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Chameau sauvage de Tartarie (Camelus ferus)


Le chameau sauvage de Tartarie (Camelus ferus) est une espèce rare et menacée vivant dans les déserts arides d’Asie centrale, notamment en Chine et en Mongolie. Contrairement à son cousin domestiqué, le chameau de Bactriane (Camelus bactrianus), il constitue une espèce distincte, reconnue officiellement au début du XXIe siècle. Ce grand mammifère, emblématique de la résilience face à des conditions extrêmes, possède une physiologie unique lui permettant de survivre dans des environnements parmi les plus inhospitaliers de la planète. Il évolue dans des zones désertiques à faibles précipitations, à végétation clairsemée et soumises à des variations thermiques extrêmes. Bien qu’il ait survécu aux transformations climatiques et humaines survenues au fil des millénaires, il est aujourd’hui en danger critique d’extinction selon l’IUCN. Son étude revêt donc un intérêt particulier pour la conservation de la biodiversité et la compréhension de l’évolution des camélidés. Le chameau sauvage de Tartarie est également appelé Chameau sauvage de Bactriane ou encore Chameau sauvage de Mongolie.


Chameau sauvage de Tartarie (Camelus ferus)
Chameau sauvage de Tartarie (Camelus ferus)
© Chris Scharf (Royle Safaris) - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)



DESCRIPTION

Le chameau sauvage de Tartarie présente une morphologie robuste, adaptée aux conditions désertiques extrêmes. Il se distingue par sa taille imposante : les mâles atteignent jusqu’à 2,2 mètres au garrot et pèsent entre 500 et 650 kg, tandis que les femelles sont légèrement plus petites. La caractéristique la plus emblématique demeure ses deux bosses, qui stockent de la graisse et non de l’eau, permettant une autonomie énergétique prolongée lors des périodes de disette.

Son pelage est dense et laineux, variant du brun clair au beige sableux, offrant une protection contre le froid hivernal intense et les chaleurs estivales. Il mue partiellement au printemps pour s’adapter aux températures croissantes. Contrairement au chameau domestique, le chameau sauvage de Tartarie présente un crâne plus étroit, un profil nasal plus concave et un pelage généralement plus clair.

Ses longues jambes, ses larges pieds aux coussinets épais et ses narines pouvant se fermer hermétiquement sont autant d’adaptations à la vie désertique. Les cils longs, les paupières doubles et les oreilles poilues protègent ses yeux et ses orifices contre les tempêtes de sable. Sa bouche cornée lui permet de consommer des plantes épineuses.

Enfin, il possède une capacité pulmonaire importante et une régulation thermique efficace, lui permettant de supporter des températures allant de -40 °C en hiver à +50 °C en été, avec des besoins en eau minimaux sur de longues périodes.


Camelus ferus
Camelus ferus
© Dev Paul - Wikimedia Commons
CC-BY-SA (Certains droits réservés)

HABITAT

Le chameau sauvage de Tartarie est limité à quatre sous-populations en Chine et en Mongolie : Gashun Gobi, Gansu, Chine; désert du Taklamakan, Xinjiang, Chine (cette population a décliné et pourrait maintenant être éteinte); les pentes nord des monts Arjin Shan et les zones adjacentes de la réserve nationale de chameaux sauvages de Lop Nur, Chine; et la zone strictement protégée de la section A du Grand Gobi, Mongolie, et les zones adjacentes en Chine. En Mongolie, l'espèce est présente dans le désert de Trans Altaï Govi, y compris les contreforts de la chaîne d'Edren jusqu'à Shiveet Ulaan, et la chaîne de Hükh Tömörtei jusqu'à la frontière de l'État.

À l'époque historique, l'aire de répartition du chameau sauvage de Tartarie s'étendait du grand méandre du fleuve Jaune jusqu'au centre du Kazakhstan, en passant par les déserts du sud de la Mongolie et du nord-ouest de la Chine. Au milieu du XIXe siècle, l'espèce avait disparu de la partie occidentale de son aire de répartition et ne subsistait plus que dans les zones reculées des déserts de Gobi et du Taklimakan. Ces populations se sont de plus en plus fragmentées au cours des 150 dernières années.

Cette espèce vit dans les déserts de Gobi et de Gashun Gobi, au nord-ouest de la Chine et en Mongolie. Bien que la végétation y soit clairsemée, le désert lui-même varie : massifs montagneux rocheux, zones plates et pavées, désert extrêmement aride; plaines rocailleuses du "gobi"; oasis bordées de peupliers; vastes plaines délavées et hautes dunes de sable.


