Onagre de Perse (Equus hemionus onager)
L'onagre de Perse (Equus hemionus onager) est une sous-espèce rare et emblématique de l'hémione, principalement associée aux terres arides d’Iran. Incarnation d’une adaptation extrême aux biotopes désertiques, il représente une lignée équine capable de survivre dans des zones où l’eau et la végétation sont rares. Ce mammifère discret, agile et méfiant a longtemps été associé aux paysages de plaines salines, de steppes sèches et de déserts pierreux. Victime de la fragmentation de son habitat, de la chasse et de la compétition avec le bétail domestique, l’onagre de Perse est aujourd’hui l’un des équidés sauvages les plus menacés au monde. Son étude est cruciale non seulement pour comprendre l’évolution des équidés en milieux extrêmes, mais aussi pour définir des stratégies modernes de conservation adaptées aux écosystèmes désertiques. L'onagre de Perse est également appelé âne sauvage d'Iran.
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CC-BY-NC (Certains droits réservés)Cet équidé présente une silhouette intermédiaire entre celle du cheval et de l'âne, affichant une élégance rustique parfaitement adaptée à son milieu. La robe de l'onagre de Perse varie selon les saisons, arborant une teinte ocre pâle ou rougeâtre en été pour mieux réfléchir le soleil, qui s'épaissit et vire au gris-brun durant les mois d'hiver pour offrir une isolation thermique adéquate. Une caractéristique distinctive de cette sous-espèce réside dans sa ligne dorsale brun foncé, très marquée, qui court de la crinière jusqu'à la queue, contrastant nettement avec les flancs et le ventre d'un blanc crémeux.
La tête est massive mais proportionnée, surmontée d'oreilles plus longues que celles d'un cheval, mais plus courtes que celles d'un âne domestique, ce qui lui confère une ouïe fine indispensable à la détection des dangers. Ses membres sont fins mais extrêmement musclés, terminés par des sabots durs et compacts, conçus pour traverser les terrains rocailleux et les sols salins sans s'abîmer. Contrairement aux chevaux, sa crinière est courte, dressée et dépourvue de toupet sur le front. Le dimorphisme sexuel est peu prononcé, bien que les mâles tendent à être légèrement plus robustes que les femelles, atteignant une hauteur au garrot avoisinant un mètre vingt pour un poids oscillant généralement entre deux cents et deux cent soixante kilogrammes.
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La seule population d'onagres de Perse se trouve dans l'aire protégée de Bahram-e-Goor, au sud de l'Iran. Ces onagres fréquentent principalement le parc national de Qatrouiyeh, situé à l'intérieur de l'aire protégée de Bahram-e-Goor, et circulent librement entre le parc et l'aire protégée. Des déplacements occasionnels et saisonniers de petits groupes vers les terres agricoles entourant l'aire protégée ont été signalés, jusqu'à la zone de non-chasse de Qarreh Tappe (qui chevauche Bahram-e-Goor et s'étend jusqu'à 50 km) dans la province de Yazd et à Shahr-e-Babak dans la province de Kerman.
La population indigène d'hémiones de la réserve de biosphère de Touran, ainsi que le nombre limité d'individus réintroduits dans l'aire protégée de Kalmand, le parc national de Siah-Kooh et le parc national de Kavir (tous originaires de la réserve de biosphère de Touran), sont reconnus comme des hybrides naturels d'onagres de Perse et de kulans turkmène. L'importance de ces populations hybrides naturelles dans le centre-nord de l'Iran ne doit en aucun cas être considérée comme inférieure à celle des sous-populations/écotypes "purs". Autrefois continues, ces populations ont dû s'adapter à différents facteurs écologiques sur l'étendue de leur territoire.
