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Cobaye des rochers (Kerodon rupestris)


Le cobaye des rochers (Kerodon rupestris) est un rongeur sud-américain de la famille des Caviidae, endémique des zones semi-arides du nord-est du Brésil. Adapté à des milieux rocailleux et arides, il représente un exemple fascinant de spécialisation écologique au sein de sa famille, qui inclut également les capybaras et les cobayes domestiques. Contrairement à ces derniers, il a évolué pour vivre dans des habitats escarpés, exploitant les fissures et cavités des formations rocheuses comme abris. Son étude a suscité l’intérêt des zoologistes en raison de ses particularités morphologiques, comportementales et taxonomiques, qui éclairent l’évolution des rongeurs caviomorphes dans les environnements arides.


Cobaye des rochers (Kerodon rupestris)
Cobaye des rochers (Kerodon rupestris)
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DESCRIPTION

Le cobaye des rochers présente une morphologie adaptée à la vie en terrain accidenté et sec. De taille moyenne, il mesure entre 25 et 40 cm de longueur, avec une masse corporelle oscillant généralement entre 700 g et 1,2 kg. Son pelage est court et dense, de couleur brun-grisâtre sur le dos, ce qui lui procure un excellent camouflage parmi les rochers, et plus clair, presque blanchâtre, sur le ventre.

Ses membres sont relativement courts mais robustes, et ses griffes solides l’aident à s’agripper aux surfaces pierreuses et à se déplacer avec agilité dans les zones rocheuses escarpées. La tête, proportionnellement large, est dotée de yeux proéminents et de petites oreilles arrondies. Ses incisives puissantes, caractéristiques des rongeurs, sont adaptées à la consommation de végétaux coriaces et ligneux de la caatinga. Comparé à d’autres caviidés, le cobaye des rochers possède une queue rudimentaire presque invisible. Ses pattes antérieures, légèrement plus courtes, lui confèrent une posture adaptée aux sauts courts et rapides. L’ensemble de ces traits reflète une évolution spécifique à un mode de vie rupicole et semi-xérique, démontrant sa remarquable adaptation morphologique à son environnement contraignant.


Kerodon rupestris
Kerodon rupestris
© Mano72 - iNaturalist
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HABITAT

Le cobaye des rochers est une espèce endémique du Brésil, principalement confinée aux régions semi-arides. Son aire de répartition s'étend de l'est de l'État de Piauí au nord jusqu'au nord de l'État de Minas Gerais au sud, à l'exception des zones côtières. En 1967, l'espèce a également été introduite avec succès sur l'île océanique de Fernando de Noronha.

Ce rongeur habite les zones rocheuses sèches à végétation arbustive basse, où il s'abrite dans des crevasses. Son habitat varie, allant de petits rochers dispersés sur des surfaces granitiques planes à des serras exposées aux vastes surfaces granitiques. Son aire de répartition n'est pas limitée par l'altitude.


Kerodon rupestris distribution
     Répartition actuelle du cobaye des rochers
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ALIMENTATION

Le cobaye des rochers est un herbivore strict, dont le régime alimentaire est intrinsèquement lié à la végétation disponible dans les écosystèmes qu'il habite. Il se nourrit principalement de feuilles, de tiges, de fleurs et de fruits de diverses plantes locales, avec une prédilection pour les espèces succulentes comme le cactus, qui lui fournissent non seulement des nutriments mais aussi une source vitale d'eau. Dans la caatinga, les ressources alimentaires sont souvent dispersées et disponibles de manière saisonnière, ce qui force le cobaye à faire preuve d'opportunisme. Il est capable de consommer des parties de plantes qui sont toxiques pour d'autres animaux, grâce à des adaptations digestives. Son estomac contient des micro-organismes spécialisés qui l'aident à digérer la cellulose et d'autres composés végétaux complexes.

Pour tirer le maximum de nutriments de la nourriture ingérée, il pratique la coprophagie, c'est-à-dire qu'il consomme ses propres excréments, une stratégie courante chez de nombreux herbivores. Cette pratique lui permet de réabsorber des nutriments et des vitamines produits par la flore intestinale lors de la première digestion. Il a également une capacité surprenante à consommer des plantes épineuses, ce qui est rendu possible par la robustesse de sa bouche et de ses joues.

Le cobaye des rochers passe une grande partie de la journée à chercher de la nourriture, se déplaçant avec précaution entre les formations rocheuses pour éviter les prédateurs. La disponibilité de l'eau est un facteur limitant dans son environnement, et sa capacité à obtenir la majeure partie de ses besoins hydriques à partir de la végétation qu'il mange est une adaptation cruciale pour sa survie.