Camelus ferus repartition
     Répartition du Chameau sauvage de Tartarie
© Manimalworld
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)

ALIMENTATION

Le chameau sauvage de Tartarie est un herbivore strict, mais sa diète reflète une extrême flexibilité, indispensable pour survivre dans les déserts inhospitaliers du Gobi et du Lop Nor. Il se nourrit principalement d’herbacées désertiques, d’arbustes secs et de plantes halophytes riches en sel, qu’il est capable de consommer sans dommage, contrairement à la majorité des herbivores. Cette aptitude unique lui permet d’exploiter des ressources végétales marginales, souvent toxiques pour d’autres espèces. Sa bouche est garnie de papilles kératinisées, facilitant la consommation de végétaux épineux ou ligneux comme les tamaris et les saxaouls. Il peut aussi manger de l’armoise, du selwort ou de l’achillée. En période de pénurie, il peut parcourir de longues distances pour accéder à des points d’eau ou à des pâturages occasionnels. Il supporte de longues périodes sans boire, grâce à une efficacité physiologique remarquable dans la conservation de l’eau. Lorsqu’il trouve une source, il peut absorber jusqu’à 100 litres en quelques minutes.

Sa digestion est lente mais très efficace, avec un estomac compartimenté lui permettant de tirer un maximum de nutriments de la matière végétale sèche et pauvre. Il ingère parfois du sable ou du gravier pour faciliter la digestion mécanique dans ses pré-estomacs. En hiver, il gratte la neige pour trouver des plantes enfouies ou pour s’hydrater indirectement. Ce régime frugal, couplé à une exceptionnelle tolérance au sel et à la sécheresse, reflète une adaptation évolutive extrême au désert asiatique.


Chameau sauvage de Tartarie au parc national de Gobi
Chameau sauvage de Tartarie au parc national de Gobi en Mongolie
© Doron - Wikimedia Commons
CC-BY-SA (Certains droits réservés)

REPRODUCTION

La reproduction du chameau sauvage de Tartarie est saisonnière et fortement influencée par les conditions environnementales. La période de rut se déroule entre décembre et mars, coïncidant avec l’hiver, lorsque les mâles deviennent agressifs et territoriaux. Ils émettent des grognements, marquent leur territoire avec de l’urine, et exhibent des comportements spectaculaires comme le gonflement du palais mou, visible à l’extérieur de la bouche. Les mâles dominants tentent de monopoliser l’accès aux femelles, souvent au prix de combats violents entre rivaux.

Après l’accouplement, la gestation dure environ 13 mois, conduisant à la naissance d’un unique petit, rarement deux. La mise bas a généralement lieu entre janvier et avril. Le jeune, pesant entre 35 et 45 kg, est capable de se lever et de suivre sa mère dès les premières heures suivant la naissance. Il sera allaité pendant plusieurs mois, parfois jusqu’à un an, selon les ressources disponibles. Les mères sont très protectrices et isolent souvent leur progéniture durant les premières semaines. La maturité sexuelle est atteinte entre 3 et 5 ans. Toutefois, dans les conditions sauvages, le succès reproducteur est modeste, et le taux de survie juvénile est affecté par la prédation, la sécheresse ou la rareté des ressources. En captivité, la reproduction peut être encouragée, mais les programmes d’élevage restent limités. Les contraintes écologiques, l’isolement des populations et la fragmentation de l’habitat posent un défi majeur à la pérennité de l’espèce dans la nature.

Le chameau sauvage de Tartarie a une espérance de vie moyenne de 30 à 40 ans à l’état sauvage, bien que cette durée puisse être réduite par les conditions extrêmes de son habitat ou les pressions anthropiques. En captivité, où il bénéficie de soins vétérinaires et d’une alimentation contrôlée, il peut parfois dépasser les 40 ans.


Chameau sauvage de Tartarie desert de Gobi
Chameau sauvage de Tartarie photographié dans le déser de Gobi
© Wildlife biologist/Dovchoo - iNaturalist
CC-BY-NC (Certains droits réservés)

COMPORTEMENT

Le chameau sauvage de Tartarie adopte un comportement prudent et nomade, dicté par la rareté des ressources et l’hostilité du climat. Généralement grégaire, il évolue en petits groupes de 5 à 30 individus, constitués de femelles avec leurs jeunes ou de mâles célibataires. Les grands mâles dominants forment parfois des groupes plus restreints ou deviennent solitaires durant la saison de reproduction.

