Daguet brun du Yucatán (Mazama pandora)
Le daguet brun du Yucatán (Mazama pandora) est un petit cervidé néotropical qui suscite un intérêt considérable en raison de son statut taxonomique complexe et de son aire de répartition restreinte, principalement limitée à la péninsule du Yucatán, au Mexique, avec des extensions probables dans le nord du Belize et du Guatemala. Ce mammifère solitaire et insaisissable joue un rôle écologique important dans les divers écosystèmes forestiers qu'il fréquente, allant des forêts tropicales humides aux habitats plus arides et broussailleux, démontrant une remarquable adaptabilité par rapport à d'autres espèces de daguets. Bien qu'il soit moins connu que ses congénères comme le daguet rouge ou le daguet gris, le daguet brun du Yucatán est classé comme "Vulnérable" sur la Liste rouge de l'IUCN en raison des menaces croissantes qui pèsent sur son habitat et de la pression de la chasse. Sa singularité morphologique et génétique le distingue clairement des autres cervidés de la région, justifiant sa reconnaissance en tant qu'espèce distincte, malgré les débats scientifiques passés et en cours concernant son genre. La conservation de cette espèce endémique est cruciale pour la biodiversité mésoaméricaine.
© Ernesto Gómez - iNaturalist
CC-BY-ND (Certains droits réservés)
DESCRIPTION
Le daguet brun du Yucatán est un cervidé de taille petite à moyenne, nettement plus petit que les cerfs plus communs de la région mais légèrement plus grand que le daguet d'Amérique centrale (Mazama temama) avec lequel il cohabite localement. Les individus adultes peuvent atteindre une hauteur au garrot d'environ 70 centimètres et un poids variant généralement entre 17 et 21 kilogrammes, bien que des variations individuelles et régionales existent.
Son pelage est l'une de ses caractéristiques distinctives, affichant une coloration globalement gris-brun ou pâle-brun sur le corps, ce qui le différencie de la teinte rougeâtre dominante du daguet rouge et de la couleur grise typique du daguet gris. Les parties ventrales sont généralement plus claires, allant du brun pâle au blanchâtre, offrant un camouflage efficace dans le sous-bois de la forêt. Le front est souvent orné d'une touffe de poils plus raides et foncés.
La morphologie crânienne et les bois des mâles sont particulièrement importants pour l'identification et la distinction taxonomique de l'espèce. Le crâne du daguet brun du Yucatán présente des caractéristiques uniques, notamment une bulle auditive plus enflée et un arc zygomatique plus étroit que chez ses proches parents. Les bois, portés uniquement par les mâles, sont simples, non ramifiés, en forme de pointes relativement longues, qui tendent à converger légèrement vers l'intérieur. De plus, les bois non usés présentent des sillons longitudinaux (flûtés) profonds, une caractéristique qui n'est pas toujours évidente chez les individus plus âgés. Ces traits, combinés à un caryotype distinct (2n=60,FN=74), confirment sa singularité biologique et justifient son statut d'espèce à part entière.
© Alex Pacheco - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)HABITAT
L'aire de répartition du daguet brun du Yucatán n'est pas totalement connue. On sait néanmoins que celle-ci s'étend sur la majeure partie de la péninsule du Yucatán (Mexique) et se prolonge dans le nord du Guatemala et au Belize. L'espèce semble abondante localement et serait même plus fréquent au Yucatán que le daguet rouge. Bien qu'il vive dans la forêt tropicale humide comme la plupart des autres espèces du genre Mazama, le daguet brun du Yucatán évolue également à travers les habitats relativement ouverts un peu plus arides.
© Manimalworld
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)ÉCOLOGIE
Le daguet brun du Yucatán est un herbivore opportuniste et sélectif, dont le régime alimentaire est parfaitement adapté à son habitat, qui varie entre forêts tropicales humides et zones plus sèches. Il est avant tout frugivore, consommant une grande diversité de fruits tombés, jouant ainsi un rôle crucial dans la dispersion des graines. Cette préférence pour les fruits est accentuée pendant la saison des pluies. Toutefois, sa diète est très flexible, incluant également des feuilles tendres, des pousses, des fleurs et des champignons. Cette plasticité alimentaire est un atout majeur pour cette espèce, car elle lui permet de subsister même dans des environnements perturbés. Dans les zones proches de l'activité humaine, il arrive qu'il s'aventure dans des plantations agricoles, ce qui peut engendrer des conflits locaux.
La reproduction de cette espèce ne semble pas être strictement saisonnière, une adaptation courante chez les cervidés des régions tropicales où les ressources sont disponibles toute l'année. Les pics de naissance peuvent varier. Le daguet brun du Yucatán étant un animal solitaire et discret, les rencontres entre mâles et femelles sont brèves et principalement axées sur l'accouplement. Les mâles utilisent leurs petits bois pour des rituels de cour ou des affrontements. Après une gestation estimée à sept ou huit mois, la femelle donne généralement naissance à un seul faon. La maturité sexuelle est atteinte rapidement, vers six à douze mois, favorisant une croissance démographique rapide dans des conditions optimales, malgré une prédation élevée sur les jeunes.
