Le genre Hemitragus regroupe des caprinés asiatiques adaptés aux environnements montagneux. Longtemps considéré comme comprenant plusieurs espèces, il ne compte aujourd’hui, selon les consensus taxonomiques modernes, qu’une seule espèce vivante : le jharal (Hemitragus jemlahicus) ou Tahr de l'Himalaya. Ce genre appartient à la sous-famille des Caprinae (famille des Bovidae), qui inclut également les chèvres, les mouflons et les bouquetins. Reconnaissable par son corps massif, ses cornes courbées et son pelage épais, Hemitragus incarne une adaptation remarquable aux milieux alpins rigoureux. Les études génétiques et morphologiques récentes ont conduit à des révisions profondes de son contenu spécifique. Cette révision a fait passer le genre d’un groupe supposé comprenant trois espèces à un genre monotypique, les autres espèces ayant été transférées dans des genres distincts, notamment Nilgiritragus et Arabitragus. Cette évolution reflète les progrès des méthodes phylogénétiques dans la classification des mammifères.
*Tahr des Nilgiri - Hemitragus hylocrius (Ogilby, 1838) aujourd’hui reclassé comme Nilgiritragus hylocrius
La révision taxonomique repose sur des études génétiques, notamment l’analyse de l’ADN mitochondrial, qui ont montré que ces espèces ne formaient pas un clade monophylétique au sein de Hemitragus. Ainsi, seule l’espèce Hemitragus jemlahicus, endémique de l’Himalaya, est maintenue dans ce genre. Elle habite les hautes altitudes du Népal, du Bhoutan et du nord de l’Inde, dans des environnements rocheux et escarpés.
TAXONOMIE
L'histoire taxonomique du genre Hemitragus est un excellent exemple de la façon dont la classification scientifique évolue avec l'avancement des connaissances, notamment grâce à la phylogénie moléculaire. Initialement, le genre Hemitragus fut décrit en 1841 par le naturaliste britannique Brian Houghton Hodgson. Il regroupait alors trois espèces distinctes. Pendant une longue période, ces trois espèces furent considérées comme de proches parentes au sein du même genre.
Cependant, les recherches en phylogénie moléculaire ont révolutionné cette vision. Des études approfondies, notamment celles menées par Ropiquet et Hassanin en 2005, ont démontré que le genre Hemitragus, tel qu'il était alors défini, était polyphylétique. Cela signifiait que les espèces regroupées sous ce nom ne descendaient pas d'un ancêtre commun exclusif à ce genre, mais provenaient plutôt de lignées évolutives distinctes. Cette découverte a conduit à une révision majeure de la classification.
En conséquence, le genre Hemitragus a été "éclaté" pour mieux refléter les véritables relations évolutives entre ces caprins. Le jharal est resté la seule espèce du genre, qui est donc devenu monospécifique. Le tahr des Nilgiri a été reclassé dans son propre genre, Nilgiritragus, sous le nom de Nilgiritragus hylocrius. De même, le tahr d'Arabie a été placé dans un nouveau genre qui lui est propre, Arabitragus, devenant ainsi Arabitragus jayakari.
En plus de ces espèces vivantes, le genre Hemitragus inclut également des espèces fossiles, comme Hemitragus cedrensis Crégut-Bonnoure 1989. La découverte de fossiles apparentés en Europe, notamment dans la péninsule Ibérique, est cruciale pour comprendre l'évolution et la dispersion des caprins sur ce continent durant le Pléistocène. En somme, l'histoire taxonomique du genre Hemitragus illustre parfaitement la dynamique de la science, où les classifications sont constamment affinées et révisées à la lumière de nouvelles données, en particulier génétiques.
Ropiquet, A., & Hassanin, A. (2005). Molecular evidence for the polyphyly of the genus Hemitragus (Mammalia, Bovidae). Molecular Phylogenetics and Evolution, 36(1),1 154-168.
Hodgson, B. H. (1841). Classified Catalogue of Mammals of Nepal, arranged according to the Natural and not the Artificial System of Cuvier. Journal of the Asiatic Society of Bengal, 10, 907-915.
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