de la difficulté à l'étudier dans son habitat naturel, le muntjac de Roosevelt est classé dans la catégorie "Données Insuffisantes" (DD) par l'IUCN, soulignant le manque d'informations précises sur son écologie et son statut de conservation actuel. Sa biologie demeure largement méconnue, nécessitant de nombreuses études complémentaires pour assurer sa protection.


Muntjac de Roosevelt (Muntiacus rooseveltorum)
Muntjac de Roosevelt (Muntiacus rooseveltorum)
Source: Association Anoulak
Di-no license (Licence inconnue)



DESCRIPTION

Le muntjac de Roosevelt est un cervidé de petite taille, parmi les plus modestes du genre Muntiacus, avec une hauteur estimée au garrot d'environ 40 centimètres. Bien qu'il n'y ait pas de mesures corporelles spécifiques disponibles pour l'ensemble de l'espèce en raison du faible nombre d'individus étudiés, on sait qu'il est généralement plus petit que le muntjac indien.

Son pelage est caractérisé par une couleur sombre, allant du brun foncé au noir, ce qui lui confère une apparence discrète dans les sous-bois forestiers. Un trait distinctif réside dans sa touffe de poils frontale qui est d'une teinte brun-orange, contrastant légèrement avec le reste de son corps, et une couleur ocre présente sur la face et la gorge. La queue est également courte et de couleur brune sur le dessus.

Le dimorphisme sexuel se manifeste principalement au niveau des structures crâniennes. Les mâles possèdent de très courts pédicules, mesurant environ 4 centimètres de longueur, d'où poussent de minuscules bois non ramifiés, d'une longueur d'environ 2 centimètres. Ces bois sont cachés dans la touffe de poils frontale. Les femelles, quant à elles, n'ont pas de bois, mais se distinguent par des canines supérieures bien développées, bien que cette caractéristique soit également présente chez les mâles sous forme de petites défenses qui dépassent de la lèvre supérieure, comme chez la plupart des muntjacs. Ces canines servent principalement dans les combats intraspécifiques pour l'établissement de la dominance territoriale.


Muntiacus rooseveltorum
Muntiacus rooseveltorum
Source: VietnamPlus
Di-no license (Licence inconnue)

HABITAT

La répartition du muntjac de Roosevelt est mal définie et considérée comme très restreinte. L'aire de répartition confirmée se situe principalement dans la région montagneuse de la Cordillère Annamite (ou chaîne de Truong Son), une chaîne de montagnes qui s'étend sur le Laos et le Viêt Nam. Le spécimen type qui a servi à la description originale de l'espèce en 1932 a été collecté à Muong Yo, dans la province de Phongsali, au nord du Laos, à une altitude d'environ 701 mètres. Depuis sa redécouverte, des preuves d'existence, incluant des spécimens chassés, des crânes et des clichés pris par pièges photographiques, ont été documentées dans le nord du Laos, ainsi que dans des réserves naturelles du Viêt Nam, comme la réserve de Xuan Lien et potentiellement celle de Pu Hoat, suggérant une distribution transfrontalière dans cette zone montagneuse. Certains auteurs mentionnent également la possibilité de sa présence dans l'extrême sud de la Chine, mais cette information reste à confirmer. La population de ce muntjac est très fragmentée et concentrée dans des îlots de son habitat de prédilection.

L'habitat privilégié du muntjac de Roosevelt est la forêt primaire dense, souvent située à des altitudes plus élevées que les habitats des autres espèces de muntjacs de la région. Bien que le lieu de découverte initial se situe à environ 700 mètres, l'espèce est considérée comme plus commune dans les forêts au-dessus de 1 000 mètres d'altitude. Il dépend fortement du couvert forestier épais, que l'on trouve dans les forêts ombrophiles et les forêts de collines. Cet environnement offre le fourrage nécessaire à son régime de brouteur sélectif, ainsi que le couvert essentiel pour échapper aux prédateurs et pour ses activités solitaires et territoriales. La présence de cours d'eau et de zones d'eaux douces est également un facteur important pour les muntjacs. L'avenir de l'espèce est intrinsèquement lié à la conservation de ces massifs forestiers de haute altitude, qui sont de plus en plus menacés par la déforestation et les pressions anthropiques.


Muntiacus rooseveltorum distribution
     Répartition actuelle du muntjac de Roosevelt
© Manimalworld
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)

ÉCOLOGIE

Le régime alimentaire du muntjac de Roosevelt, bien que peu documenté spécifiquement pour cette espèce en raison de sa rareté, est présumé être similaire à celui des autres muntjacs forestiers d'Asie du Sud-Est. Il est considéré comme un brouteur qui se nourrit sélectivement de la végétation disponible dans son habitat forestier de haute altitude. Bien que le muntjac de Reeves (une espèce apparentée) soit parfois décrit comme omnivore (consommant occasionnellement des oeufs ou de petites charognes), cette tendance n'est pas fermement établie pour le muntjac de Roosevelt, mais son régime alimentaire est sans doute largement herbivore et frugivore. Sa survie est intrinsèquement liée à la santé des forêts anciennes, qui fournissent à la fois le couvert et la diversité alimentaire nécessaires.

