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Daguet rouge (Mazama americana)


Le daguet rouge (Mazama americana) est un mammifère herbivore appartenant à la famille des Cervidae. Ce cerf est la plus grande espèce du genre Mazama. Malgré sa large répartition, son statut de conservation est classé "Données insuffisantes" (DD) par l'IUCN, une classification qui témoigne du manque d'informations précises, surtout face aux menaces croissantes comme la chasse et la fragmentation de son habitat forestier. La taxonomie de cette espèce reste complexe et est toujours sujette à des révisions scientifiques approfondies en raison de sa grande variabilité morphologique et génétique.


Daguet rouge
Daguet rouge (Mazama americana)
© Facundo Varela Barros - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)



DESCRIPTION

Le daguet rouge est remarquable par sa stature trapue et compacte, caractéristique des cervidés adaptés à la vie dans le sous-bois dense, où une grande taille serait un désavantage. C'est le plus grand représentant du genre Mazama, atteignant une longueur tête-corps variant typiquement de 90 à 145 centimètres et une hauteur au garrot oscillant entre 60 et 80 centimètres. Son poids, relativement conséquent, varie généralement de 30 à 35 kilogrammes, bien que certains individus massifs puissent atteindre jusqu'à 65 kilogrammes. Seuls les mâles arborent des bois, courts, non ramifiés et pointus, ressemblant à des dagues, d'où l'appellation de "daguet". Ces appendices osseux mesurent environ 10 centimètres de long.

Le pelage, dense et lisse, présente une couleur distincte allant du brun rougeâtre intense au roux châtain. Cette pigmentation rousse caractéristique lui a valu son nom commun. Le cou et la tête présentent souvent une teinte plus claire, tirant vers le gris-brun, contrastant avec le reste du corps. La queue est courte, mesurant de 12 à 16 centimètres, et porte une face inférieure blanche visible lorsqu'il s'enfuit. Les faons naissent avec une robe tachetée de blanc, un camouflage qui disparaît à mesure qu'ils grandissent.

Cette morphologie particulière, incluant un dos légèrement voûté, lui confère une agilité essentielle pour se faufiler rapidement à travers la végétation épaisse, un comportement vital pour échapper aux prédateurs.


Mazama americana
Mazama americana
© Kennedy Borges - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

HABITAT

Le daguet rouge est une espèce endémique d'Amérique du Sud. Son aire de répartition est plus étendue que chez la plupart des espèces du même genre. Il est notamment présent en Argentine (Misiones, Salta, Jujuy, Tucumán, Formosa, Chaco et Corrientes), Bolivie, Brésil, Colombie, Équateur, Guyane française, Guyana, Paraguay, Pérou, Surinam, Trinidad, Tobago et au Venezuela.

Le daguet rouge vit dans les forêts tropicales denses et les zones boisées et préfère les climats humides ou soit vraiment secs. Il a tendance à rester près des marais, les marécages et les rivières le long de la couverture végétale épaisse. Sa petite taille l'aide à se déplacer facilement dans l'épaisse végétation et de se cacher des prédateurs. Quand la nuit tombe, il va se nourrir à l'orée des forêts, dans les champs agricoles, et dans les jardins.


Mazama americana distribution
     Répartition actuelle du daguet rouge
© Manimalworld
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)

ALIMENTATION

Le daguet rouge est un mammifère herbivore avec un régime alimentaire principalement orienté vers le fruit, le classant comme un frugivore spécialisé, bien qu'il soit également un consommateur opportuniste. Sa nourriture se compose en grande partie de fruits tombés au sol, de graines, et de fleurs trouvées dans la litière forestière. Cette préférence pour les fruits fait du daguet rouge un acteur crucial dans la dispersion des graines au sein de son écosystème forestier, contribuant ainsi à la régénération et à la structure de la communauté végétale.

