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Chèvre sauvage (Capra aegagrus)


La chèvre sauvage (Capra aegagrus) est un mammifère ongulé appartenant à la famille des bovidés. Elle est considérée comme l'ancêtre de la chèvre domestique (Capra hircus). Animal emblématique des montagnes d’Asie centrale, du Moyen-Orient et d’Europe orientale, la chèvre sauvage évolue dans des environnements rocheux extrêmes grâce à son agilité légendaire.


Chèvre sauvage (Capra aegagrus)
Chèvre sauvage (Capra aegagrus)
© William Crochot - Wikimedia Commons
CC-BY-SA (Certains droits réservés)



DESCRIPTION

La chèvre sauvage mesure environ 1,2 à 1,5 mètre de long, avec une hauteur au garrot oscillant entre 70 et 100 cm. Le poids varie selon le sexe : les mâles pèsent généralement entre 60 et 100 kg, tandis que les femelles sont plus petites, pesant entre 25 et 55 kg.

Le pelage de la chèvre sauvage est dense et souvent de couleur brun-gris, bien qu'il puisse présenter des variations selon les saisons et les régions. En hiver, le pelage devient plus épais et sombre pour fournir une meilleure isolation contre le froid. Les mâles arborent une longue crinière sur le cou et le dos, accentuant leur apparence robuste.

Les cornes, présentes chez les deux sexes, sont l’un des traits les plus distinctifs. Chez les mâles, elles sont particulièrement impressionnantes : incurvées vers l’arrière en forme de sabre, elles peuvent atteindre 1,3 mètre de long. Les femelles possèdent des cornes plus petites et plus fines. Les cornes jouent un rôle clé dans les combats entre mâles pour l’accès aux femelles.

La chèvre sauvage est dotée de sabots fendus et souples, parfaits pour grimper sur des surfaces rocheuses. Ces sabots assurent une excellente adhérence, permettant à l’animal de se déplacer avec agilité dans des environnements escarpés où peu de prédateurs peuvent les suivre.


Capra aegagrus
Capra aegagrus
© Manimalworld
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)

HABITAT

La chèvre sauvage occupe une aire de répartition fragmentée, principalement dans des régions montagneuses et rocheuses. Elle est présente depuis le centre de l’Afghanistan et le sud du Pakistan, à travers l’Iran, le Turkménistan, le nord de l’Irak, le Caucase et le sud-ouest de la Turquie. Autrefois commune en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Israël, elle y est désormais éteinte.

En Afghanistan, elle subsiste dans les montagnes centrales, bien que les observations récentes se limitent à des crânes et cornes retrouvés dans la province d’Herat. Au Caucase, sa répartition se divise entre le Grand Caucase (pentes boisées en Géorgie, Tchétchénie, et Daghestan) et le Petit Caucase (montagnes en Arménie et Azerbaïdjan). En Iran, elle est largement répandue dans les montagnes et falaises côtières. En Irak, elle occupe des zones boisées des monts Zagros, notamment à Sulaymanyah, Erbil et Ninive.

Au Pakistan, la chèvre sauvage se limite au plateau du Baloutchistan et à des chaînes montagneuses comme Koh-i-Maran et Kirthar. Une sous-espèce, la chèvre sauvage du Pakistan (Capra aegagrus chialtanensis), ne survit que dans le parc national de Hazarganji-Chiltan, en raison de la chasse excessive. En Turquie, elle est largement présente, notamment dans les montagnes du Taurus et de l’Anti-Taurus.

Au Turkménistan, elle est localisée dans les montagnes du Kopet Dagh et du Grand Balkhan. Certaines populations isolées pourraient subsister, mais leur statut est incertain. En revanche, elle est éteinte au Liban, en Syrie et dans d'autres zones où elle prospérait autrefois.

