Chameau de Bactriane (Camelus bactrianus)
Le chameau de Bactriane (Camelus bactrianus) est un grand mammifère domestiqué appartenant à la famille des Camelidae, remarquable pour ses deux bosses caractéristiques. Originaire des steppes d’Asie centrale, il a été essentiel à l’histoire des civilisations en servant de bête de somme sur les routes caravanières comme la Route de la Soie. Son endurance exceptionnelle face aux climats extrêmes, à la fois chauds et froids, en a fait un animal de transport indispensable dans des régions inhospitalières. Descendant probable du chameau sauvage de Tartarie (Camelus ferus), il est aujourd’hui élevé principalement en Mongolie, au Kazakhstan, au Xinjiang chinois, en Iran et dans certaines zones d’Afghanistan. Son rôle économique, culturel et symbolique reste très important pour les peuples nomades. Malgré la modernisation des transports, le chameau de Bactriane demeure vital dans de nombreuses régions reculées.

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Le chameau de Bactriane se distingue par une silhouette imposante et robuste, adaptée aux conditions rigoureuses des déserts froids et steppes arides d’Asie centrale. Il mesure entre 1,8 et 2,3 mètres au garrot et peut peser de 450 à 650 kg, parfois jusqu’à 1 000 kg pour les mâles les plus massifs. Sa caractéristique la plus visible réside dans ses deux grandes bosses dorsales, composées de tissu adipeux, qui servent de réserve énergétique.
Son pelage épais et laineux, souvent brun ou beige, devient particulièrement dense en hiver pour le protéger du froid intense, pouvant atteindre -40 °C. En été, il mue et perd une grande partie de sa toison. Ses longues jambes, terminées par de larges coussinets cornés, sont bien adaptées à la marche sur les sols rocailleux ou sablonneux.
Il possède également de longues cils, des narines fermables et des oreilles petites et poilues qui le protègent du sable et du vent. Sa lèvre supérieure est fendue et très mobile, facilitant la consommation de plantes épineuses. Son estomac à trois compartiments et ses adaptations physiologiques à la déshydratation lui permettent de survivre longtemps sans boire, parfois jusqu’à plusieurs jours, même en plein désert. Ces traits morphologiques en font l’un des mammifères les mieux adaptés aux environnements extrêmes.

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Le chameau de Bactriane est largement répandu à travers l'Asie centrale. On le trouve en grandes populations en Mongolie, en Chine, au Kazakhstan, au Kirghizistan, en Ouzbékistan, en Iran, au Pakistan et au Turkménistan. Le chameau de Bactriane est un pilier pour les populations locales, utilisé comme animal de bât sur les routes historiques, pour sa laine, son lait et sa viande. Sa robustesse face au froid, à la sécheresse et à l'altitude en fait un allié indispensable.
L'habitat du chameau de Bactriane est caractérisé par des déserts froids et des steppes arides ou semi-arides. Ces régions, s'étendant de la Turquie à la Chine et à la Mongolie, sont le théâtre de variations de température extrêmes, allant de -40 °C en hiver à plus de 40 °C en été. Sa fourrure épaisse lui offre une isolation parfaite contre ce froid glacial, qu'il mue pendant les chauds mois d'été. Ce camélidé évolue sur des terrains variés : massifs montagneux rocheux, vastes plaines désertiques, dunes de sable imposantes, et même des zones de végétation très clairsemée.

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Le chameau de Bactriane est un herbivore strict, mais très opportuniste dans son régime alimentaire. Il se nourrit principalement de végétation sèche, dure ou épineuse, peu consommée par d'autres herbivores, ce qui lui permet de survivre dans des zones où la végétation est rare. Sa lèvre fendue, très mobile et préhensile, lui permet de brouter des plantes coriaces telles que les armoises, les tamaris, les buissons épineux, les graminées sèches, ainsi que des feuilles d’arbres et d’arbustes. Il peut également consommer des plantes salines, amères, et même toxiques pour d'autres animaux. Cette capacité à tirer profit d’une flore pauvre est un atout fondamental dans les milieux désertiques et semi-désertiques.
Le chameau de Bactriane peut parcourir de longues distances pour trouver de la nourriture, et son estomac compartimenté lui permet de tirer un maximum de nutriments de son alimentation. En période de disette, il est capable de réduire considérablement ses besoins énergétiques et de puiser dans ses réserves adipeuses stockées dans ses bosses. Il peut également supporter des pertes hydriques importantes, jusqu’à 30 % de sa masse corporelle, et reconstituer ses réserves hydriques très rapidement lorsqu’il accède à une source d’eau. Cette alimentation rustique, combinée à une extrême résistance à la sécheresse, rend le chameau de Bactriane unique parmi les grands herbivores domestiqués.

