Le genre Nilgiritragus est un genre monotypique de bovidés endémique des Ghâts occidentaux en Inde du Sud. Il comprend une seule espèce vivante, le tahr des Nilgiri (Nilgiritragus hylocrius). Longtemps classé parmi les Hemitragus, il a été reconnu comme taxon distinct à la suite d’analyses génétiques récentes. La singularité de son patrimoine génétique, son isolement géographique et ses caractéristiques morphologiques propres en font un objet d’étude prioritaire pour la conservation et la biologie évolutive.
Le tahr des Nilgiri est un caprin de taille moyenne au pelage brun foncé, avec une crinière marquée chez le mâle. Il habite les prairies subalpines et les forêts montagnardes entre 1 200 et 2 600 mètres d’altitude, principalement dans les États indiens du Kerala et du Tamil Nadu. Ce bovidégrégaire vit en troupeaux et présente un dimorphisme sexuel prononcé, les mâles étant nettement plus grands et plus foncés. Son régime alimentaire est principalement composé d’herbes, de graminées et de plantes à feuilles. Il est aujourd’hui classé comme espèce "En danger" par l'IUCN, en raison de la fragmentation de son habitat, du braconnage historique et de la pression exercée par les activités humaines.
TAXONOMIE
Le genre Nilgiritragus a été établi relativement récemment dans l'histoire de la taxonomie des bovidés. Pendant plus d’un siècle, l’unique espèce qu’il contient, aujourd’hui connue sous le nom de Nilgiritragus hylocrius, fut classée dans le genre Hemitragus, aux côtés du jharal et du tahr d’Arabie. Cette classification reposait sur une appréciation morphologique globale, les trois taxons présentant un gabarit similaire, des cornes en forme de croissant, et une adaptation commune à des environnements montagneux. Le genre Hemitragus fut donc historiquement perçu comme un groupe cohérent de caprins montagnards.
Ce consensus a commencé à être remis en question à la fin du XXe siècle, avec l’avènement de la phylogénétique moléculaire. À partir des années 2000, des analyses génétiques ont révélé que le genre Hemitragus, tel qu’il était alors défini, était paraphylétique, c’est-à-dire qu’il ne représentait pas un groupe naturel descendant d’un ancêtre commun exclusif. En particulier, les travaux de Ropiquet et Hassanin (2005) ont montré que le tahr des Nilgiri ne formait pas un clade avec les deux autres espèces, mais qu’il appartenait à une lignée évolutive totalement distincte, plus proche des Capra et même des Ovis que des véritables Hemitragus.
Sur la base de ces résultats moléculaires robustes, appuyés par des divergences notables dans l’ADN mitochondrial et nucléaire, les chercheurs ont proposé de réviser la structure générique du groupe. Le tahr des Nilgiri a alors été déplacé dans un nouveau genre monotypique, Nilgiritragus, formellement établi par Ropiquet et Hassanin en 2005. Le nom du genre dérive logiquement de sa localisation (Nilgiris) et de l’élément grec tragos (τράγος), signifiant bouc ou chèvre.
Cette révision n’est pas seulement nomenclaturale mais reflète une réalité évolutive importante : Nilgiritragus représente une lignée caprine unique, isolée dans les Ghâts occidentaux depuis probablement le Pléistocène, ce qui en fait un élément crucial pour la compréhension de la diversification des bovidés asiatiques.
Ropiquet, A., & Hassanin, A. (2005). Molecular phylogeny of the caprines (Bovidae, Antilopinae): The question of their origin and diversification. Molecular Phylogenetics and Evolution, 35(2), 277–297.
Ogilby, W. (1838). Proceedings of the Zoological Society of London, 6: 60–61.
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