Cerf calamian (Axis calamianensis)
Le cerf calamian (Axis calamianensis) est un cervidé endémique des îles Calamian, situées au nord de Palawan, aux Philippines. Cette espèce occupe une place importante dans la faune insulaire, étant l’un des rares grands herbivores survivant dans cet archipel. De taille moyenne et doté d’une morphologie adaptée à son environnement insulaire, il est considéré comme une espèce vulnérable en raison de la pression de la chasse et de la réduction de son habitat. Malgré sa discrétion, il est devenu un symbole de la biodiversité unique des Philippines et un enjeu majeur pour les programmes de conservation. Sa découverte au XIXe siècle a suscité l’intérêt des naturalistes, mais son étude reste limitée en raison de son habitat difficile d’accès et de sa population déclinante. Le cerf calamian est également appelé Cerf cochon calamien.

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Le cerf calamian possède un physique compact et musclé qui lui permet de se déplacer avec agilité dans les environnements de broussailles denses. Son corps mesure généralement entre 105 et 115 centimètres de long, avec une hauteur au garrot qui varie de 60 à 75 centimètres. Le poids des individus adultes se situe entre 36 et 50 kilogrammes, les mâles étant généralement plus lourds et plus grands que les femelles, un dimorphisme sexuel notable.
Le pelage de l'animal est court et de couleur uniforme, allant du brun fauve au brun foncé. Les pattes, en particulier, sont plus sombres que le reste du corps. Une caractéristique distinctive est l'absence de taches sur son pelage, contrairement à d'autres cerfs du genre Axis, comme le cerf axis.
Seuls les mâles portent des bois, qui sont relativement courts et peu ramifiés, avec en moyenne trois andouillers. La queue est également courte, mesurant environ 15 centimètres. Ses bois, bien qu'ils ne soient pas massifs, sont essentiels pour les combats entre mâles durant la saison de reproduction.
Facilement identifiable par sa distribution, le cerf calamian est similaire et très proche du cerf de Kuhl (Axis kuhlii) et le cerf cochon (Axis porcinus). Les caractéristiques distinctives ne sont pas absolues, mais comprennent notamment des jambes de couleur sombre et l'absence de poils noirs sur le front.

Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes
Le cerf calamian est endémique aux Philippines, où il vit exclusivement dans l'archipel des îles Calamian au nord-est de l'île de Palawan. Sa présence est confirmée sur les trois plus grandes îles de l'archipel : Busuanga, Calauit et Culion. Il est notable qu'il est absent de l'île de Coron et du continent de Palawan. En plus des grandes îles, le cerf calamian a été signalé sur au moins neuf petites îles. Cependant, l'espèce y a connu un déclin dramatique et est désormais considérée comme éteinte sur la plupart d'entre elles. Les seules petites îles où il semble avoir survécu sont Marily et Dimaquiat, ce qui souligne la fragilité de sa distribution en dehors de son habitat principal. Ce cerf est présent dans les prairies, les forêts ouvertes et les forêts secondaires.

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Le cerf calamian est un herbivore opportuniste, se nourrissant principalement de feuilles, de pousses tendres, de fruits tombés au sol et de champignons. Son régime alimentaire varie selon les saisons et la disponibilité des ressources, avec une préférence marquée pour les plantes riches en eau pendant la saison sèche. Contrairement aux grands cervidés, il ne se nourrit que rarement d’herbes, privilégiant les feuilles des arbustes et des lianes, ainsi que les bourgeons des jeunes arbres. Cette alimentation diversifiée lui permet de s’adapter aux fluctuations de son habitat, bien que la dégradation des forêts limite de plus en plus ses sources de nourriture. Les études sur le terrain ont révélé qu’il consomme également des fleurs et des écorces, notamment en période de pénurie.

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La reproduction du cerf calamian n'est pas strictement saisonnière et peut avoir lieu tout au long de l'année. Cependant, on observe un pic des naissances au début de la saison des pluies, généralement en juin, lorsque la nourriture est plus abondante. La période de gestation chez la femelle est d'environ 222 jours, soit près de sept mois et demi. Une seule naissance est commune, la femelle donnant naissance à un unique faon. À la naissance, le faon pèse en moyenne 1,27 kilogramme et, à la différence de nombreux autres cervidés, son pelage est uni et ne présente pas de taches. Le faon est sevré vers l'âge de quatre ou cinq mois. La maturité sexuelle est atteinte assez tôt chez cette espèce, entre 12 et 17 mois, ce qui permet une reproduction relativement rapide des populations. Le faible taux de natalité et la longue période de gestation, combinés aux menaces environnementales, rendent la population de cerfs calamian particulièrement vulnérable aux déclins.