L'adaptabilité est toutefois une composante clé de son régime. Lorsque la disponibilité des fruits diminue, notamment pendant la saison sèche, l'animal élargit son menu pour inclure davantage de feuilles, de pousses, de bourgeons (il devient alors plus folivore), et d'autres matières fibreuses comme de l'écorce ou des pétioles. On observe également une consommation de champignons (mycélium) avec l'arrivée de la saison des pluies, constituant parfois une source de nourriture non négligeable. En plus des matières végétales, il peut occasionnellement ingérer des minéraux en léchant des affleurements rocheux, ou même consommer de petites quantités de matière animale, bien que cela reste marginal. Cette plasticité alimentaire lui permet de survivre dans des environnements soumis à des variations saisonnières dans la disponibilité des ressources, assurant ainsi sa présence dans une vaste aire de répartition.


Mazame roux
Le daguet rouge est également appelé Mazame roux
© Rafael Ritter - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

REPRODUCTION

La reproduction du daguet rouge ne suit pas un schéma saisonnier strict et présente souvent un cycle de reproduction tout au long de l'année, même si des pics de conception peuvent être observés selon les régions. Par exemple, des périodes de reproduction ont été notées entre septembre et avril au Suriname, tandis que l'accouplement se produit principalement d'avril à juin au Venezuela. Cette flexibilité suggère une adaptation aux conditions locales de l'environnement, notamment en termes de disponibilité de nourriture et de précipitations.

La maturité sexuelle est atteinte relativement tôt pour un cervidé, les femelles pouvant se reproduire dès l'âge de onze mois, et les mâles peu après, vers douze mois. La période de gestation est d'environ 240 jours, soit environ sept à huit mois. La femelle donne généralement naissance à un seul faon, mais des naissances de jumeaux sont parfois observées. À la naissance, le faon pèse environ 1 à 2 kilogrammes et porte des taches blanches sur son pelage roux, un excellent camouflage dans les sous-bois ombragés.

Un aspect notable de leur cycle reproductif est l'occurrence d'un oestrus post-partum, permettant à la femelle de s'accoupler à nouveau peu de temps après la mise bas. Le sevrage du jeune est progressif, s'étalant sur environ six mois, après quoi il commence à devenir indépendant. La discrétion de l'espèce en milieu sauvage rend l'obtention de données détaillées sur leur système d'accouplement difficile, mais le manque de structures physiques de parade très élaborées chez les mâles (seulement de petits bois en dague) suggère un système potentiellement solitaire ou peu compétitif.

Le daguet rouge présente une longévité variable selon les conditions environnementales. À l’état sauvage, son espérance de vie est généralement estimée entre 7 et 12 ans, bien que de nombreux individus n’atteignent pas cet âge en raison de la prédation, des maladies et de la chasse. En captivité, où il bénéficie d’une alimentation contrôlée et d’une protection contre les menaces, certains spécimens ont vécu jusqu’à 16 ans.


Daguet rougne juvenile
Daguet rouge juvénile en captivité
© José Edilson Espitia Barrera - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

COMPORTEMENT

Le daguet rouge est principalement un animal solitaire et territorial, comportement typique des petits cervidés des forêts denses qui vivent cachés plutôt qu'en groupe. Les observations de couples ne se produisent généralement que durant les périodes de reproduction. Son comportement est majoritairement crépusculaire, signifiant qu'il est le plus actif à l'aube et au crépuscule, bien qu'il puisse aussi être actif pendant la journée ou la nuit selon les conditions locales et la pression de prédation. Le daguet rouge passe son temps à se déplacer dans son domaine vital, se nourrissant et marquant son territoire. Le marquage territorial est essentiel pour la communication, utilisant l'odeur de ses glandes préorbitales ainsi que des sécrétions urinaires et fécales.