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Le chameau de Bactriane est une espèce polygame dont la reproduction est fortement influencée par les saisons, avec un pic d’activité sexuelle pendant l’hiver, généralement entre décembre et mars. La maturité sexuelle est atteinte vers l’âge de 3 à 5 ans, avec des variations selon le sexe et les conditions d’élevage. Lors de la période de rut, les mâles deviennent agressifs, se battent pour les femelles, bavent abondamment, émettent des sons gutturaux et éversent un sac guttural rose à la bouche.
La femelle, après l’accouplement, porte le foetus pendant une gestation longue d’environ 13 mois. La mise bas a lieu souvent entre février et avril, généralement à l’écart du groupe. Elle donne naissance à un seul petit, pesant environ 30 à 40 kg. Les jumeaux sont rares. Le chamelon est précocement debout et mobile quelques heures après la naissance, et tète pendant 12 à 18 mois, bien qu’il commence à brouter dès quelques semaines. La femelle protège étroitement son petit pendant les premières semaines. Le taux de survie est élevé en captivité mais plus faible dans les zones semi-sauvages. Les chameaux peuvent se reproduire pendant plus de 20 ans et vivent en moyenne 30 à 40 ans. La reproduction est souvent contrôlée en élevage, selon les besoins humains (traction, lait, reproduction sélectionnée). Ce cycle reproductif lent et saisonnier limite toutefois la croissance rapide des populations.

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Le comportement du chameau de Bactriane reflète son adaptation à des environnements rudes et à une vie domestiquée proche de l’homme. C’est un animal calme, endurant, mais également capable de montrer de la ténacité et de la résistance face aux contraintes. En milieu domestique, il vit généralement en petits groupes familiaux ou dans des troupeaux contrôlés par les éleveurs. Il développe une hiérarchie sociale modérée, où les mâles dominants peuvent s’affronter pendant la saison du rut.
Le chameau de Bactriane est réputé pour sa mémoire, sa docilité lorsqu’il est bien traité, mais peut devenir rétif ou têtu s’il est malmené. Il communique à travers des vocalisations graves, des grognements, des postures corporelles et des expressions faciales. Il peut cracher un mélange de salive et de sucs gastriques s’il se sent menacé ou irrité. Il est aussi capable de marcher de longues heures sans s’arrêter, grâce à son pas régulier et à son incroyable résistance à la fatigue. En liberté partielle ou en semi-nomadisme, il montre des comportements de pâturage autonomes et peut s’éloigner sur de grandes distances avant de revenir au camp.
Cet animal est également doté d’une grande capacité d’apprentissage et peut être dressé à porter des charges, tirer des charrettes ou être monté. Il s’adapte aux instructions humaines, mais demande une familiarisation patiente. Ces comportements, issus d’une longue coévolution avec l’homme, font du chameau un pilier des sociétés nomades et caravanières d’Asie centrale.

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À l’état domestique, le chameau de Bactriane est peu exposé à la prédation grâce à la protection humaine, mais les populations semi-libres, notamment en Mongolie et en Chine, peuvent être menacées par plusieurs prédateurs naturels. Ses principaux ennemis sont les grands carnivores asiatiques, en particulier le loup gris (Canis lupus), qui constitue la menace la plus importante pour les jeunes chameaux et les femelles isolées. Les loups chassent en meute et peuvent s’attaquer à des individus affaiblis ou séparés du groupe. En Mongolie, les attaques de loups sur les troupeaux de chameaux sont régulièrement signalées. Le lynx commun (Lynx lynx) et la panthère des neiges (Panthera uncia) peuvent exceptionnellement représenter une menace pour les chamelons dans les zones montagneuses reculées, bien que ces cas restent rares. Les ours bruns (Ursus arctos) peuvent également s’en prendre aux petits si l’occasion se présente, surtout dans les zones boisées ou en lisière des steppes. Les rapaces, tels que les aigles, peuvent parfois capturer des nouveau-nés, mais cela reste marginal.
Dans les régions désertiques, le manque de couverture végétale rend difficile l’embuscade pour les prédateurs, ce qui limite leur efficacité. L’homme reste cependant le principal facteur de mortalité pour le chameau de Bactriane, à travers la chasse historique, la concurrence pour les ressources, et surtout aujourd’hui à cause des croisements, de la dégradation de l’habitat, et du surpâturage. Enfin, les maladies et les blessures liées aux prédateurs domestiques (chiens errants, chiens de troupeaux devenus agressifs) peuvent aussi menacer les jeunes. Malgré cela, les grands chameaux adultes ont peu de prédateurs naturels en raison de leur taille, leur force et leur comportement défensif en groupe.