Les onagres de Perse se rencontrent dans les habitats désertiques et semi-désertiques, principalement au sein de l'aire protégée de Bahram-e-Goor (AP), d'une superficie de 4 100 km² . L'AP de Bahram-e-Goor est un habitat de steppe arbustive caractérisé par des touffes d'herbes rases qui poussent au début du printemps et se dessèchent rapidement ensuite. Tous les onagres, indépendamment de leur âge, de leur sexe ou de leur stade de reproduction, fréquentent de manière disproportionnée les habitats de collines et de vallées par temps venteux ou nuageux et pluvieux, surtout pendant les mois d'hiver. L'accès aux vallées semble atténuer l'impact du vent et de la pluie durant les périodes les plus froides.
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CC-BY-NC-SA (Certains droits réservés)L'onagre de Perse a développé un régime alimentaire opportuniste et hautement spécialisé pour prospérer dans les steppes semi-désertiques où la végétation est rare et fibreuse. Herbivore strict, il se nourrit principalement de graminées, de buissons épineux et de plantes herbacées qui parsèment son habitat aride. Sa physiologie digestive est remarquablement efficace, lui permettant d'assimiler des végétaux riches en cellulose et pauvres en protéines que d'autres ongulés délaisseraient. En période de disette, cet animal n'hésite pas à consommer des écorces ou des plantes halophytes, c'est-à-dire adaptées aux sols salés, démontrant une grande plasticité alimentaire.
L'accès à l'eau constitue un facteur déterminant de ses déplacements quotidiens, bien que sa tolérance à la déshydratation soit supérieure à celle des équidés domestiques. Il est capable de boire de l'eau saumâtre, une ressource souvent unique dans les dépressions salines de son aire de répartition iranienne. Lorsque les points d'eau de surface se tarissent, l'onagre utilise ses sabots puissants pour creuser le lit des rivières asséchées jusqu'à atteindre la nappe phréatique, créant ainsi des "puits" qui profitent également à d'autres espèces sauvages. Cette quête incessante de nourriture et d'hydratation oblige les troupeaux à parcourir de vastes distances, suivant la phénologie des plantes et les rares précipitations saisonnières.
Source: Zoo de Montpellier
La dynamique reproductive de cet équidé est étroitement liée aux cycles saisonniers, visant à maximiser les chances de survie des poulains. La période de reproduction survient généralement à la fin du printemps, moment où les étalons dominants deviennent particulièrement territoriaux et agressifs pour s'assurer l'accès aux femelles en oestrus. Après l'accouplement, la gestation s'étend sur une longue période d'environ onze mois, une durée nécessaire au développement complet du foetus. Les naissances ont donc lieu l'année suivante, coïncidant avec le moment où les ressources alimentaires sont les plus abondantes pour soutenir la lactation.
La mère donne naissance à un unique petit, capable de se lever et de courir à peine une heure après sa venue au monde, une précocité vitale pour échapper aux menaces potentielles. Le lien maternel est intense; la femelle isole son nouveau-né du reste du groupe durant les premiers jours pour assurer l'imprégnation olfactive et visuelle. Le sevrage progressif débute vers six mois, mais le jeune reste souvent aux côtés de sa mère jusqu'à l'âge de deux ans. La maturité sexuelle est atteinte différemment selon le sexe : les femelles peuvent procréer dès l'âge de trois ans, tandis que les mâles doivent souvent attendre quatre ou cinq ans pour acquérir la force physique et le statut social nécessaires à la conquête d'un harem.
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All rights reserved (Tous droits réservés)L'organisation sociale de l'onagre de Perse est fluide, oscillant entre des structures de type harem et des groupes plus lâches selon l'abondance des ressources. Les étalons adultes défendent souvent des territoires ou monopolisent un groupe de femelles, tandis que les jeunes mâles célibataires forment des "clubs" en périphérie, attendant leur opportunité de s'imposer. Ces animaux sont principalement diurnes, bien qu'ils puissent adapter leur activité aux heures crépusculaires pour éviter la chaleur accablante de la mi-journée. Leur tempérament est vif et alerte; au moindre signe de danger, un individu guetteur avertit le groupe par des renâclements sonores, déclenchant une fuite immédiate.