Face au danger, sa première réaction est souvent de se figer sur place, comptant sur son camouflage dans la végétation. S'il est repéré, il utilise sa petite taille et son agilité pour effectuer des sprints et des bonds rapides à travers le sous-bois, dans une course zigzagante efficace pour échapper aux poursuivants. Il est également un excellent nageur, un atout qui lui permet de traverser des cours d'eau ou des zones inondées pour s'échapper. L'étendue de son domaine vital varie, mais il est généralement restreint, ce qui est cohérent avec la vie dans la forêt dense où la nourriture est disponible à proximité. Sa discrétion et son adaptabilité à la fois diurne et nocturne illustrent une stratégie de survie axée sur l'évasion furtive plutôt que sur la défense active.


Daguet rouge zoo de Cali
Daguet rouge au zoo de Cali en Colombie
Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes

PRÉDATION

Les principaux prédateurs naturels du daguet rouge sont les grands félins qui règnent en maîtres au sommet de la chaîne alimentaire dans son vaste habitat néotropical. Le jaguar (Panthera onca) et le puma (Puma concolor) sont incontestablement les menaces les plus importantes. Ces cervidés constituent une part significative du régime alimentaire des deux grands prédateurs, en particulier là où leur densité de population est élevée. La stratégie de survie du daguet rouge est donc intrinsèquement liée à sa capacité à éviter la détection et à fuir ces carnivores. Sa petite taille, son pelage de couleur rousse qui se fond parfaitement dans les sous-bois tropicaux, et son comportement furtif, utilisant la couverture végétale pour se dissimuler, sont toutes des adaptations directes à cette pression de prédation constante.

En plus des grands félins, d'autres prédateurs potentiels incluent des serpents de grande taille, comme l'anaconda vert, pour les faons, ainsi que d'autres carnivores de taille moyenne tels que l'ocelot (Leopardus pardalis).

Cependant, la menace la plus dévastatrice pour la population de daguets rouges est l'Homme, qui les chasse pour leur viande (venaison) et qui est responsable de la destruction et de la fragmentation de leur habitat forestier. Bien que l'Homme ne soit pas un prédateur "naturel" au sens strict, la chasse anthropique représente une pression de sélection artificielle intense, souvent plus critique pour la survie de l'espèce que la prédation naturelle, surtout dans les zones où les activités humaines empiètent sur la forêt.


Daguet rouge zoo de Santa Cruz
Daguet rouge au zoo de Santa Cruz en Bolivie
Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes

MENACES

La chasse et la destruction de l'habitat représentent des menaces majeures pour le daguet rouge. L'espèce est chassée pour sa viande dans une grande partie de son aire de répartition, y compris dans plusieurs régions où la chasse de subsistance est légale. La perte et la fragmentation de l'habitat dues à la conversion des forêts en terres agricoles et d'élevage sont particulièrement graves pour les populations de daguets rouges de la forêt atlantique, du Chaco, du Cerrado brésilien et du sud de l'Amazonie brésilienne. La conversion à grande échelle des forêts indigènes en cultures de soja en est la principale cause.


CONSERVATION

En raison du manque d'informations taxonomiques, le daguet rouge est actuellement inscrit dans la catégorie "Données insuffisantes" (DD) sur la Liste rouge de l'IUCN.

L'espèce est présente dans plusieurs zones protégées de son aire de répartition. Le daguet rouge est l'une des espèces phares d'une initiative de gestion communautaire de la faune sauvage dans la réserve communautaire de Tamshiyacu-Tahuayo, en Amazonie péruvienne.


