Le cobaye nain austral (Microcavia australis) est un petit rongeur de la famille des Caviidae, endémique des régions arides et semi-arides du sud de l'Amérique du Sud. Bien que méconnu du grand public, ce rongeur joue un rôle écologique clé dans son habitat, notamment en tant que maillon de la chaîne alimentaire. Sa capacité à s'adapter à des environnements hostiles, caractérisés par de faibles précipitations et des températures extrêmes, témoigne de sa résilience et de son ingéniosité comportementale.
Le cobaye nain austral possède une morphologie typique des rongeurs adaptés à la vie terrestre, avec un corps compact et des pattes courtes. Sa taille adulte varie généralement de 20 à 25 centimètres, pour un poids qui oscille entre 200 et 350 grammes. La fourrure, courte et dense, présente une coloration qui va du brun-gris au gris-jaunâtre sur le dos, se fondant harmonieusement avec les sols arides de son habitat. Le ventre, quant à lui, est plus clair, souvent de couleur crème ou blanche.
Les oreilles sont petites et arrondies, tandis que les yeux sont relativement grands par rapport à la taille de sa tête, ce qui lui confère une excellente vision périphérique pour détecter les prédateurs. Il se caractérise également par l'absence d'une queue visible, une particularité commune chez de nombreux membres de la famille des Caviidae. Ses membres antérieurs sont munis de quatre doigts et ses membres postérieurs de trois, tous pourvus de griffes courtes et robustes, utiles pour creuser des terriers peu profonds ou pour trouver de la nourriture.
Sa denture est typique des herbivores, avec des incisives qui poussent continuellement et des molaires adaptées au broyage des végétaux fibreux. Cette configuration dentaire est essentielle à son régime alimentaire et à sa survie dans des environnements où la végétation est souvent coriace et peu nutritive. La compacité de son corps et ses petites pattes le rendent agile dans les espaces rocheux et les buissons denses.
Le cobayes nain austral est principalement présent en Argentine, mais on le trouve également dans certaines régions voisines du Chili et de la Bolivie. On le trouve dans la quasi-totalité de l'ouest et du sud de l'Argentine, où il habite les plaines arides et semi-arides, souvent à proximité des rivières ou dans des zones dominées par des buissons épineux. Trois sous-espèces sont actuellement reconnues :
Microcavia australis australis - du centre-ouest au sud de l'Argentine, de San Juan à Santa Cruz , et certaines parties du sud-est du Chili.
Microcavia australis maenas - nord-ouest de l'Argentine, de Jujuy à La Rioja , et extrême sud de la Bolivie.
Microcavia australis salinie - ouest de l'Argentine, de Catamarca et Santiago del Estero jusqu'à Cordoue.
Le régime alimentaire du cobaye nain austral est exclusivement herbivore, ce qui est une adaptation cruciale à son environnement aride. Il consomme une grande variété de végétaux disponibles dans son habitat, notamment des herbes, des feuilles, des tiges, des graines et, occasionnellement, des racines. Son comportement alimentaire est fortement influencé par les conditions environnementales et la disponibilité des ressources. Pendant les périodes de sécheresse, il peut se contenter de plantes sèches et de matières végétales plus coriaces, ce qui témoigne de la robustesse de son système digestif.
De manière intéressante, il a été observé qu'il peut également consommer les fèces d'autres animaux, un comportement appelé coprophagie, afin d'extraire des nutriments supplémentaires et des micro-organismes essentiels à sa digestion. Cet animal a également besoin d'un accès régulier à l'eau, mais il est capable d'obtenir une grande partie de ses besoins hydriques directement à partir des plantes succulentes qu'il ingère. Ce trait est vital pour sa survie dans des régions où les sources d'eau libre sont rares ou inexistantes.
La reproduction chez le cobaye nain austral est bien adapté à la survie dans des conditions environnementales souvent difficiles. La période de reproduction s'étend principalement de septembre à avril, coïncidant avec la saison des pluies et la croissance de la végétation, ce qui assure une plus grande disponibilité de nourriture pour les femelles gestantes et les jeunes. Les femelles atteignent la maturité sexuelle très tôt, parfois dès l'âge de 2 à 3 mois.
La gestation est relativement longue pour un rongeur de cette taille, durant entre 50 et 55 jours. Les portées sont généralement petites, comprenant de 1 à 5 petits, mais le nombre le plus fréquent est de 2 ou 3. Un aspect remarquable de leur reproduction est que les petits naissent déjà très développés. À la naissance, les cobayes nains sont déjà couverts de poils, leurs yeux sont ouverts et ils sont capables de se déplacer et de consommer de la nourriture solide quelques jours seulement après leur venue au monde. Cette précocité est un avantage évolutif majeur, car elle permet aux jeunes de devenir rapidement autonomes et de réduire leur période de vulnérabilité face aux prédateurs. Les mères peuvent avoir plusieurs portées par an, ce qui contribue à la croissance démographique de l'espèce dans des environnements où les taux de mortalité peuvent être élevés. Le soin parental est principalement assuré par la mère, bien que les mâles puissent parfois rester à proximité et contribuer à la protection du groupe.