Le comportement du daguet brun du Yucatán est caractérisé par sa nature solitaire et cryptique. Les adultes vivent seuls, l'exception étant la mère accompagnée de son faon. Ce mode de vie discret rend les études difficiles. L'espèce est principalement crépusculaire et nocturne, une adaptation qui lui permet d'éviter les fortes chaleurs et, surtout, les prédateurs, y compris l'homme. L'espèce occupe de petits domaines vitaux et se déplace souvent par des sentiers réguliers. Face à une menace, il privilégie l'immobilisation et le camouflage, ou une fuite rapide par bonds. Dans les zones où la pression de la chasse est forte, il devient encore plus strictement nocturne, illustrant une capacité comportementale à s'adapter aux risques humains.
© Ricardo Jose Mena Baduy - Wikimedia Commons
CC-BY-SA (Certains droits réservés)PRÉDATION
Les prédateurs naturels du daguet brun du Yucatán sont principalement les grands carnivores et les félins qui peuplent son aire de répartition dans la péninsule du Yucatán. Le prédateur le plus significatif et le plus redouté est sans aucun doute le jaguar (Panthera onca), dont le régime alimentaire inclut couramment les cervidés de petite à moyenne taille. La taille du daguet brun en fait une proie de choix pour ce grand félin, en particulier dans les habitats forestiers denses où la discrétion et l'embuscade sont des stratégies de chasse efficaces. D'autres félins plus petits, mais néanmoins capables de s'attaquer au daguet brun du Yucatán, surtout aux faons et aux juvéniles, comprennent le puma (Puma concolor) et l'ocelot (Leopardus pardalis). Ces prédateurs exploitent le comportement cryptique et solitaire du daguet en le chassant souvent à l'affût le long des sentiers ou près des zones d'alimentation.
En plus des félins, d'autres prédateurs potentiels incluent les grands serpents, comme le boa constricteur (Boa constrictor), et les rapaces pour les faons. La menace de la prédation est particulièrement aiguë pour les jeunes faons, qui sont le plus souvent cachés par leur mère pendant les premières semaines de leur vie. Cependant, le prédateur qui représente la menace la plus persistante et la plus critique pour la survie du daguet brun du Yucatán est l'Homme. La chasse (souvent illégale et non régulée) est un facteur de déclin majeur, l'espèce étant traditionnellement une source de nourriture pour les peuples Mayas locaux. De plus, la fragmentation et la destruction de l'habitat dues à l'expansion agricole et urbaine augmentent le risque de prédation en réduisant les refuges naturels et en forçant les daguets à traverser des zones dangereuses.
© Nico Calakmul - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)MENACES
Le daguet brun du Yucatán constitue actuellement un aliment de base du peuple maya, mais elle est sans aucun doute chassée depuis des siècles. Les effets de la chasse sur les populations locales, ainsi que ceux de la déforestation, méritent d'être examinés. Les aires de répartition des ongulés mexicains ont fortement diminué et les populations locales ont été éradiquées dans certaines localités. Les principales causes sont la chasse incontrôlée, ainsi que la perte et la fragmentation de l'habitat.
CONSERVATION
Le daguet brun du Yucatán est considéré comme une espèce menacée. Il est actuellement inscrit dans la catégorie "Vulnérable" (VU) sur la Liste rouge de l'IUCN.
La péninsule du Yucatán compte deux grandes réserves de biosphère. La présence du daguet brun du Yucatán a été confirmée dans l'une d'elles (la réserve de biosphère de Calakmul), et il est probablement présent également dans la réserve de Sian Ka'an. Des études de confirmation et de statut sont nécessaires. L'espèce est également présente dans une zone du Yucatán gérée durablement pour la production de bois et d'autres produits forestiers depuis au moins deux décennies. Cependant, des populations de ce cerf existent en dehors des zones protégées et sur de vastes terres forestières communales appelées "ejidos" au Mexique.
© Ricardo Jose Mena Baduy - Wikimedia Commons
CC-BY-SA (Certains droits réservés)TAXONOMIE
L'histoire taxonomique du Daguet brun du Yucatán est particulièrement complexe et controversée, reflétant les défis inhérents à la classification des cervidés néotropicaux, dont de nombreuses espèces sont morphologiquement similaires et génétiquement peu étudiées jusqu'à récemment. L'espèce fut formellement décrite en 1901 par le zoologiste américain Clinton Hart Merriam, qui la nomma Mazama pandora d'après un spécimen type collecté à Tunkas, Yucatán, au Mexique. Merriam reconnut initialement l'animal comme une espèce distincte au sein du genre Mazama.
Cependant, au fil du XXe siècle, son statut fut maintes fois remis en question. Certains auteurs le considérèrent comme une simple sous-espèce disjointe du daguet gris (Mazama gouazoubira), dont l'aire de répartition principale se trouve beaucoup plus au sud, en Amérique du Sud. D'autres spécialistes le classèrent comme une sous-espèce du daguet rouge (Mazama americana), une espèce très répandue en Mésoamérique et en Amérique du Sud, en raison de certaines similitudes de taille et de forme. Cette confusion était largement due au manque de données génétiques et à la confiance excessive accordée à la couleur du pelage comme critère diagnostique, celle du Mazama pandora étant intermédiaire entre le gris et le roux. La controverse a persisté jusqu'à la fin du siècle, illustrant le manque de consensus scientifique.