Daguet rouge male
Daguet rouge mâle
© Bernard Dupont - Flickr
CC-BY-SA (Certains droits réservés)

TAXONOMIE

L'histoire taxonomique du daguet rouge est particulièrement complexe et demeure un sujet de débat scientifique important, reflétant la grande variabilité morphologique et génétique au sein de ce que l'on considère comme une unique espèce. L'espèce fut initialement décrite par Johann Christian Erxleben en 1777 sous le nom de Moschus americanus, puis a été reclassée dans le genre Mazama, établi plus tard. Pendant la majeure partie du XXe siècle, le daguet rouge a été considéré comme une "supra-espèce" ou un complexe d'espèces englobant de nombreuses formes géographiques et sous-espèces, certaines étant désormais reconnues comme des espèces distinctes. Un tournant majeur s'est produit en 1998, lorsque des révisions basées sur l'étude des caractères morphologiques et génétiques ont conduit à la séparation de plusieurs formes qui étaient traditionnellement vues comme des sous-espèces du daguet rouge. Les exemples les plus notables sont le daguet brun du Yucatán (Mazama pandora) et le daguet rouge d'Amérique Centrale (Mazama temama), qui ont été élevés au rang d'espèces à part entière.

La persistance de variations étendues, notamment au niveau du caryotype (nombre et structure des chromosomes, qui varie de 42 à 54), suggère que le Mazama americana actuel, tel qu'il est défini, pourrait encore cacher plusieurs entités biologiques distinctes, nécessitant de futures scissions. Des analyses génétiques récentes, portant sur l'ADN mitochondrial et les caryotypes, ont déjà permis d'identifier au moins deux lignées génétiques bien séparées : une lignée de l'Amazonie occidentale et une de l'Amazonie orientale.

En raison de l'histoire taxonomique tumultueuse et de l'incertitude génétique, la reconnaissance et la validation des sous-espèces du daguet rouge sont extrêmement fluctuantes et débattues dans la littérature scientifique. Historiquement, un grand nombre de sous-espèces (plus d'une dizaine) ont été décrites, basées principalement sur des variations morphologiques et géographiques. Des exemples de sous-espèces nominales couramment citées dans d'anciennes classifications ou qui apparaissent encore dans des bases de données comme GBIF (Global Biodiversity Information Facility) comprennent : Mazama americana americana (la forme nominale), Mazama americana carrikeri décrit par Hershkovitz en 1959, Mazama americana jucunda décrit par Thomas en 1913, et Mazama americana zetta également décrit par Thomas.

Cependant, la classification moderne, notamment celle soutenue par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) dans ses évaluations récentes, tend à considérer Mazama americana comme monotypique, c'est-à-dire sans sous-espèce reconnue formellement, en attente d'une révision taxonomique majeure. Cette position prudente est justifiée par le fait que la grande majorité des formes autrefois considérées comme des sous-espèces pourraient en réalité représenter des espèces à part entière, comme ce fut le cas pour Mazama pandora et Mazama temama.

L'hétérogénéité des caryotypes et la distinction entre les lignées génétiques Est et Ouest de l'Amazonie suggèrent fortement que de nouvelles espèces pourraient être érigées à l'avenir. Tant que ces études ne sont pas finalisées et validées par la communauté scientifique, la prudence est de mise, et les classifications d'un grand nombre de sous-espèces sont considérées comme non valides ou nécessitant une confirmation génétique pour déterminer si elles représentent de réelles entités évolutives ou de simples variations géographiques au sein du même complexe d'espèces.


Red brocket
En anglais, le daguet rouge est appelé Red Brocket
© Bernard Dupont - Flickr
CC-BY-SA (Certains droits réservés)

CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communDaguet rouge
Nom communMazame roux
English nameRed Brocket
Español nombreCorzuela Roja
Corzuela Colorado
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
Super-classeTetrapoda
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreArtiodactyla
Sous-ordreRuminantia
FamilleCervidae
Sous-familleCapreolinae
GenreMazama
Nom binominalMazama americana
Décrit parJohann Christian Erxleben
Date1777



Satut IUCN

Données insuffusantes (DD)

SOURCES

* Liens internes

Animal Diversity Web

Arkive

iNaturalist

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Mammal Species of the World (MSW)

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

* Liens externes

Bernard Dupont - Flickr

Global Biodiversity Information Facility (GBIF)

* Bibliographie

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