Cobaye des rochers zoo de Cottbus
Cobaye des rochers au zoo de Cottbus en Allemagne
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REPRODUCTION

La reproduction du cobaye des rochers est caractérisée par une stratégie qui maximise les chances de survie des jeunes dans un environnement souvent hostile. La femelle atteint sa maturité sexuelle à un jeune âge, souvent autour de 3 mois, tandis que le mâle est mature un peu plus tard. La reproduction peut avoir lieu tout au long de l'année, mais elle est souvent plus intense pendant la saison des pluies, lorsque la nourriture et l'eau sont plus abondantes, ce qui augmente les chances de survie des nouveau-nés.

La gestation dure environ 75 jours, ce qui est relativement long pour un rongeur de cette taille. Cette longue période permet aux jeunes de naître à un stade de développement avancé, une caractéristique connue sous le nom de précocialité. À la naissance, les petits sont bien formés, avec les yeux ouverts, un pelage complet et la capacité de se déplacer presque immédiatement. Une portée typique se compose d'un ou deux petits, rarement plus. Cette faible taille de portée est compensée par le fait que les petits sont très développés et autonomes peu de temps après la naissance, réduisant ainsi la période de vulnérabilité. Les mères allaitent leurs petits pendant plusieurs semaines, mais les jeunes commencent à consommer de la nourriture solide peu après leur naissance, devenant rapidement indépendants. Le mâle ne participe pas directement à l'élevage des jeunes, mais les groupes sociaux dans lesquels les cobayes vivent peuvent offrir une protection indirecte.

Le cobaye des rochers présente une longévité relativement modeste pour un mammifère de sa taille, mais supérieure à celle de nombreux petits rongeurs. Dans la nature, les individus vivent en moyenne entre 3 et 4 ans, bien que certains puissent atteindre 6 ans dans des conditions favorables. Cette durée de vie est fortement influencée par la prédation, la disponibilité en nourriture et les contraintes climatiques de la caatinga. En captivité, où les menaces sont limitées et l’alimentation mieux assurée, il peut dépasser 8 ans, ce qui témoigne d’un potentiel vital plus élevé que celui observé dans son habitat naturel.


Cobaye des rochers juvenile
Cobaye des rochers juvénile au zoo de Cottbus
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COMPORTEMENT

Le cobaye des rochers est un animal diurne et grégaire, vivant en groupes structurés composés d’un mâle dominant, de plusieurs femelles et de leurs jeunes. Cette organisation sociale permet une meilleure défense contre les prédateurs et une exploitation optimale des ressources disponibles. Les individus passent une grande partie de leur temps à se nourrir ou à se reposer à proximité des abris rocheux, qu’ils utilisent comme refuge en cas de danger.

Leur comportement est marqué par une vigilance constante : un individu sert souvent de guetteur pendant que les autres s’alimentent. La communication repose sur des signaux vocaux variés, allant de cris d’alarme à des vocalisations plus douces destinées à maintenir la cohésion sociale. Les interactions sociales incluent le toilettage mutuel et la reconnaissance par l’olfaction. Lorsqu’ils se déplacent, les cobayes des rochers adoptent une locomotion agile, bondissant rapidement entre les rochers pour échapper aux menaces. Leur activité est modulée par la température : aux heures les plus chaudes, ils privilégient le repos à l’ombre, tandis que l’alimentation a lieu tôt le matin ou en fin d’après-midi. Ce comportement, à la fois social et prudent, constitue une réponse adaptée aux conditions contraignantes de la caatinga et à la pression exercée par les prédateurs.


Cobaye des rochers parc d'etat de Lapa Grande
Cobaye des rochers au parc d'État de Lapa Grande, Brésil
© Claudio Martins de Souza - iNaturalist
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PRÉDATION

Les prédateurs naturels du cobaye des rochers sont divers et reflètent la chaîne alimentaire complexe des écosystèmes semi-arides du Brésil. Parmi les principaux ennemis terrestres figurent le puma (Puma concolor) et le renard des savanes (Cerdocyon thous). Grâce à leur agilité, ils sont capables de pourchasser le cobaye sur un terrain rocailleux, mais le cobaye a l'avantage de connaître parfaitement les failles et les fissures où il peut se réfugier. Le jaguarondi (Herpailurus yagouaroundi) est également un prédateur opportuniste qui peut attaquer le cobaye.

Au-delà des mammifères, les serpents venimeux et constricteurs représentent une menace significative. La jararaca (Bothrops jararaca) et l'anaconda jaune (Eunectes notaeus), bien que l'anaconda soit plus lié à l'eau, peuvent occasionnellement s'attaquer à un cobaye des rochers imprudent.

L'une des menaces les plus importantes vient du ciel. Le buse à gros bec (Rupornis magnirostris) et l'aigle noir et blanc (Spizaetus melanoleucus) sont des rapaces qui surveillent le terrain rocailleux à la recherche d'une proie. Leurs attaques sont souvent rapides et inattendues, et la seule défense du cobaye est de se réfugier rapidement. La vigilance constante des groupes est donc une adaptation clé contre ces menaces aériennes. La capacité du cobaye à se cacher dans des fissures inaccessibles est sa principale ligne de défense contre la plupart de ces prédateurs, ce qui fait de son habitat un refuge vital.