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Le cerf calamian est un animal crépusculaire et parfois nocturne, adoptant une grande discrétion dans ses activités quotidiennes. Généralement solitaire ou observé en petits groupes familiaux composés d’une femelle et de son faon, il n’a pas le comportement grégaire marqué d’autres cervidés.
Les mâles adultes sont souvent solitaires, sauf durant la saison de reproduction où ils interagissent davantage avec les femelles. Lorsqu’il est menacé, ce cerf adopte une stratégie de fuite rapide à travers les fourrés, adoptant une posture particulière rappelant celle d’un sanglier, d’où son surnom local de "hog deer". Ce mode de fuite consiste à courir la tête basse, permettant de se faufiler dans la végétation dense.
Territorial, il utilise également des marquages olfactifs et visuels grâce aux glandes frontales et aux frottements de ses bois sur les arbustes. Sa communication repose sur des vocalisations discrètes, des aboiements d’alerte et un langage corporel expressif, notamment lors des confrontations. Bien qu’il s’adapte à différents milieux, il privilégie les habitats mêlant zones herbacées et couvert forestier, qui lui offrent à la fois nourriture et refuge. Cette discrétion et ce comportement fuyant en font un animal difficile à observer dans son habitat naturel, ce qui complique les études de terrain. Toutefois, ces mêmes traits comportementaux témoignent d’une adaptation évolutive efficace à la pression des prédateurs et des humains.

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Dans son écosystème insulaire, le cerf calamian fait face à une pression prédatrice relativement faible comparée à celle des cervidés continentaux. Ses principaux prédateurs naturels incluent le python réticulé (Malayopython reticulatus), capable de s’attaquer aux faons et aux individus affaiblis, ainsi que des rapaces comme l’aigle des Philippines (Pithecophaga jefferyi), une espèce elle aussi en danger critique d’extinction. Les varans, tels que le varan des Philippines (Varanus marmoratus), peuvent également représenter une menace pour les jeunes cerfs. Cependant, la prédation naturelle est bien moins significative que les menaces anthropiques, telles que la chasse illégale et la destruction de l’habitat.
Historiquement, l’absence de grands carnivores sur les îles Calamian a permis au cerf calamian de développer des stratégies de survie basées sur la discrétion plutôt que sur la fuite. Son pelage cryptique et son comportement furtif lui permettent d’éviter les rencontres avec les prédateurs, mais ces adaptations sont inefficaces face aux pièges et aux armes à feu utilisés par les braconniers. La disparition progressive des forêts primaires réduit également les zones de refuge, rendant l’espèce plus vulnérable. Les programmes de conservation visent à restaurer les corridors écologiques pour limiter son isolement et renforcer sa résilience face aux prédateurs naturels et humains.

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Le cerf calamian est gravement menacé par une combinaison de facteurs, principalement la chasse et l'expansion de l'habitat humain, le tout exacerbé par une application laxiste des lois de protection. La pression de la chasse a historiquement fluctué, mais a considérablement augmenté sur l'île de Calauit après le retour des anciens résidents. Ce repeuplement a entraîné un accroissement de la chasse, non seulement à des fins récréatives, mais aussi pour approvisionner les marchés locaux en viande.
Plus récemment, le typhon Haiyan a conduit à la réinstallation de victimes sur l'île de Busuanga, ce qui a accentué la pression sur l'habitat et, par conséquent, sur le cerf calamian. De plus, l'occupation illégale de Busuanga par des étrangers a aggravé la situation.
Sur l'île de Calauit, la présence de populations d'ongulés africains introduits, comme les girafes et les zèbres, complique la situation. Bien que ces espèces ne semblent pas concurrencer directement le cerf, une récente modification d'une proclamation présidentielle pourrait permettre de mieux gérer ces populations à l'avenir. Il est important de noter que, malgré des zones relativement peu développées sur les îles de Busuanga et Culion, il n'existe actuellement aucune réserve pour protéger l'espèce.