La chèvre sauvage habite les zones montagneuses, où se trouvent un mélange d'affleurements rocheux (y compris des pentes d'éboulis) et de végétation (fourrés d'arbustes (maquis) ou forêts de conifères). C'est une espèce forestière mixte dans le Caucase, en particulier dans le Grand Caucase, bien qu'elle habite généralement des habitats relativement arides dans la majeure partie de son aire de répartition et puisse dépendre des sources d'eau de ces régions. Le choix de la topographie, de la pente et de l'exposition des pentes dépend de la saison, des menaces et des particularités du climat et de la végétation, mais toutes les sources soulignent l'importance principale de la robustesse et de la pente des pentes à toutes les altitudes.


Capra aegagrus habitat
     Répartition de la chèvre sauvage
© Manimalworld
CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)

BIOLOGIE

La chèvre sauvage est une espèce herbivore et opportuniste, capable de survivre dans des environnements où les ressources alimentaires sont limitées. Son régime alimentaire est principalement composé de graminées, d’herbes, de feuilles, de jeunes pousses, d’écorces, et de buissons. En fonction des saisons et de la disponibilité des ressources, elle peut aussi consommer des lichens, des fruits, et des graines. En période de pénurie alimentaire, notamment en hiver, la chèvre sauvage montre une grande capacité d’adaptation. Elle peut grimper aux arbres ou atteindre des buissons inaccessibles pour d’autres herbivores. Cette capacité lui permet de maximiser l’exploitation de son habitat. Elle peut se passer d’eau pendant de longues périodes, tirant l’humidité nécessaire de sa nourriture. Cependant, elle s’abreuve abondamment lorsqu’une source d’eau est disponible, notamment en été.

Le cycle de reproduction de la chèvre sauvage est étroitement lié aux conditions environnementales et à la disponibilité des ressources. La période de rut se situe généralement entre novembre et janvier. Les mâles deviennent alors particulièrement agressifs et compétitifs, engageant des combats à l’aide de leurs cornes pour déterminer leur dominance. Les mâles utilisent des signaux olfactifs et visuels pour attirer les femelles. Ils frottent leurs glandes odorantes contre des rochers ou des arbres et émettent des vocalisations gutturales. Une fois qu’une femelle est réceptive, l’accouplement a lieu. La gestation dure environ 150 à 170 jours. Les femelles mettent bas au printemps, période où les ressources alimentaires sont plus abondantes, augmentant ainsi les chances de survie des petits. Une portée comprend généralement un ou deux chevreaux, bien que des triplés soient rares. Les chevreaux sont précoces et capables de suivre leur mère quelques heures après la naissance. Les femelles leur fournissent des soins attentifs pendant les premières semaines, les allaitant et les protégeant des prédateurs.

La chèvre sauvage est un animal grégaire, vivant généralement en groupes, bien que les mâles adultes puissent être solitaires en dehors de la saison de reproduction. Les groupes sont généralement composés de femelles adultes, de jeunes et de chevreaux. Les mâles vivent séparés, formant des groupes plus petits ou restant isolés jusqu’au rut. Les chèvres sauvages communiquent principalement par des vocalisations, des postures corporelles et des signaux olfactifs. Les bêlements servent à alerter, à rassurer les petits, ou à exprimer une menace. Bien qu’elles ne soient pas strictement territoriales, les chèvres sauvages marquent leur présence à l’aide de glandes odorantes situées sous leurs yeux. Leur territoire peut couvrir plusieurs kilomètres carrés, variant en fonction de la disponibilité des ressources. L’activité des chèvres sauvages est diurne. Elles passent une grande partie de la journée à se nourrir et à se déplacer pour trouver de nouveaux pâturages. Elles se reposent souvent sur des corniches rocheuses, à l’abri des prédateurs. Lorsqu’elles se sentent menacées, elles utilisent plusieurs stratégies, comme fuir vers des zones inaccessibles ou se regrouper pour dissuader les ennemis. Les mâles peuvent devenir agressifs et charger pour protéger le groupe.


Chèvre sauvage Samaria
Chèvre sauvage de Samaria en Crète
Source: Samaria National Park

PRÉDATION

Malgré leur agilité et leur adaptation à des environnements hostiles, les chèvres sauvages doivent faire face à divers prédateurs naturels dont les principaux sont :

* Félins : Le léopard et le lynx sont parmi les plus dangereux prédateurs pour les chèvres sauvages.

