Yak (Bos mutus)
Le yak sauvage (Bos mutus) est un grand bovidé emblématique des hauts plateaux d’Asie centrale, notamment du plateau tibétain, où il évolue à des altitudes extrêmes pouvant dépasser 5 000 mètres. Adapté à des conditions climatiques rigoureuses, le yak est un symbole de résilience dans un environnement difficile. Contrairement à son cousin domestique, le yak sauvage est plus massif, plus vigoureux et possède un comportement plus farouche. Il joue un rôle écologique crucial dans son habitat, notamment par le pâturage qui influence la végétation alpine. Cette espèce, aujourd’hui menacée, est également d’une grande importance culturelle pour les populations locales, qui la vénèrent parfois comme un animal sacré. Le yak sauvage est souvent confondu avec son homologue domestique, mais les deux présentent des distinctions notables. Sa conservation est une priorité, car il est confronté à la chasse illégale, à la perte de son habitat et à l’hybridation génétique.

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Le yak sauvage est un animal massif et robuste, parfaitement adapté aux conditions climatiques extrêmes des hautes altitudes himalayennes. Il mesure entre 1,6 et 2,2 mètres au garrot pour une longueur totale de 3 à 3,4 mètres, tandis que son poids varie entre 500 et 1 000 kilogrammes chez les mâles, qui sont bien plus imposants que les femelles.
Son pelage long, dense et noirâtre, souvent hirsute et tombant presque jusqu’au sol, le protège efficacement du froid glacial. Le sous-poil laineux, très isolant, est recouvert de poils de garde plus longs. La queue, touffue et allongée, ressemble à celle d’un cheval, ce qui est atypique pour un bovidé.
Les cornes du yak sauvage, puissantes et recourbées vers le haut, peuvent mesurer jusqu’à un mètre de long chez les mâles. Les femelles en ont aussi, mais elles sont plus fines et moins longues. Le museau est large, les narines bien développées pour réchauffer l’air inspiré. Les pattes sont courtes et robustes, dotées de sabots larges permettant une bonne stabilité sur les terrains rocailleux ou enneigés.
Les poumons et le coeur du yak sont proportionnellement plus grands que chez d’autres bovins, afin de maximiser l’oxygénation dans l’air raréfié des altitudes élevées. La structure osseuse est également plus solide, lui permettant de se déplacer efficacement sur des terrains difficiles. Ces caractéristiques anatomiques et physiologiques font du yak sauvage l’un des mammifères les mieux adaptés à la vie en haute montagne, où les températures descendent parfois sous les -40 °C et où la nourriture est rare pendant plusieurs mois de l’année.

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Historiquement, cette espèce était présente sur tout le plateau tibétain, y compris en Chine (Gansu, Sichuan, Xinjiang, Tibet, Qinghai), dans le nord de l'Inde (Ladak) et au Népal. Selon Smith et Xie (2008), l'espèce était apparemment présente au Kazakhstan, en Mongolie et dans le sud de la Russie jusqu'aux XIIIe-XVIIIe siècles, bien que ces pays ne figurent pas sur la liste des pays de l'IUCN ni sur la carte de leur aire de répartition, compte tenu de l'incertitude entourant les dates d'extinction et de la question de savoir si elles se sont produites dans ces endroits après l'an 1500, date limite d'enregistrement des extinctions sur la Liste rouge de l'IUCN.
L'espèce est considérée comme éteinte au Népal et au Bhoutan. Jusqu'à ces dernières décennies, le yak sauvage a pénétré le nord du Népal. Les signalements récents de yaks sauvages dans le nord-ouest du Népal doivent être confirmés. En Inde, l'espèce est actuellement connue de la région du Ladakh au Jammu-et-Cachemire.
En Chine, le yak sauvage est présent en populations dispersées sur le plateau tibétain (Gansu, Qinghai, Xinjiang, Tibet), les principales populations restant dans la réserve de Chang Tang, couvrant 284 000 km² entre le nord du Tibet, ainsi que dans la région d'Arjin Shan au sud-est du Xinjiang, et la réserve naturelle de Kekexili au Qinghai et les zones adjacentes des monts Kunlun. Il existe également des populations isolées à l'est et au sud de la population principale, dans le centre-ouest du Tibet, le centre-sud du Qinghai et l'ouest du Gansu. Grubb (2005) mentionne l'existence de populations sauvages dans quelques endroits en Chine, mais celles-ci ne semblent pas avoir d'importance pour la conservation.
Les yaks sauvages vivent dans la toundra alpine, les prairies et les régions désertiques froides du nord du plateau tibétain. Ces zones montagneuses s'étendent de 4 000 et 6 000 m d'altitude. Dans la réserve de Chang Tang, au nord-ouest du Tibet, les précipitations annuelles moyennes ne sont que de 100 à 300 mm, principalement sous forme de grêle et de neige; les lacs sont généralement salins et les eaux de surface sont rares.