Crédit photo: Alex Kantorovich - Zooinstitutes
Le cerf calamian est considéré comme une espèce menacée. Il est inscrit dans la catégorie "En danger" (EN) sur la Liste rouge de l'IUCN. Il est également inscrit en Annexe I de la CITES.
Le cerf calamian de Calauit est principalement présent dans la réserve faunique de l'île de Calauit. Créée en 1976, cette réserve de 37,4 km² devait initialement protéger des animaux africains. La protection de cette zone est aujourd'hui insuffisante, et il n'existe pas de plan de gestion efficace. De plus, plusieurs habitants expulsés lors de la création de la réserve y sont revenus illégalement.
Des mesures de conservation sont recommandées pour assurer la survie de l'espèce. Il est crucial de surveiller les populations sur les trois îles principales et d'évaluer les niveaux de chasse et de dégradation de l'habitat. Il est également recommandé de renforcer le système de zones protégées en créant de nouvelles réserves et en élaborant un plan de gestion structuré pour Calauit. Ce plan devrait inclure l'amélioration des infrastructures et la mise en place de mesures de lutte contre le braconnage.
Des efforts de conservation devraient également être étendus à d'autres îles, notamment Culion et Busuanga. En outre, il est essentiel de mener des recherches sur le comportement et l'écologie du cerf pour mieux comprendre ses besoins en matière de gestion. Enfin, un programme d'éducation à la conservation utilisant le cerf calamian de Calauit comme emblème pourrait aider à sensibiliser le public aux enjeux de la lutte contre le commerce de la viande de brousse. Une réintroduction sur l'île principale de Palawan est également envisagée pour réduire le risque d'extinction des populations restantes.

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L’histoire taxonomique du cerf calamian commence par sa description originale par le missionnaire et naturaliste français Pierre Marie Heude en 1888, qui publia l’espèce sous le binôme Cervus calamianensis dans les mémoires qu’il consacra à l’histoire naturelle de la région. Cette description initiale fixe la localité-type dans les îles Calamian et constitue la référence nomenclaturale primordiale pour l’espèce. Au cours des décennies qui suivirent, la position générique de l’espèce a fait l’objet de révisions successives : certains auteurs l’ont rapprochée du genre Hyelaphus (ou traitée comme Hyelaphus calamianensis), tandis que d’autres l’ont considérée comme une sous-espèce ou une forme proche du cerf cochon (Axis porcinus), en raison de similitudes morphologiques avec les spécimens du continent asiatique.
Actuellement, selon les bases de données de référence, Axis calamianensis est considéré comme une espèce monotypique. Cela signifie qu’aucune population insulaire n’a été décrite ou acceptée officiellement comme sous-espèce distincte. Bien que certains auteurs aient évoqué par le passé des variations morphologiques mineures entre populations des différentes îles de l’archipel Calamian (par exemple en taille ou en teinte du pelage), ces différences ne sont pas suffisantes pour justifier une reconnaissance taxonomique formelle.
Nom commun | Cerf calamian |
Autre nom | Cerf cochon calamian |
English name | Calamian deer Calamian hog deer |
Español nombre | Ciervo de los Calamianes |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Sous-embranchement | Vertebrata |
Classe | Mammalia |
Super-classe | Tetrapoda |
Sous-classe | Theria |
Infra-classe | Eutheria |
Ordre | Artiodactyla |
Sous-ordre | Ruminantia |
Famille | Cervidae |
Sous-famille | Cervinae |
Genre | Axis |
Nom binominal | Axis calamianensis |
Décrit par | Pierre Marie Heude |
Date | 1888 |
Satut IUCN | ![]() |
* Liens internes
Liste Rouge IUCN des espèces menacées
Mammal Species of the World (MSW)
Système d'information taxonomique intégré (ITIS)
* Liens externes
Global Biodiversity Information Facility (GBIF)
* Bibliographie
Heude, P. M. (1888). Problema Philippinense, seu Cervinorum Craniorum in Philippinis insulis hucusque detectorum... Mémoires concernant l’Histoire naturelle de l’empire chinois, 2(1): 1–4
Groves, C. P., & Grubb, P. (2011). "Ungulate Taxonomy." Johns Hopkins University Press, Baltimore.
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Nowak, R. M. (1999). Walker’s Mammals of the World." Johns Hopkins University Press, 6th ed.
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