Le genre Cervus regroupe les cerfs qui forment le coeur évolutif de la tribu des Cervini, et il est traditionnellement associé au cerf élaphe (Cervus elaphus), décrit par Linnaeus en 1758. Bien que son statut ait été largement discuté suite aux analyses génétiques, la liste englobe les cinq espèces principales de grands cerfs de l'Eurasie et de l'Amérique du Nord, notamment le cerf élaphe et le wapiti, ainsi que des formes asiatiques clés comme le cerf sika et le Cerf de Thorold. L'histoire taxonomique du genre est marquée par une fragmentation puis une consolidation relative, soulignant les défis d'une classification évolutive cohérente. La reconnaissance de ces cinq espèces comme formant le genre Cervus au sens large est une des interprétations majeures de la phylogénie récente.
Les espèces formant le genre Cervus **Source photos**
TAXONOMIE
L'histoire taxonomique du genre Cervus est un exemple typique de l'évolution de la systématique des mammifères, passant d'une classification morphologique à une approche phylogénétique basée sur l'ADN. Le genre Cervus a été établi par Carl Linnaeus en 1758 dans son ouvrage fondamental Systema naturae, avec Cervus elaphus comme espèce type. À l'origine, Linnaeus et les naturalistes suivants ont inclus de nombreuses espèces de cervidés dans ce genre, souvent basées sur des critères morphologiques larges, comme la taille ou la structure générale des bois. Cette classification initiale était très inclusive (polyphylétique), regroupant par exemple le sambar (Rusa unicolor) ou le cerf rusa (Rusa timorensis) sous le nom de Cervus.
Au cours du XXe siècle, des études morphologiques plus fines, notamment basées sur la structure crânienne et dentaire, ont conduit à la proposition de sous-genres et de genres séparés. Les taxonomistes ont commencé à reconnaître que les formes asiatiques et indonésiennes traditionnellement appelées Cervus étaient suffisamment distinctes pour justifier leur déplacement vers des genres comme Rusa, Rucervus (barasingha) ou Axis (cerf axis), bien que l'utilisation du genre Cervus au sens large ait persisté dans certaines littératures.
Le véritable tournant s'est opéré avec l'avènement de la phylogénétique moléculaire à la fin du XXe et au début du XXIe siècle. Les analyses de l'ADN mitochondrial et nucléaire ont clairement démontré que l'ancien genre Cervus était paraphylétique ou polyphylétique. Les principales conclusions de ces études, qui ont été largement acceptées par des organismes comme l'IUCN et des bases de données comme GBIF, sont :
1) Séparation du Wapiti : Les populations nord-américaines et est-asiatiques, autrefois Cervus elaphus wapiti, ont été élevées au rang d'espèce distincte (Cervus canadensis Erxleben, 1777). Cette reconnaissance a un impact majeur sur la biogéographie du genre.
2) Séparation des Cerfs d'Asie du Sud-Est : Les espèces comme le sambar et le cerf rusa ont été définitivement reclassées dans le genre Rusa (C.H. Smith, 1827), basé sur leur divergence génétique et des différences morphologiques substantielles.
3) Position du Cerf Sika : Le cerf sika (Cervus nippon) est souvent maintenu dans Cervus, mais certains auteurs continuent de lui accorder le statut de genre Sika (Sclater, 1870), reflétant les divergences persistantes au sein de la communauté scientifique sur la classification la plus appropriée, bien que Cervus nippon soit le nom le plus courant.
L'histoire taxonomique du genre Cervus est ainsi un témoignage continu de la tentative de faire correspondre la nomenclature linnéenne aux réalités évolutives découvertes par la génétique.
LES ESPÈCES
La liste des espèces ci-dessous représente une classification moderne et élargie du genre Cervus qui inclut les lignées génétiques les plus proches. Cette approche est reconnue pour sa cohérence phylogénétique et permet de distinguer ces espèces des autres cervidés asiatiques, comme les Rusa ou les Axis, qui sont génétiquement plus éloignés :
*Cerf de Thorold (Cervus albirostris) : C'est une espèce emblématique des hauts plateaux du Tibet et de la Chine. Il est décrit par Przewalski en 1883. Il est parfois placé dans son propre genre, Przewalskium, mais son placement dans Cervus est souvent retenu dans les phylogénies récentes comme un clade soeur du complexe Cervus elaphus/Cervus canadensis. Il se distingue par son museau blanc (d'où son nom albirostris) et ses adaptations uniques au climat froid et aux hautes altitudes.
*Cerf élaphe (Cervus elaphus) : C'est l'espèce type et l'une des plus largement distribuées, couvrant l'Europe, l'Afrique du Nord (Cerf de Barbarie) et l'Asie occidentale. Il se distingue par son adaptation à des milieux variés et la complexité des bois chez les mâles. Son nom est associé à Linnaeus (1758), marquant la fondation de la systématique moderne pour ce groupe. L'espèce est l'objet de nombreuses études de sous-espèces, dont le statut varie fortement entre les autorités taxonomiques.
*Cerf élaphe du Tarim (Cervus hanglu) : Est parfois appelé Cerf de Bactriane ou Cerf hanglu. Il représente les populations de cerfs élaphe d'Asie Centrale. Ce groupe a été élevé au rang d'espèce distincte à la suite d'analyses génétiques qui ont montré une divergence significative par rapport aux populations plus occidentales de Cervus elaphus. Le nom est attribué à Wagner (1844). Le statut d'espèce pour le groupe hanglu est souvent adopté par des organismes de conservation comme l'IUCN, reconnaissant la diversité génétique des cerfs de l'Asie Centrale.
*Cerf Sika (Cervus nippon) : Il est originaire d'Asie orientale, notamment du Japon et de la Chine, mais a été introduit ailleurs. Il est caractérisé par un pelage tacheté qui peut persister toute l'année. Son nom d'espèce est attribué à Temminck (1838). Le statut générique du Sika est parfois controversé, certains le plaçant dans un genre monospécifique (Sika), mais son inclusion dans Cervus est fréquente dans les classifications larges, compte tenu de sa proximité avec Cervus elaphus et Cervus canadensis au sein de la tribu Cervini.
*Wapiti (Cervus canadensis) : Historiquement considéré comme une sous-espèce de cerf élaphe, il est maintenant largement reconnu comme une espèce distincte sur la base de données génétiques robustes. Son statut d'espèce a été établi par Erxleben en 1777, mais sous un autre binôme, avant d'être réhabilité. C'est l'un des plus grands cervidés du monde, présent en Amérique du Nord et en Asie orientale, où il est appelé Cerf d'Asie centrale ou Cerf de Sibérie. Il est reconnu comme une espèce valide, souvent distinguée par sa vocalisation différente et sa queue plus petite par rapport au cerf élaphe.
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