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Le régime alimentaire du yak sauvage est celui d’un herbivore strict, bien qu’il doive composer avec une végétation rare et peu nutritive dans les écosystèmes alpins. Sa capacité à se nourrir dans des conditions où peu d’animaux peuvent survivre témoigne de sa remarquable adaptation écologique. Il consomme principalement des graminées de montagne, des carex, des mousses, des lichens et diverses herbes alpines. En été, lorsque la végétation est plus abondante, le yak broute intensivement, accumulant des réserves graisseuses pour affronter les rigueurs de l’hiver. Il montre une nette préférence pour les pâturages ouverts à haute altitude, bien que les troupeaux puissent descendre temporairement à des altitudes plus basses si la neige empêche l’accès à la nourriture. Durant la saison hivernale, le yak gratte la neige à l’aide de ses sabots pour atteindre les herbes gelées.
Cette capacité à exploiter des ressources végétales même enfouies sous plusieurs centimètres de neige est vitale pour sa survie. Les besoins en eau sont couverts principalement par la neige fondue ou les eaux issues des glaciers. Contrairement à d’autres ruminants, le yak sauvage montre une digestion particulièrement efficace, favorisée par un rumen adapté au traitement des fibres dures et peu digestes. Son comportement alimentaire est calme et méthodique, passant plusieurs heures par jour à se nourrir ou à ruminer. En raison de la dégradation des habitats et de la concurrence croissante avec les troupeaux domestiques, les ressources alimentaires naturelles du yak sauvage tendent toutefois à se raréfier, ce qui compromet sa santé et sa reproduction à long terme.

Source: The Rufford Foundation
La reproduction du yak sauvage est étroitement liée aux cycles saisonniers des hauts plateaux. La période de rut a lieu entre juillet et septembre, à la fin de l’été, moment où les conditions sont les plus favorables. Les mâles adultes deviennent alors territoriaux et particulièrement agressifs, se livrant à des combats spectaculaires pour l’accès aux femelles. Ces affrontements, durant lesquels les mâles se chargent avec leurs cornes, peuvent occasionner des blessures sérieuses. Une fois le dominant établi, il s’accouple avec plusieurs femelles d’un harem.
La gestation dure environ 258 à 270 jours, soit un peu moins de neuf mois. Les naissances surviennent généralement entre mai et juin, au début de la saison estivale, lorsque la nourriture devient plus abondante et les conditions climatiques moins hostiles. La femelle donne naissance à un seul petit, très rarement deux. Le nouveau-né, déjà bien développé, pèse entre 15 et 20 kilogrammes à la naissance. Il est capable de marcher quelques heures après sa mise bas, ce qui est essentiel pour fuir d’éventuels prédateurs. L’allaitement dure plusieurs mois, mais le veau commence à brouter dès la deuxième ou troisième semaine. La maturité sexuelle est atteinte vers 3 à 4 ans chez les femelles et 5 à 6 ans chez les mâles, bien que ceux-ci ne réussissent généralement à se reproduire qu’après avoir atteint une certaine dominance sociale. La reproduction chez le yak sauvage est relativement lente, avec des intervalles de plusieurs années entre les portées, ce qui en fait une espèce particulièrement vulnérable aux perturbations environnementales et aux pressions anthropiques.
Le yak sauvage a une longévité moyenne estimée entre 20 et 25 ans dans son habitat naturel. Cependant, cette durée de vie peut être réduite à cause de divers facteurs tels que les conditions climatiques extrêmes, la prédation, le braconnage ou la raréfaction des ressources alimentaires. En captivité, où les soins vétérinaires et la nutrition sont contrôlés, certains individus peuvent atteindre 30 ans, bien que cela reste rare. Les mâles vivent en général moins longtemps que les femelles, en raison de la compétition entre congénères durant la saison de reproduction, qui les expose davantage aux blessures et à l'épuisement.