Cobaye nain austral femelle et son petit Crédit photo: Hugo Hulsberg - iNaturalist CC0 (Domaine public)
COMPORTEMENT
Le comportement social du cobaye nain austral est une de ses caractéristiques les plus intrigantes. Contrairement à de nombreux rongeurs solitaires, cette espèce est grégaire et vit en colonies. Ces groupes peuvent varier en taille, allant de quelques individus à plusieurs dizaines, souvent organisés autour de terriers complexes qu'ils ne creusent pas eux-mêmes, mais utilisent plutôt ceux abandonnés par d'autres animaux.
Le cobaye nain austral se distingue par son comportement diurne, ce qui signifie qu'ils sont actifs pendant la journée, ce qui les rend plus visibles mais leur permet également de profiter des températures plus clémentes. Ce mode de vie est une adaptation à leur environnement, car les nuits dans les déserts et les steppes peuvent être extrêmement froides. Au sein de la colonie, ils communiquent à l'aide d'une variété de vocalisations, incluant des sifflements d'alarme pour signaler un danger imminent, des couinements pour interagir avec les membres du groupe, et des grognements pour exprimer l'agitation ou la dominance. Ils sont également connus pour leurs bains de poussière, un comportement qui consiste à se rouler dans la terre pour nettoyer leur fourrure et éliminer les parasites. Ce rituel est essentiel pour leur hygiène.
Bien que sociaux, les cobayes nains austral peuvent également faire preuve de territorialité, en particulier les mâles, qui peuvent s'affronter pour le contrôle des ressources ou des partenaires. Leur comportement de fuite face aux menaces est rapide, et ils se réfugient instantanément dans les abris les plus proches, ce qui souligne l'importance de leurs refuges.
Les prédateurs naturels du cobaye nain austral sont nombreux et variés, reflétant son rôle de proie dans son écosystème. Sa petite taille et son comportement diurne le rendent particulièrement vulnérable à une gamme d'animaux, tant terrestres qu'aériens.
Parmi les mammifères terrestres, le renard gris d'Argentine (Lycalopex griseus) est l'un de ses principaux chasseurs. Le chat des pampas (Leopardus colocolo) et d'autres petits félins sauvages contribuent également à la prédation. Des mustélidés, tels que la belette de Patagonie (Lyncodon patagonicus) ou le petit grison (Galictis cuja), et des reptiles comme certains serpents, peuvent aussi s'attaquer à cette espèce, en particulier aux jeunes et aux individus les plus faibles.
Cependant, les menaces les plus importantes pour le cobaye nain austral proviennent souvent des rapaces. Des oiseaux de proie comme le busard bariolé (Circus cinereus) et le caracara huppé (Caracara plancus) survolent leurs habitats et peuvent plonger pour les capturer. Les hiboux, tels que le grand-duc de Virginie (Bubo virginianus), peuvent aussi s'en prendre à eux, bien que leur activité nocturne les rende moins fréquents en journée.
Face à ces nombreuses menaces, le cobaye nain austral a développé plusieurs stratégies de défense. Son comportement grégaire permet une meilleure vigilance collective, où plusieurs paires d'yeux peuvent scruter l'horizon à la recherche de dangers. En cas d'alerte, un sifflement strident est émis pour prévenir le reste de la colonie, entraînant une fuite rapide vers les terriers ou d'autres abris. Leur pelage de couleur terreuse constitue un excellent camouflage qui les aide à se fondre dans le paysage aride et à échapper à la détection visuelle.
Dans toute son aire de répartition, il n'y a pas de menaces majeures pesant sur le cobaye nain austral. On note néanmoins plusieurs extinctions locales en raison d'une plus grande prédation émanant du petit grison, un mustélidé natif d'Argentine.
Le cobaye nain austral n'est actuellement pas considéré comme une espèce menacée. Il est inscrit dans la catégorie Préoccupation mineure (LC) sur la Liste rouge de l'IUCN. Ce statut se justifie par la présence de l'espèce dans plusieurs aires protégées.
Cobaye nain austral femelle et son petit Auteur: Alcide Dessalines d'Orbigny CC0 (Domaine public)
TAXONOMIE
L'histoire taxonomique du cobaye nain austral remonte à 1833, année où il a été décrit pour la première fois par les naturalistes français Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et Alcide Dessalines d'Orbigny. Ils l'ont initialement classé sous le nom de Cavia australis, en référence à sa ressemblance avec le cochon d'Inde et à sa distribution en Amérique du Sud. Plus tard, le genre Microcavia a été établi pour regrouper cette espèce et d'autres similaires, en raison de différences morphologiques et comportementales. La classification a été affinée au fil du temps, notamment grâce à l'étude de la morphologie crânienne et à l'analyse des variations géographiques. Ainsi, trois sous-espèces sont actuellement reconnues :
- Microcavia australis australis - présent dans le centre-ouest et le sud de l'Argentine, de San Juan à Santa Cruz, et dans certaines régions du Chili.
- Microcavia australis maenas - localisé dans le nord-ouest de l'Argentine, de Jujuy à La Rioja, et dans le sud de la Bolivie.
- Microcavia australis salinia - trouvé dans l'ouest de l'Argentine, de Catamarca et Santiago del Estero à Córdoba.
Ces distinctions ont été établies sur la base de différences morphologiques, notamment la taille et la forme du crâne, ainsi que des variations génétiques. Des études récentes ont également suggéré que certaines populations pourraient représenter de nouvelles espèces ou sous-espèces, mais ces hypothèses nécessitent des recherches supplémentaires pour être confirmées. L'histoire taxonomique de Microcavia australis illustre l'évolution de notre compréhension de cette espèce et de sa diversité biologique.
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