Cobaye des rochers portrait
Portrait du cobaye des rochers
© Josh Vandermeulen - iNaturalist
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MENACES ET CONSERVATION

Le cobaye des rochers est fortement chassé pour sa chair dans toute son aire de répartition, bien que des zones protégées lui offrent un refuge. Il n'existe probablement aucune menace majeure dans toute son aire de répartition.

L'espèce n'est actuellement pas considérée comme menacée. Le cobaye des rochers est inscrit dans la catégorie "Préoccupation mineure" (LC) sur la Liste rouge de l'IUCN.


Rock Cavy (Kerodon rupestris)
En anglais, le cobaye des rochers est appelé Rock Cavy
Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes

TAXONOMIE

L'histoire taxonomique du cobaye des rochers est un parcours marqué par des révisions et des découvertes qui ont affiné notre compréhension de ses relations évolutives. L'espèce a été formellement décrite pour la première fois en 1820 par le prince et naturaliste allemand Maximilian of Wied-Neuwied. Il lui a donné le nom scientifique de Cavia rupestris, la classant initialement dans le genre des cobayes domestiques (Cavia) en raison de certaines similitudes morphologiques. Le nom d'espèce, rupestris, dérive du latin et signifie "des rochers", une reconnaissance de son habitat naturel. Le genre Kerodon a été introduit par Frédéric Cuvier en 1823, où il plaça le cobaye des rochers. Le genre fut initialement considéré comme monotypique. Ce n'est qu'en 1997 qu'une deuxième espèce fut placé dans ce genre, le cobaye acrobate (Kerodon acrobata).

Au fil des ans, le placement exact du genre Kerodon au sein de la famille des Caviidae a fait l'objet de débats. Des analyses morphologiques initiales le plaçaient à proximité des genres Galea et Microcavia, qui sont des cobayes plus petits. Cependant, des études génétiques plus récentes, basées sur l'ADN mitochondrial et nucléaire, ont bouleversé cette classification. Ces études ont révélé que le genre Kerodon est en fait le plus proche parent du genre Hydrochoerus, qui inclut le capybara (Hydrochoerus hydrochaeris), le plus grand rongeur vivant.

Cette relation de parenté surprenante, entre un animal semi-rupestre et un animal semi-aquatique, a conduit à la révision de la sous-famille et à l'inclusion de ces deux genres, ainsi que d'autres espèces apparentées, dans la sous-famille des Hydrochoerinae. Cette découverte souligne le fait que les similarités d'habitat ne reflètent pas toujours la véritable phylogénie, et que l'évolution peut conduire à des adaptations convergentes.

À ce jour, le cobaye des rochers est considéré comme une espèce monotypique, ce qui signifie qu'aucune sous-espèce n'est officiellement reconnue. Cependant, cela ne signifie pas que toutes les populations de cobayes des rochers sont génétiquement identiques. Des études morphologiques et génétiques ont révélé des variations clinales, c'est-à-dire une variation progressive de certains traits physiques ou génétiques le long de son aire de répartition géographique. Par exemple, des populations du sud de l'aire de répartition (Minas Gerais) peuvent présenter des différences de taille crânienne par rapport à celles du nord (Piauí). De plus, des analyses chromosomiques ont montré des caryotypes légèrement différents entre des populations géographiquement isolées. Ces découvertes suggèrent que les populations de cobayes des rochers, isolées dans des formations rocheuses distinctes, pourraient être en cours de divergence évolutive. Bien que ces variations ne soient pas encore jugées suffisantes pour justifier la création de sous-espèces selon les critères taxonomiques actuels, elles sont le sujet de recherches actives. Les scientifiques continuent d'étudier la génétique des populations de l'espèce pour déterminer si la classification monotypique est toujours pertinente ou si une révision sera nécessaire à l'avenir. Pour l'instant, le cobaye des rochers reste une seule et même entité taxonomique, mais l'existence de variations géographiques offre un aperçu fascinant de l'évolution en cours.


CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communCobaye des rochers
English nameRock cavy
Español nombreCuy de roca
Mocó
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreRodentia
Sous-ordreHystricomorpha
FamilleCaviidae
Sous-familleHydrochoerinae
GenreKerodon
Nom binominalKerodon rupestris
Décrit parMaximilian zu Wied-Neuwied
Date1820



Satut IUCN

Préoccupation mineure (LC)

SOURCES

* Liens internes

Animal Diversity Web

BioLib

iNaturalist

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Mammal Species of the World (MSW)

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

* Liens externes

Global Biodiversity Information Facility (GBIF)

Zooinstitutes

* Bibliographie

Wied-Neuwied, M. (1820). Reise nach Brasilien, Vol. 1. Weimar: Verlag des Landes-Industrie-Comptoirs.

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