Les données spécifiques sur la reproduction du muntjac de Roosevelt sont extrêmement limitées, et les informations disponibles proviennent majoritairement d'extrapolations basées sur des espèces de muntjacs plus communes et mieux étudiées, telles que le muntjac indien (Muntiacus muntjak) et le muntjac de Reeves (Muntiacus reevesi).

Peu d’observations directes sont disponibles pour ce cervidé, ce qui rend son comportement mal connu. On suppose qu’il suit certains traits typiques des muntjacs : animal solitaire, plutôt discret, actif principalement à l’aube, au crépuscule ou pendant la nuit pour éviter la prédation ou la chaleur.

Aucun cas documenté spécifique de prédation sur le muntjac de Roosevelt n’est confirmé dans la littérature. Toutefois, en tant que petit cervidé forestier d’Asie, il est probablement la proie de carnivores de taille moyenne à grande présents dans son habitat, tels que la panthère nébuleuse (Neofelis nebulosa), le léopard (Panthera pardus) et le dhole (Cuon alpinus), surtout que ce dernier ait tendance à chasser en meute, ce qui rend l'individu isolé plus vulnérable.


Roosevelt's muntjac (Muntiacus rooseveltorum)
En anglais, le muntjac de Roosevelt est appelé Roosevelt's muntjac
Crédit photo: Xuan Lien Nature Reserve - Mongabay
Di-no license (Licence inconnue)

MENACES

La principale menace pesant sur le muntjac de Roosevelt est la chasse, particulièrement l'usage de collets, répandue au Laos (RDP lao) et au Vietnam pour la viande de brousse et la consommation locale. Cependant, l'étendue des vastes zones forestières montagneuses offre actuellement une protection passive. Dans ces habitats accidentés et difficiles d'accès, les coûts et les efforts nécessaires pour extraire ces animaux, qui sont cryptiques et non grégaires, excèdent souvent le bénéfice commercial, créant un effet "tampon" (ou amortisseur) contre la chasse intensive. De plus, les muntjacs vivant dans les hautes altitudes des zones centrales sont probablement moins menacés que les mammifères limités aux basses altitudes.

À l'échelle locale, l'espèce est aussi menacée par la perte et la fragmentation de l'habitat, notamment dans le nord de l'Indochine. Les pratiques d'agriculture itinérante, déséquilibrées dans leur cycle de rotation, conduisent à une dégradation forestière nette. Si certains muntjacs (muntjac rouge du Nord et muntjac de Reeves) s'adaptent bien aux mosaïques de forêts secondaires et aux habitats dégradés, atteignant parfois des densités élevées, une nouvelle menace bien plus grave émerge : le remplacement à grande échelle des forêts naturelles par des plantations agro-industrielles, en particulier d'hévéas. Ce phénomène, croissant dans les hauts plateaux du nord du Laos, a des conséquences multiples. Il entraîne une perte directe d'habitat, car il est peu probable que ces plantations puissent soutenir ces cervidés. Il déstabilise la base de ressources des communautés locales, entraînant un risque accru de chasse dans les blocs forestiers restants. Enfin, la réduction de la taille des blocs d'habitat naturel affaiblit l'effet tampon protecteur.


CONSERVATION

En raison du manque d'informations sur sa répartition et son écologie, le muntjac de Roosevelt est classé dans la catégorie "Données insuffisantes" (DD) sur la Liste rouge de l'IUCN.

Le principal obstacle à l’élaboration de plans de conservation efficaces pour ce groupe de muntjacs réside dans les incertitudes taxonomiques. Tant que les limites précises de chaque espèce et leurs critères d’identification clairs ne seront pas définis, il est impossible d'analyser leurs besoins spécifiques. Clarifier la taxonomie est donc l'action de conservation la plus critique à long terme.

Heureusement, ces muntjacs vivent déjà dans de nombreuses aires protégées des chaînes annamitiques au Laos et au Vietnam, ainsi qu'au Myanmar. Cette répartition en zones de conservation suggère que, pour certaines espèces, la gestion efficace de ce réseau d'aires protégées géographiquement dispersées pourrait suffire, à condition que le système réponde bien aux besoins d'habitat des taxons les plus localisés.

Cependant, la gestion de la chasse pose un défi majeur, car il est illusoire d’attendre des chasseurs qu'ils identifient l’espèce sur le terrain avant de tirer. De plus, au Laos, où la chasse de subsistance est tolérée, et au Vietnam, où l'interdiction de la chasse est mal appliquée, les méthodes non sélectives comme les collets menacent l'ensemble du complexe.