La vitesse est sans conteste leur meilleur atout défensif et comportemental. L'onagre de Perse est l'un des équidés les plus rapides, capable de pointes atteignant soixante-dix kilomètres par heure et de maintenir une allure soutenue sur de longues distances. Cette endurance est couplée à une nature parfois indomptable et combative, les mâles n'hésitant pas à s'affronter violemment à coups de sabots et de morsures pour établir la hiérarchie. En dépit de cette apparente agressivité intraspécifique, ils font preuve d'une grande cohésion sociale face aux menaces extérieures. Leurs interactions sont ponctuées d'une communication complexe, mêlant postures corporelles, mouvements d'oreilles et une gamme variée de vocalisations allant du braiment grave au sifflement aigu.
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All rights reserved (Tous droits réservés)Dans son écosystème actuel, les prédateurs capables de s'attaquer à un onagre adulte en pleine possession de ses moyens sont devenus extrêmement rares. Historiquement, cet équidé devait faire face à des carnivores redoutables tels que le lion d'Asie et le guépard asiatique, aujourd'hui éteints ou disparus de la majeure partie de son aire de répartition. De nos jours, le loup gris et, dans une moindre mesure, le léopard de Perse, représentent les seules menaces biologiques naturelles significatives. Ces carnivores ciblent prioritairement les individus affaiblis, malades, ou les poulains, qui sont particulièrement vulnérables durant leurs premières semaines de vie.
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Les hémiones font face à une convergence de menaces complexes, exacerbant leur vulnérabilité, particulièrement en Iran. Le braconnage pour leur viande et la concurrence acharnée avec le bétail domestique, surtout en dehors des zones strictement protégées, représentent des pressions directes. Cette concurrence pour les ressources s'intensifie dramatiquement durant les périodes de sécheresse, une menace amplifiée par le changement climatique, qui aggrave la rareté de l'eau et des pâturages. Les onagres de Perse sont désormais largement dépendants des points d'eau artificiels, mais même ceux-ci sont menacés par la contamination, notamment par des niveaux élevés de coliformes fécaux, susceptibles de provoquer des maladies gastro-intestinales mortelles.
L'interaction entre l'onagre de Perse et les humains génère également des conflits. Les dégâts aux cultures, observés principalement la nuit dans les terres agricoles jouxtant les parcs, provoquent l'hostilité des communautés locales et peuvent mener à des représailles. La population d'onagres, en partie grâce aux mesures de conservation comme l'apport de fourrage et les points d'eau dans le parc national de Qatrouiyeh, a augmenté, mais elle est fortement concentrée dans cette petite zone qui ne représente que 8 % de l'aire protégée historique de Bahram-e-Goor.
L'habitat adjacent est peu propice à l'expansion à cause de la présence de bétail et de patrouilles anti-braconnage insuffisantes, limitant l'espace vital de l'espèce. Désormais, les animaux tentent de s'étendre vers des zones adjacentes au nord, ce qui augmente le risque de collisions avec des véhicules et intensifie les conflits homme-faune liés aux dégâts agricoles. Plus largement, l'extinction des populations d'onagres de Perse dans plusieurs provinces iraniennes est attribuée à un ensemble de facteurs critiques, incluant la conversion des terres, l'isolement des populations par les infrastructures de transport et le manque de sécurisation de leurs voies de déplacement.
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L'onagre de Perse est une espèce en danger d'extinction. Il est actuellement classé dans la catégorie "En danger critique" (CR) sur la Liste rouge des espèces menacées de l'IUCN et est inclus à l'Annexe II de la CITES. Ce taxon bénéficie d'une protection nationale totale et se rencontre principalement dans des aires protégées. Des efforts croissants sont déployés pour améliorer le suivi de l'état de la population et comprendre les menaces persistantes. En Iran, un Plan d'action national pour la conservation de l'âne sauvage d'Asie a été élaboré en 2020. Cependant, ce plan n'a pas encore été mis en oeuvre.