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Le comportement du yak sauvage est largement façonné par son environnement montagnard rude et par la nécessité d’optimiser l’énergie dans un contexte de faible disponibilité de ressources. Il vit en groupes sociaux qui varient en taille selon les saisons : en été, les troupeaux peuvent compter plusieurs dizaines d’individus, surtout composés de femelles et de jeunes, tandis que les mâles adultes vivent souvent en solitaires ou en petits groupes à part. En hiver, les groupes ont tendance à se fragmenter, chacun cherchant des zones où la neige est moins abondante pour accéder plus facilement à la nourriture. Les interactions sociales au sein du groupe sont relativement pacifiques en dehors de la saison de reproduction.
Le yak est un animal diurne, actif surtout aux heures où la température est moins extrême, bien qu’il puisse se déplacer à toute heure en cas de danger ou de besoin alimentaire. C’est un excellent marcheur, capable de gravir des pentes abruptes et de franchir de longues distances. Son odorat très développé lui permet de détecter la présence de prédateurs ou d’autres troupeaux. Il communique à l’aide de grognements sourds, de soufflements et de postures corporelles. En cas de menace, les femelles peuvent former un cercle de défense autour des jeunes, les cornes tournées vers l’extérieur, tandis que les mâles, plus massifs, peuvent charger.
Le yak sauvage évite le contact avec l’homme et fuit à grande distance lorsqu’il perçoit une présence humaine. Cette timidité naturelle, accentuée par des siècles de chasse, le rend difficile à observer dans la nature. Il adapte ses déplacements selon les saisons, montant vers les hauts pâturages en été et redescendant vers des vallées plus abritées en hiver. Ce nomadisme saisonnier est crucial pour sa survie dans un environnement aussi inhospitalier.

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Le yak sauvage, bien que redoutable par sa taille et sa robustesse, n’est pas à l’abri de la prédation, notamment chez les jeunes ou les individus affaiblis. Ses principaux prédateurs naturels sont le loup de Mongolie (Canis lupus chanco) et la panthère des neiges (Panthera uncia).
Le loup de Mongolie est le plus grand danger pour les veaux : il chasse en meute et peut isoler un jeune ou un individu blessé, le harceler jusqu’à l’épuisement avant de l’attaquer. Les attaques de loups sont parfois repoussées collectivement par les adultes, mais elles peuvent être particulièrement dévastatrices lors des hivers rigoureux, quand les animaux sont affaiblis par le manque de nourriture. La panthère des neiges, quant à elle, est plus opportuniste : elle cible surtout les jeunes et les femelles isolées. Chasseuse solitaire et furtive, elle s’attaque rarement aux adultes en pleine force, sauf en cas de conditions favorables, comme des falaises ou des embuscades dans des gorges.
Les ours bruns de l’Himalaya peuvent également représenter une menace, notamment pour les jeunes lors des périodes de mise bas. Enfin, les aigles royaux sont capables d’enlever des nouveau-nés, bien que ce phénomène reste rare. La fragmentation de l’habitat due aux activités humaines rend les yak sauvages plus vulnérables aux prédateurs en réduisant leurs refuges naturels.

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Le braconnage, notamment pour le commerce de la viande est considéré comme la menace la plus importante pour le yak sauvage. Les mâles ont tendance à être plus vulnérables à la chasse, en particulier par les chasseurs motorisés, car ils ont tendance à se disperser des bases de montagne et de hautes crêtes apparemment préférés par les femelles. Cependant, avec la confiscation des armes en plus du plateau Qinghai-Tibet, le braconnage a diminué. Cependant, le yak sauvage a une tolérance limitée aux perturbations humaines ainsi que par leur bétail, ils ont tendance à s'éloigner des zones où le bétail est parqué. L'augmentation des troupeaux de bétail et l'augmentation de l'intensité de l'utilisation des pâturages fait fuir le yak sauvage et finalement réduit la disponibilité d'habitat.
Les croisements entre les yaks domestiques et sauvages présente également une menace pour les populations restantes de yaks sauvages. Les maladies transmises par les animaux domestiques, soit directement, soit par l'intermédiaire d'autres espèces sauvages, peuvent être une menace supplémentaire, même si aucune preuve n'étaye ces soupçons. Dans les régions où les populations de yaks sauvages ont augmenté, on note une recrudescence de conflits avec les éleveurs locaux qui pourrait augmenter les tirs en représailles. Si le bétail peut être tenu à l'écart des grandes réserves naturelles contenant des yaks sauvages, leur survie est probable. Cependant, l'aire de répartition des yaks sauvages a évidemment continué à se contracter vers l'ouest isolant un peu plus les petites populations.