La stratégie de gestion la plus réaliste consiste à établir des "zones centrales" strictement interdites à toute forme de chasse, y compris traditionnelle. La législation laotienne prévoit déjà ces zones, mais leur mise en oeuvre est rare. Chaque aire protégée devrait délimiter une grande zone centrale (plusieurs centaines de km²), assurant une protection sans faille. Cette mesure permettrait le repeuplement, bénéficiant indirectement aux communautés locales qui pourraient alors procéder à une récolte contrôlée et durable en périphérie, évitant ainsi l'épuisement des ressources fauniques qui, dans certaines régions, contraint déjà les populations à un véganisme involontaire.


TAXONOMIE

L'histoire taxonomique du muntjac de Roosevelt est particulièrement complexe et illustre les défis de la classification des espèces rares et insaisissables dans les régions reculées d'Asie du Sud-Est. L'espèce fut formellement décrite en 1932 par le zoologiste américain Wilfred Hudson Osgood, qui travaillait au Field Museum of Natural History de Chicago. Le spécimen type à l'origine de cette description avait été collecté en 1929 dans la région de Muong Yo, au Laos, lors de la célèbre Expédition asiatique Kelley-Roosevelts, organisée et financée par les frères Theodore Roosevelt Jr. et Kermit Roosevelt, d'où le nom spécifique rooseveltorum qui leur est dédié.

Le statut de l'espèce est resté controversé pendant des décennies. En 1963, Haltenorth suggéra d'inclure cette forme avec le muntjac indien (Muntiacus muntjak). Plus tard, en 1990, Groves et Grubb reléguèrent le muntjac de Roosevelt au rang de sous-espèce du muntjac de Fea, le nommant Muntiacus feae rooseveltorum, en raison de similitudes morphologiques et de la proximité géographique de leur aire de répartition dans les montagnes situées plus au nord-ouest, séparées par des terres basses. Néanmoins, d'autres travaux, notamment ceux de Corbet et Hill en 1980, suggéraient qu'il était distinct.

Le tournant majeur se produisit dans les années 1990. Après des années de conflits et d'instabilité politique qui avaient rendu les études de terrain difficiles, l'espèce, que l'on croyait peut-être éteinte, fut redécouverte. En 1996, une étude menée par George B. Schaller et ses collègues, utilisant des caractères diagnostiques d'ADN (notamment sur l'ADN mitochondrial 16S), a permis de confirmer sans équivoque que les spécimens nouvellement collectés dans les montagnes Annamites du Viêt Nam et du Laos étaient bien distincts de Muntiacus feae et constituaient une espèce à part entière, rétablissant ainsi le statut de l'espèce Muntiacus rooseveltorum.

Cette redécouverte a mis en évidence la complexité évolutive du genre Muntiacus dans la région annamite, où plusieurs nouvelles espèces de muntjacs, comme le muntjac du Truong-son (Muntiacus truongsonensis) et le muntjac géant (Muntiacus vuquangensis), ont également été découvertes récemment, ce qui souligne l'importance des études de terrain continues et de l'analyse génétique pour la taxonomie des cervidés d'Asie.


CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communMuntjac de Roosevelt
English nameRoosevelt's muntjac
Español nombreMuntíaco de Roosevelt
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
Super-classeTetrapoda
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreArtiodactyla
Sous-ordreRuminantia
FamilleCervidae
Sous-familleCervinae
GenreMuntiacus
Nom binominalMuntiacus rooseveltorum
Décrit parWilfred Hudson Osgood
Date1932



Satut IUCN

Données insuffisantes (DD)

SOURCES

* Liens internes

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Mammal Species of the World (MSW)

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

Wikipédia

* Liens externes

Association Anoulak

Global Biodiversity Information Facility (GBIF)

Mongabay

Vietnam Plus

* Bibliographie

Osgood, W. H. (1932). Mammals of the Kelley-Roosevelts and Delacour Asiatic expeditions. Field Museum of Natural History, Zoological Series, 18(10): 193-339.

Amato, G., Egan, M. G., Schaller, G. B., Baker, R. H., Rosenbaum, H. C., Robichaud, W. G., & DeSalle, R. (1999). Rediscovery of Roosevelt's Barking Deer (Muntiacus rooseveltorum). Journal of Mammalogy, 80(2): 639-643.

Le, M., Nguyen Thanh, V., Duong, H. T., Nguyen, H. M., Dinh, L. D., Do, T., & Nguyen, H. D. (2014). Discovery of the Roosevelt's Barking Deer (Muntiacus rooseveltorum) in Vietnam. Conservation Genetics, 15(4): 993-999.

Timmins, R. J., & Duckworth, J. W. (2016). Muntiacus rooseveltorum. The IUCN Red List of Threatened Species 2016: e.T13928A22160435.

Nguyen, A. D., et al. (2000). Rediscovery of Roosevelt’s muntjac (Muntiacus rooseveltorum) in northern Laos. Zoological Research 21(4): 261–266.

Gao, Y. T., & Bi, J. W. (2004). Molecular phylogeny of the genus Muntiacus based on mitochondrial DNA sequences. Zoological Science 21(1): 99–107.

Wang, W., et al. (2020). Phylogenetic relationships and biogeography of muntjacs (genus Muntiacus): new insights from complete mitochondrial genomes. BMC Genomics 21: 501.