Les Muntjacs forment le genre Muntiacus, des cervidés primitifs de petite à moyenne taille, principalement originaires d'Asie du Sud et du Sud-Est, notamment des forêts denses et des régions montagneuses. Communément appelés "cerfs aboyeurs" en raison du cri rauque qu'ils émettent lorsqu'ils sont menacés ou pour communiquer, ces mammifères se distinguent des autres cervidés par plusieurs caractères morphologiques ancestraux. Parmi ceux-ci, la présence de canines supérieures allongées et pointues chez les mâles, agissant comme des défenses, est la plus remarquable, souvent associées à des bois courts portés par des pédicules osseux très longs. Le genre Muntiacus a fait l'objet d'une attention scientifique accrue en raison de la découverte récente de nombreuses nouvelles espèces au Vietnam, au Laos et dans le sud de la Chine, principalement grâce à l'analyse génétique et à des études morphologiques poussées. Cette diversité soulève des défis taxonomiques constants.
Les espèces formant le genre Muntiacus **Source photos**
TAXONOMIE
L'histoire taxonomique du genre Muntiacus reflète sa nature "primitive" parmi les cervidés et la difficulté d'étudier des espèces souvent insaisissables, résidant dans des habitats forestiers denses.
Le genre Muntiacus a été formellement établi par Constantine Samuel Rafinesque en 1815, initialement pour englober le muntjac rouge du Sud (Muntiacus muntjak), qui avait été décrit par Zimmermann en 1780 sous le basionyme Cervus muntjak. Pendant une grande partie du XIXe siècle, seuls le muntjac rouge du Sud (alors appelé Muntjac indien) et le muntjac de Reeves étaient reconnus, et la classification restait relativement stable. Le genre était souvent considéré comme monophylétique, mais peu étudié au-delà de ces deux espèces principales.
La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle ont vu la description de nouvelles espèces basées sur des spécimens morphologiquement distincts, bien que souvent rares ou fragmentaires. Les descriptions du muntjac noir (Muntiacus crinifrons) en 1885 et du muntjac de Fea (Muntiacus feae) en 1889 ont élargi la conception du genre. Ces descriptions étaient fondées sur des critères morphologiques classiques, tels que la couleur du pelage, la forme des bois et des canines. La rareté des spécimens dans les collections a cependant rendu difficile la détermination claire des limites spécifiques et des relations interspécifiques, menant parfois à des classifications ambiguës, où certaines formes étaient considérées comme de simples sous-espèces.
La période la plus dynamique de l'histoire taxonomique du genre a commencé à la fin des années 1980 et au début des années 1990. L'introduction de techniques de cytogénétique (étude des chromosomes) et de la biologie moléculaire (analyse de l'ADN mitochondrial et nucléaire) a révélé une diversité insoupçonnée, bouleversant la taxonomie traditionnelle. Le cas le plus frappant est celui du muntjac indien, dont la découverte d'un nombre chromosomique diploïde (2n) de 6/7 (femelle/mâle) par Wurster et Benirschke en 1970 a fait de l'espèce un modèle en cytogénétique. Cette variation extrême par rapport aux autres espèces de cervidés (le muntjac de Reeves en ayant 2n=46) a fortement suggéré que d'autres distinctions génétiques et potentiellement spécifiques pourraient exister au sein du genre.
La révision de Groves et Grubb au début des années 1980 a jeté les bases d'une classification plus moderne, en reconnaissant par exemple le muntjac jaune de Bornéo (Muntiacus atherodes). L'intensification des études dans les régions reculées d'Indochine a conduit à la découverte spectaculaire et quasi-simultanée de plusieurs nouvelles espèces, souvent basées sur un petit nombre d'individus capturés ou observés, comme le muntjac géant (Muntiacus vuquangensis) en 1994, le muntjac du Truong Son (Muntiacus truongsonensis) en 1997, et le muntjac de Putao (Muntiacus putaoensis) en 1999. Ces descriptions modernes sont systématiquement appuyées par des analyses génétiques, ce qui donne une solidité accrue à la reconnaissance de ces nouveaux taxons. Ces découvertes ont confirmé que la région indochinoise est un centre de diversification majeure pour le genre Muntiacus.
Aujourd'hui, l'histoire taxonomique du genre est caractérisée par un passage des critères purement morphologiques et géographiques à une approche intégrative, combinant la morphologie, la génétique et l'écologie pour définir les limites des espèces.
LES ESPÈCES
Le nombre exact d'espèces dans le genre Muntiacus est en constante évolution du fait des découvertes et des révisions taxonomiques. Actuellement, la majorité des autorités taxonomiques et des bases de données de référence reconnaissent une douzaine d'espèces distinctes, bien que ce chiffre puisse varier selon les sources. Ces espèces peuvent être divisées en deux groupes principaux, basés sur la taille et les données génétiques, bien que l'existence de formes intermédiaires et les récentes découvertes rendent cette classification simpliste. Ci-dessous la liste des espèces reconnues en 2025 par l'IUCN et le GBIF :
Du fait de la nature et des moeurs des espèces du genre Muntiacus, qui n'interagissent que rarement avec l'homme, beaucoup restent peu étudiées. La taxonomie et la reconnaissance de certaines espèces est difficile à établir. Par exemple, des études génétiques ont montré que le muntjac de Gongshan était très étroitement lié au muntjac noir, au point que certains scientifiques pensent qu'il s'agisse d'une seule et même espèce, bien que cette perspective soit très controversée. Certains muntjacs peuvent être considérées, selon les classifications, comme des espèces à part entière ou des sous-espèces d'autres muntjacs, comme le muntjac de Roosevelt qui est parfois présenté comme une sous-espèce du muntjac de Fea, bien qu'il soit généralement accepté comme une espèce à part.
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