* Loups : Les loups, lorsqu’ils chassent en meute, peuvent constituer une menace significative.

* Aigles : L'aigle royal cible parfois les chevreaux.

La chèvre sauvage dépend de son agilité pour échapper à ses ennemis. En cas d’attaque, elle grimpe rapidement sur des corniches abruptes où les prédateurs ne peuvent pas la suivre. La vigilance constante du groupe est aussi un atout : lorsqu’un individu détecte une menace, il alerte les autres par des cris ou des postures spécifiques.


Chèvre sauvage Pakistan
Chèvre sauvage du Pakistan

MENACES

Les principales menaces qui pèsent sur cette espèce sont le braconnage, la concurrence pour la nourriture avec le bétail domestique, ainsi que les perturbations et la perte d'habitat dues à l'exploitation forestière et au défrichement.

En Afghanistan, la chasse excessive et la colonisation de leur habitat par le bétail ont entraîné une diminution des effectifs avant 1979, de petites bandes de chèvres sauvages étant contraintes de se réfugier dans les parties les plus inaccessibles des chaînes de montagnes. Actuellement, la chasse est interdite par la loi, mais le braconnage continue probablement de constituer une menace.

Dans le Caucase, les principales menaces dans le Grand Caucase sont le braconnage et l'exploitation forestière, car les animaux sont principalement confinés dans les zones forestières. Dans le Petit Caucase, il existe également une concurrence avec le bétail, mais le braconnage est la pire. L'état de guerre entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie a un impact négatif sur les principales populations locales de chèvres sauvages.

En Iran, le braconnage, la concurrence pour la nourriture avec le bétail domestique, ainsi que les perturbations et la perte d'habitat dues à l'exploitation forestière et au défrichement sont des menaces majeures.

En Irak, le braconnage et la dégradation de l'habitat ainsi que l'hybridation intentionnelle avec des chèvres domestiques dans certaines zones sont les principales menaces.

Au Liban, l'extinction de la chèvre sauvage au Liban a été causée par la destruction de l'habitat à grande échelle et le non-respect des réglementations sur la chasse.

Au Pakistan, l'espèce n'est abondante que localement et n'est protégée avec succès que dans quelques zones (par exemple, dans la province du Sind). La plupart des animaux se trouvent en populations dispersées sur des chaînes de montagnes isolées les unes des autres par des plaines. Par conséquent, ils sont en danger, notamment parce que les populations locales et les tribus nomades font paître leur bétail domestique sur la plupart des chaînes de montagnes utilisées par les chèvres sauvages, et parce que la chasse est encore très répandue.

En Syrie, l'extinction de cette espèce en Syrie a probablement été causée par la destruction de son habitat et la chasse.

En Turquie, le braconnage constitue la principale menace, car il dépasse de 10 fois la chasse légale, soit environ 500 animaux par an, mais même une telle perte est insignifiante, compte tenu du nombre total en Turquie (moins de 0,1 % des individus matures).


Chèvre sauvage illustration
Illustration d'une chèvre sauvage
Source: Solène Ledantec

CONSERVATION

En considérant que la chèvre domestique soit une espèce à part, le statut de la chèvre sauvage laisse plutôt perplexe. En effet, la forme domestiquée est présente sur tout le globe alors que la forme sauvage se rapproche tout doucement de l'extinction. La Liste rouge de l'IUCN répertorie d'ailleurs l'espèce dans la catégorie "Quasi menacé" (NT).

En Afghanistan, après des études interrompues par la guerre civile, la chasse est interdite depuis 2006, et des relevés récents visent à évaluer leur statut et élaborer des stratégies de conservation. Dans l'ancienne Union soviétique, bien que l'espèce soit légalement protégée et inscrite sur les Livres rouges de Russie, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan, elle demeure vulnérable en raison du braconnage et de l'absence de réserves naturelles strictes en Russie et au Daghestan. En Géorgie, elle est en danger critique et protégée dans les zones de Touchétie, tandis qu’en Arménie et en Azerbaïdjan, des populations importantes se trouvent dans plusieurs parcs nationaux et sanctuaires. Cependant, le braconnage persiste, nécessitant une meilleure application des lois et une sensibilisation des populations locales.