Ces camélidés pratiquent une forme de migration opportuniste, parcourant de vastes distances pour trouver des zones de pâture ou des points d’eau, ce qui les rend difficiles à suivre. Leur rythme est principalement diurne, bien qu’ils puissent être actifs à l’aube ou au crépuscule en été pour éviter les fortes chaleurs. Très vigilants, ils évitent les zones fréquentées par l’homme et fuient rapidement au moindre danger, adoptant une allure soutenue sur des kilomètres grâce à leur endurance exceptionnelle.

Ils marquent leur territoire avec de l’urine ou des sécrétions glandulaires. Les interactions sociales sont complexes et s’expriment par des vocalisations, des postures corporelles et des contacts physiques limités. Le toilettage mutuel est rare, mais les liens mère-jeune sont forts et durables. En hiver, ils réduisent leur activité pour économiser leur énergie. Ils creusent parfois des dépressions dans le sol pour s’abriter du vent. Lors des tempêtes de sable, ils s’agenouillent, ferment leurs narines et se protègent les yeux. Leur mémoire est remarquable, leur permettant de se souvenir des emplacements d’eau ou de nourriture sur de vastes étendues désertiques.


Chameau sauvage de Tartarie gros plan
Gros plan du chameau sauvage de Tartarie
Auteur: Mariana Ruiz Villarreal - Wikimedia Commons
CC0 (Domaine public)

PRÉDATION

Le chameau sauvage de Tartarie, bien que grand et robuste, n’est pas exempt de prédation, surtout chez les jeunes ou les individus affaiblis. Historiquement, ses principaux prédateurs étaient les loups gris (Canis lupus), qui chassent en meute dans les déserts et steppes de Mongolie et de Chine. Les jeunes chameaux, encore vulnérables, sont les plus souvent ciblés. Les attaques peuvent aussi survenir contre des adultes malades ou isolés, notamment durant l’hiver quand les proies deviennent plus rares. Les loups exploitent alors leur coordination pour harceler et affaiblir les individus.

Dans certaines zones, la panthère des neiges (Panthera uncia) pourrait constituer un prédateur potentiel, bien que les interactions directes soient rares étant donné la différence d’habitat préférentiel et de taille des proies. Les grands rapaces comme l’aigle royal (Aquila chrysaetos) peuvent, à l’occasion, s’attaquer aux jeunes nouveau-nés ou affaiblis, mais ces cas demeurent marginaux.


Chameau sauvage de Bactriane
Le chameau sauvage de Tartarie est aussi appelé
Chameau sauvage de Bactriane
© Wolfgang Dreier - BioLib
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MENACES

D'après les informations reçues du personnel de l'aire protégée et des scientifiques mongols travaillant dans la Réserve du Grand Gobi A, on estime qu'en Mongolie, 25 à 30 chameaux sauvages de Tartarie sont tués chaque année lors de leur migration vers la Chine, à la limite sud de l'aire protégée. La chasse est principalement destinée à la subsistance locale.

En raison de la réduction des points d'eau (oasis) due à la sécheresse, les loups ont accru leur prédation sur les chameaux sauvages de Tartarie. Cette activité se concentre sur les points d'eau restants de la région. L'habitat restant en Mongolie est également dégradé par le bétail domestique.

En Chine, dans le nouveau sanctuaire naturel d'Arjin Shan Lop Nur, jusqu'à 20 chameaux sauvages sont tués chaque année par des mineurs et des chasseurs à des fins de subsistance. La pression économique exercée pour utiliser les zones adjacentes à la réserve naturelle comme pâturages pour les chameaux de Bactriane a accru l'hybridation à la frontière sud, ce qui constitue une menace importante pour la souche génétique unique du chameau sauvage de Tartarie, dont les recherches ADN actuelles suggèrent qu'il s'agit d'une espèce distincte.

Pendant 45 ans, cette zone du Gashun Gobi a été le site d'essais nucléaires de la Chine. Malgré cela, le chameau sauvage de Tartarie a survécu et semble se reproduire naturellement. Depuis l'arrêt des essais nucléaires en Chine, le chameau sauvage de Tartarie est désormais confronté à de nouvelles menaces, notamment l'exploitation minière illégale hautement toxique et la chasse, à des fins alimentaires et sportives. Certaines parties de l'habitat désigné du chameau sauvage de Tartarie sont susceptibles d'être affectées à des fins industrielles (pose de gazoducs, exploitation minière). Des chameaux et des chèvres domestiques ont également été introduits dans ces zones désignées et entrent ainsi en compétition pour le pâturage et l'eau.


Camelus bactrianus ferus
Camelus bactrianus ferus
© The Wild Camel Protection Foundation
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CONSERVATION

Actuellement, le chameau sauvage de Tartarie est le huitième grand mammifère le plus menacé de la planète avant le panda géant. Il est inscrit sur la Liste rouge des espèces menacées de l'IUCN dans la catégorie "En danger critique" (CR).