Un tournant majeur est survenu en 1998 avec la publication d'une étude morphologique et craniométrique par Medellín, Gardner et Aranda (Proceedings of the Biological Society of Washington), qui analysa les caractéristiques de cervidés du Mexique et d'Amérique centrale. Cette recherche démontra clairement que le daguet brun du Yucatán était sympatrique (c'est-à-dire cohabitait dans la même aire) avec le daguet d'Amérique centrale (Mazama temama, alors considéré comme une sous-espèce de Mazama americana), et qu'il présentait des différences morphologiques significatives au niveau du crâne et des bois par rapport aux deux autres espèces de daguets. Les auteurs conclurent que Mazama pandora justifiait une pleine reconnaissance spécifique.
Le XXIe siècle a apporté une complexité supplémentaire. Les analyses phylogénétiques basées sur l'ADN mitochondrial et d'autres marqueurs génétiques ont souvent récupéré le daguet brun du Yucatán comme un groupe frère du genre Odocoileus (comprenant le cerf de Virginie et le cerf mulet), et non pas comme un membre du genre Mazama tel qu'il était traditionnellement défini. En conséquence, plusieurs autorités taxonomiques, dont l'American Society of Mammalogists (ASM), ont proposé en 2021 de repositionner l'espèce dans le genre Odocoileus, sous le nom d'Odocoileus pandora. Bien que cette reclassification soit basée sur des preuves génétiques solides, elle reste un sujet de débat, et des institutions comme l'IUCN (au moment de la dernière évaluation) et d'autres conservent encore l'appellation Mazama pandora en raison de son historique et d'une certaine résistance à modifier les classifications établies. L'histoire du daguet brun du Yucatán illustre parfaitement la nature dynamique et souvent révisée de la taxonomie des espèces sauvages.
Le daguet brun du Yucatán est actuellement considéré comme une espèce monotypique par la majorité des autorités taxonomiques modernes ainsi que par les études les plus récentes et pertinentes, y compris celles basées sur la morphologie et la génétique. Cela signifie que l'espèce n'est pas subdivisée en sous-espèces reconnues à l'intérieur de son aire de répartition, relativement limitée à la péninsule du Yucatán (Mexique, Belize, Guatemala). La variation morphologique et génétique observée chez les individus de différentes parties de sa distribution n'est pas jugée suffisante ou suffisamment structurée pour justifier l'établissement de sous-taxons distincts.
Yucatán brown brocket
© Bernard Dupont - Flickr
CC-BY-SA (Certains droits réservés)CLASSIFICATION
| Nom commun | Daguet brun du Yucatán |
| Autre nom | Cariacou de Yucatan |
| English name | Yucatán Brown Brocket |
| Español nombre | Temazate Café |
| Règne | Animalia |
| Embranchement | Chordata |
| Sous-embranchement | Vertebrata |
| Super-classe | Tetrapoda |
| Classe | Mammalia |
| Sous-classe | Theria |
| Infra-classe | Eutheria |
| Ordre | Artiodactyla |
| Sous-ordre | Ruminantia |
| Famille | Cervidae |
| Sous-famille | Capreolinae |
| Genre | Mazama |
| Nom binominal | Mazama pandora |
| Décrit par | Clinton Hart Merriam |
| Date | 1901 |
Satut IUCN |  |
SOURCES
* Liens internes
American Society of Mammalogists (ASM)
Liste Rouge IUCN des espèces menacées
Mammal Species of the World (MSW)
Système d'information taxonomique intégré (ITIS)
* Liens externes
Global Biodiversity Information Facility (GBIF)
* Bibliographie
Merriam, C. H. (1901). A new brocket from Yucatan. Proceedings of the Biological Society of Washington, 14: 105-106.
Medellín, R. A., Gardner, A. L., & Aranda, J. M. (1998). The taxonomic status of the Yucatán brown brocket, Mazama pandora (Mammalia: Cervidae). Proceedings of the Biological Society of Washington, 111(1): 1-14.
Gutiérrez, E. E., Helgen, K. M., McDonough, M. M., Bauer, F., Hawkins, M. T., Escobedo-Morales, L. A., ... & Maldonado, J. E. (2017). A gene-tree test of the traditional taxonomy of American deer: the importance of voucher specimens, geographic data, and dense sampling. ZooKeys, (697): 87.
Weber, M., de Grammont, P. C. & Cuarón, A. D. (2016). Mazama pandora. The IUCN Red List of Threatened Species 2016: e.T29622A22154219.
Weber, M. (2012). Mazama pandora (The Yucatán brown brocket deer). In: Neotropical Cervidology: Biology and Medicine of Latin American Deer (J. M. B. Duarte & S. González, Eds.). FUNEP/IUCN.
Weber, Manuel (2025). “Yucatan Brown Brocket Deer Mazama pandora (C. H. Merriam, 1901).” Dans Deer of the World, édité par Melletti & Focardi.