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Le yak sauvage est considéré comme une espèce menacée. Il est inscrit dans la catégorie "Vulnérable" (VU) sur la Liste rouge des espèces menacées de l'IUCN et apparait en Annexe I de la CITES.
Le yak sauvage est protégé en Chine depuis 1962 et est actuellement classé comme animal protégé de classe I, ce qui signifie qu'il est totalement protégé par le gouvernement central. En Chine, on trouve des yaks sauvages dans plusieurs grandes réserves naturelles, notamment celles d'Arjin Shan, de Chang Tang, de Kekexili, de Sanjiangyuan et de Yanchiwan, bien qu'aucune de ces réserves n'offre une protection complète contre la perte d'habitat ou le braconnage occasionnel. En Inde, l'espèce bénéficie d'une protection totale en vertu du Wildlife Act de 1972.

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* L’histoire taxonomique du yak a longtemps été sujette à débat. Initialement, le yak domestique et le yak sauvage étaient considérés comme une seule et même espèce, Bos grunniens, décrite par Linnaeus en 1766. Cependant, des différences morphologiques, comportementales et génétiques importantes ont conduit à reconnaître deux entités distinctes. Le yak sauvage a été décrit sous le nom de Bos mutus par Nikolaï Prjevalski en 1883.
* Le yak domestique est l'un des animaux les plus importants au Tibet. En effet, il assure le transport de la viande et du lait dans les régions montagneuses. Ses excréments une fois séchés sont utilisés comme combustible.
* Il existe des spécimens hybrides croisés avec des yaks. Le zopiok ou Dzo est un hybride issu du croisement entre un zébu et un yak.
* Des croisements entre des yaks et des boeufs domestiques (Bos taurus) sont mentionnés dans la littérature chinoise depuis au moins 2 000 ans. Des croisements réussis ont également été enregistrés entre des yaks et des bisons d'Amérique, des gaurs et des bantengs, avec généralement des résultats similaires à ceux obtenus avec des bovins domestiques.
Nom commun | Yak |
Autre nom | Yack |
English name | Yak |
Español nombre | Yak |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Sous-embranchement | Vertebrata |
Classe | Mammalia |
Sous-classe | Theria |
Infra-classe | Eutheria |
Ordre | Artiodactyla |
Sous-ordre | Ruminantia |
Famille | Bovidae |
Sous-famille | Bovinae |
Genre | Bos |
Nom binominal | Bos mutus |
Décrit par | Nikolaï Prjevalski |
Date | 1883 |
Satut IUCN | ![]() |
Liste Rouge IUCN des espèces menacées
Système d'information taxonomique intégré (ITIS)
* Liens externes
Global Biodiversity Information Facility (GBIF)
* Bibliographie
Przewalski, N. M. (1883). Reisen in Tibet und am oberen Laufe des Gelben Flusses in den Jahren 1879-1880. G. Fischer.
Schaller, G. B. (1998). Wildlife of the Tibetan Steppe. University of Chicago Press.
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Groves, C.P., & Grubb, P. (2011). Ungulate Taxonomy. Johns Hopkins University Press.
Zhang, R., et al. (2016). "Genomic evidence for divergent selection between wild and domestic yaks." Nature Communications, 7: 10283.
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Acharya, R., Ghimirey, Y., Werhahn, G., Kusi, N., Adhikary, B., & Kunwar, B. (2015). Wild yak Bos mutus in Nepal: rediscovery of a flagship species. Mammalia, 80(5), 475-480.