En Turkménistan, bien que la sous-espèce C. a. blythi (chèvre sauvage du Sind soit protégée, elle n'habite qu'une seule réserve naturelle, et la création de nouvelles zones protégées est cruciale. En Iran, la chèvre sauvage est présente dans plus de 120 zones protégées, mais la chasse réglementée reste un défi. En Irak, la législation est mal appliquée, tandis qu'au Liban et en Syrie, des projets de réintroduction sont à l'étude. Au Pakistan, malgré de vastes territoires protégés, les chèvres sauvages subissent la concurrence du bétail pour les ressources. Enfin, en Turquie, des mesures plus strictes sont nécessaires pour réduire le braconnage.

Globalement, des efforts accrus sont indispensables pour protéger les habitats, contrôler le braconnage, sensibiliser les populations locales et renforcer les politiques de conservation dans toute l'aire de répartition de l'espèce.


Capra aegagrus
Capra aegagrus
Source: Solène Ledantec

TAXONOMIE

La chèvre domestique et la chèvre sauvage sont traitées ici comme des espèces distinctes (d'après Shackleton 1997, entre autres), nommées respectivement Capra hircus et Capra aegagrus. Ces taxons sont parfois considérés comme conspécifiques, auquel cas le nom Capra aegagrus a généralement été utilisé pour désigner l'espèce sauvage et sa forme domestique, bien que certains auteurs utilisent le nom Capra hircus pour désigner à la fois l'espèce sauvage et ses descendants domestiques.

Les chèvres sauvages et les moutons sauvages que l'on trouve sur les îles méditerranéennes sont généralement reconnus comme ayant été introduits par l'homme (Shackleton 1997, Wilson et Reeder 2005), et des études génétiques et archéozoologiques suggèrent qu'il s'agit de populations sauvages d'anciens stocks domestiques. Par conséquent, ces taxons devraient être inclus dans les espèces domestiques respectives et non comme des sous-espèces des taxons sauvages. C'est notamment le cas pour la chèvre de l'île de Gioura et la chèvre sauvage de Grèce autrefois considérées comme des sous-espèces de chèvres sauvages.

Aujourd'hui, seules quatre sous-espèces sont officiellement reconnues :

- Chèvre égagre - Capra aegagrus aegagrus

- Chèvre sauvage du Pakistan - Capra aegagrus chialtanensis

- Chèvre sauvage du Sind - Capra aegagrus blythi

- Kri-kri - Capra aegagrus creticus


Wild goat
En anglais, la chèvre sauvage est appelée Wild goat
© Hanay - Wikimedia Commons
CC-BY-SA (Certains droits réservés)

CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communChèvre sauvage
English nameWild goat
Español nombreCabra salvaje
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreArtiodactyla
Sous-ordreRuminantia
FamilleBovidae
Sous-familleCaprinae
GenreCapra
Nom binominalCapra aegagrus
Décrit parCarl von Linné (Linnaeus)
Johann Christian Erxleben
Date1758
1777



Satut IUCN

Quasi menacé (NT)

SOURCES

Animal Diversity Web

Liste rouge IUCN des espèces menacées

Samaria National Park

Solène Ledantec

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

Wikimedia Commons

Wilson, D. E., & Mittermeier, R. A. (2011). Handbook of the Mammals of the World: Hoofed Mammals. Lynx Edicions.

Grubb, P. (2005). Artiodactyla. In Wilson, D. E., & Reeder, D. M. (Eds.), Mammal Species of the World (3rd ed.). Johns Hopkins University Press.

Reading, R. P., et al. (1997). "Conservation Status of Wild Goats in Central Asia." Biodiversity and Conservation, 6(3), 321–328.

Shackleton, D. M. (1997). Wild Sheep and Goats and Their Relatives: Status Survey and Conservation Action Plan for Caprinae. IUCN.

Walker, E. P. (1999). Mammals of the World (6th ed.). Johns Hopkins University Press.

Nowak, R. M. (1999). Walker's Mammals of the World.