La Réserve A du Grand Gobi a été créée en Mongolie en 1982, et la Réserve naturelle d'Arjin Shan Lop Nur en Chine a été créée en 2000. Bien que la première phase de construction de la réserve naturelle soit désormais achevée, des travaux supplémentaires, notamment l'ouverture d'une seconde réserve naturelle en Chine, sont nécessaires.

La Wild Camel Protection Foundation a mis en place un programme d'élevage de chameaux sauvage de Tartarie en captivité en Mongolie. Il s'agit d'une priorité urgente en matière de conservation. Seuls quinze chameaux sauvages sont actuellement en captivité en Chine et en Mongolie. Avec si peu d'animaux en captivité, l'espèce entière pourrait disparaître si leurs habitats naturels en Chine et en Mongolie étaient détruits. Il est donc important d'élever suffisamment d'animaux en captivité pour se prémunir contre cette éventuelle catastrophe. Comme chaque chamelle peut avoir un petit au maximum tous les deux ans, le recours à des méthodes naturelles ne permettrait qu'une augmentation très lente des effectifs.


Wild bactrian camel
En anglais, le chameau sauvage de Mongolie est appelé
Wild bactrian camel
© Klaus Rudloff - BioLib
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TAXONOMIE

Le chameau sauvage de Tartarie a longtemps été considéré comme une simple forme férale ou redevenue sauvage du chameau de Bactriane (Camelus bactrianus), jusqu’à ce que des études morphologiques et génétiques viennent réévaluer cette position. C’est en 1878 que Nikolai Przewalski a signalé pour la première fois l’existence de chameaux sauvages distincts dans les régions désertiques du nord-ouest de la Chine. Toutefois, ce n’est qu’en 2008 que Camelus ferus a été officiellement reconnu comme espèce distincte, grâce à des analyses d’ADN mitochondrial et nucléaire révélant une divergence évolutive estimée à 700 000 ans.

Le nom scientifique Camelus ferus a été validé selon les règles de la taxonomie moderne pour désigner cette population relictuelle préservée dans des environnements extrêmes, témoignant d’un lignage ancestral différent du chameau domestique. Camelus ferus forme donc un taxon propre, non dérivé d’individus domestiqués retournés à l’état sauvage. Il se distingue par des traits morphologiques subtils et des marqueurs génétiques uniques.

Le chameau sauvage de Tartarie constitue aujourd’hui l’un des rares grands mammifères sauvages survivants d’Asie centrale. Sa conservation est d’autant plus cruciale que son patrimoine génétique représente une lignée caméline distincte, résistant depuis des millénaires aux aléas climatiques et aux perturbations anthropiques. Sa classification correcte permet de justifier des efforts spécifiques pour sa protection, à travers la création de réserves naturelles.


CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communChameau sauvage de Tartarie
Autre nomChameau sauvage de Bactriane
Chameau sauvage de Mongolie
English nameWild Bactrian Camel
Español nombreCamello salvaje
Camello bactriano salvaje
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreArtiodactyla
Sous-ordreTylopoda
FamilleCamelidae
GenreCamelus
Nom binominalCamelus ferus
Décrit parNikolaï Mikhaïlovitch Prjevalski
Date1878



Satut IUCN

En danger critique (CR)

SOURCES

* Liens internes

Arkive

BioLib

iNaturalist

Liste rouge IUCN des espèces menacées

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

* Liens externes

Futura Sciences

The Wild Camel Protection Foundation

Wikimedia Commons

* Bibliographie

Wilson, D. E., & Mittermeier, R. A. (eds.) (2011). Handbook of the Mammals of the World. Volume 2: Hoofed Mammals. Lynx Edicions, Barcelona.

Hare, J. (2008). Wild camels – the most endangered large mammal on earth. Oryx, 42(1), 1–3.

Ji, R., et al. (2009). Genetic evidence for wild status of the wild Bactrian camel (Camelus ferus). Journal of Heredity, 100(2), 152–159.

Burger, P. A., et al. (2019). Genetic diversity and population structure in the endangered wild camel Camelus ferus. Animal Genetics, 50(4), 377–386.

Reading, R. P., Mix, H., Lhagvasuren, B., & Tseveenmyadag, N. (1999). Status and distribution of wild Bactrian camels Camelus ferus in Mongolia. Biological Conservation, 89(1), 197–203.

Hare, J. (2012). Mystery of the Gobi: Searching for Wild Camels and Lost Cities in the Heart of Asia. I.B. Tauris.