L'histoire de la classification de l'onagre de Perse est un voyage complexe à travers la zoologie, marqué par des débats sur son statut précis au sein de la famille des équidés. La description officielle de l'espèce Equus hemionus remonte à Pallas en 1775, mais c'est le naturaliste néerlandais Pieter Boddaert qui, en 1785, a spécifiquement identifié et décrit la sous-espèce onager. Pendant longtemps, les scientifiques ont débattu pour savoir si l'onagre de Perse devait être considéré comme une espèce distincte ou simplement comme une variation régionale de l'hémione sauvage d'Asie. Les premières observations naturalistes se basaient essentiellement sur des différences morphologiques subtiles, telles que la taille, la couleur du pelage et la structure crânienne, pour tenter de différencier les populations présentes du Moyen-Orient jusqu'à la Mongolie.
Au fil des siècles, la systématique de ce groupe a subi de nombreuses révisions. Au XIXe et au début du XXe siècle, la tendance était à la multiplication des sous-espèces basées sur des localisations géographiques isolées. Cependant, l'avènement de la génétique moderne a permis d'affiner cette vision. Les analyses d'ADN mitochondrial ont confirmé que l'onagre de Perse appartient bien au clade des hémiones, se distinguant génétiquement de l'âne sauvage d'Afrique (Equus africanus), ancêtre de l'âne domestique, et du cheval sauvage. Ces études ont démontré que, bien que proche de l'âne sauvage de Mongolie ou de l' d'Inde, l'onagre de Perse a divergé suffisamment pour justifier son statut taxonomique propre, fruit d'un isolement géographique prolongé sur le plateau iranien.
Aujourd'hui, la classification est relativement stabilisée, bien que des discussions persistent sur la proximité génétique avec des populations éteintes, comme l'âne sauvage de Syrie. Cette histoire taxonomique n'est pas qu'un exercice académique; elle a des implications directes sur la conservation. Comprendre la position phylogénétique exacte de l'onagre de Perse permet aux conservateurs de prendre des décisions éclairées lors des programmes de réintroduction, notamment pour éviter l'hybridation avec d'autres sous-espèces qui pourrait diluer son patrimoine génétique unique.
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All rights reserved (Tous droits réservés)| Nom commun | Onagre de Perse |
| Autre nom | Âne sauvage d'Iran |
| English name | Persian onager Persian wild ass |
| Règne | Animalia |
| Embranchement | Chordata |
| Sous-embranchement | Vertebrata |
| Super-classe | Tetrapoda |
| Classe | Mammalia |
| Sous-classe | Theria |
| Infra-classe | Eutheria |
| Ordre | Perissodactyla |
| Famille | Equidae |
| Genre | Equus |
| Espèce | Equus hemionus |
| Nom binominal | Equus hemionus onager |
| Décrit par | Pieter Boddaert |
| Date | 1785 |
Satut IUCN | ![]() |
* Âne sauvage de Mongolie
Âne sauvage de Mongolie (Equus hemionus hemionus)
* Âne sauvage de Syrie
Âne sauvage de Syrie (Equus hemionus hemippus)
* Kulan turkmène
Kulan turkmène (Equus hemionus kulan)
* Onagre d'Inde
Onagre d'Inde (Equus hemionus khur)
* Liens internes
Liste Rouge IUCN des espèces menacées
Mammal Species of the World (MSW)
Système d'information taxonomique intégré (ITIS)
* Liens externes
Dictionnaire des Sciences Animales - Cirad
Global Biodiversity Information Facility (GBIF)
* Bibliographie
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Moehlman, P. D. (Ed.). (2002). Equids: Zebras, Asses, and Horses: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Equid Specialist Group.
Feh, C., Munkhtuya, B., Enkhbold, S., & Sukhbaatar, T. (2001). "Ecology and social structure of the Gobi khulan Equus hemionus subsp. in the Gobi B National Park, Mongolia". Biological Conservation.
Nowzari, H., Hemami, M. R., Karami, M., & Kiabi, B. H. (2013). "Habitat use by the Persian Onager, Equus hemionus onager (Perissodactyla: Equidae) in Qatrouyeh National Park, Fars, Iran". Zoology in the Middle East.
Kaczensky, P., & Walzer, C. (2008). "The Persian onager in Iran: current status and conservation measures". Equus.