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Le chameau de Bactriane est l’une des plus anciennes espèces domestiquées par l’homme, avec une histoire de domestication remontant à environ 4 000 à 4 500 ans. Les preuves archéologiques situent les premiers foyers de domestication dans les régions steppiques de l’Asie centrale, notamment en Bactriane (actuels Ouzbékistan, nord de l’Afghanistan et sud du Turkménistan), d’où il tire son nom. Contrairement au chameau sauvage de Tartarie (Camelus ferus), considéré comme une espèce distincte et aujourd’hui gravement menacée, le chameau domestique a été sélectionné pour sa robustesse, sa docilité et sa capacité à transporter de lourdes charges sur de longues distances dans des environnements arides et semi-arides.
Utilisé depuis l’Antiquité comme bête de somme sur les routes caravanières, notamment la célèbre Route de la Soie, le chameau de Bactriane est particulièrement apprécié pour sa résistance au froid extrême, ce qui le distingue du dromadaire (Camelus dromedarius), adapté aux milieux désertiques chauds. La domestication a aussi favorisé des traits tels qu’une morphologie plus massive, une laine dense et une capacité à survivre avec peu d’eau et de nourriture. Bien que les croisements avec le dromadaire soient possibles, le chameau de Bactriane conserve ses caractéristiques spécifiques.
Aujourd’hui, il continue de jouer un rôle économique et culturel central chez de nombreux peuples nomades d’Asie centrale, où il est utilisé pour le transport, la laine, le lait et parfois la viande.

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Le chameau de Bactriane appartient à la famille des Camelidae, dans l’ordre des Artiodactyla. Il est classé dans le genre Camelus, aux côtés du dromadaire (Camelus dromedarius) et du chameau sauvage de Tartarie (Camelus ferus). Le nom Camelus bactrianus a été validement attribué par Carl Linnaeus en 1758 dans la dixième édition de son Systema Naturae. Toutefois, il est aujourd’hui souvent considéré comme une forme domestique distincte de Camelus ferus, espèce sauvage décrite plus tard par Nikolai Przhevalsky en 1878. Ce dernier est génétiquement et morphologiquement différent, avec notamment un génome plus diversifié et des adaptations à des zones plus arides.
Pendant longtemps, Camelus ferus a été vu comme une simple sous-population redevenue sauvage, mais des études génétiques menées au XXIe siècle ont confirmé qu’il s’agit bien d’une espèce à part entière. Ainsi, le chameau domestique Camelus bactrianus est probablement issu d’une population aujourd’hui disparue ou fortement hybridée avec Camelus ferus.
Le genre Camelus a une origine évolutive en Amérique du Nord, d’où ses ancêtres se sont dispersés vers l’Eurasie via le détroit de Béring, il y a plusieurs millions d’années. Le chameau de Bactriane, domestiqué il y a environ 4 000 à 5 000 ans, joue un rôle majeur dans l’histoire humaine. Malgré sa proximité morphologique avec son parent sauvage, il constitue une entité taxonomique distincte, à la fois par sa domestication ancienne et par ses caractéristiques biologiques spécifiques.

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Le chameau de Bactriane, avec ses deux bosses, et le dromadaire, avec une seule bosse, appartiennent tous deux au genre Camelus. Bien qu'ils aient des aires de répartition naturelles distinctes (Asie centrale pour le premier, Afrique du Nord et au Moyen-Orient pour l'autre), ils sont suffisamment proches génétiquement pour s'hybrider. L'hybride de première génération issu du croisement entre un chameau de Bactriane et un dromadaire est communément appelé Turkoman (parfois aussi Bukhter ou Nar pour les mâles et Maya ou Iner-Maya pour les femelles selon les régions).
Le Turkoman présente généralement une seule bosse, mais elle est large et souvent légèrement subdivisée ou lobée, témoignant de l'héritage des deux parents. C'est une bosse de grande taille et bien formée. Il est réputé pour être plus grand et plus robuste que ses deux parents. Il combine la résistance au froid du chameau de Bactriane avec l'endurance et la qualité laitière du dromadaire. Cette vigueur hybride, appelée hétérosis, le rend très prisé comme animal de travail dans les régions où les deux espèces coexistent, notamment en Asie centrale. Il est apprécié pour sa capacité à transporter des charges lourdes sur de longues distances, ainsi que pour sa production de lait et de laine, souvent supérieure à celle de ses parents.
Les femelles Turkoman (Nar-Maya) sont généralement fertiles et peuvent se reproduire avec un chameau de Bactriane ou un dromadaire pour donner des générations suivantes d'hybrides (comme les Kospaks ou les Kurts). La fertilité des mâles Turkoman est un sujet plus complexe et parfois discuté. Ils sont souvent réputés pour être stériles ou peu fertiles, bien que certaines sources suggèrent que cette réputation pourrait être exagérée ou dépendre des lignées. Cependant, leur fertilité est généralement inférieure à celle des espèces parentales.
L'hybridation entre chameaux et dromadaires est une pratique ancienne en Asie centrale, motivée par le désir de combiner les meilleures qualités des deux espèces pour créer des animaux de travail supérieurs.

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Nom commun | Chameau de Bactriane |
English name | Bactrian camel |
Español nombre | Camello bactriano |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Sous-embranchement | Vertebrata |
Classe | Mammalia |
Sous-classe | Theria |
Infra-classe | Eutheria |
Ordre | Artiodactyla |
Sous-ordre | Tylopoda |
Famille | Camelidae |
Genre | Camelus |
Nom binominal | Camelus bactrianus |
Décrit par | Carl von Linné (Linnaeus) |
Date | 1758 |
* Liens internes
Système d'information taxonomique intégré (ITIS)
* Liens externes
* Bibliographie
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