Le genre Pudella regroupe les plus petits cervidés du monde, des mammifères discrets des hautes Andes sud-américaines. Longtemps confondu avec le genre voisin Pudu, son histoire taxonomique récente révèle une complexité et une nécessité de révision basées sur des critères morphologiques et génétiques. Ces créatures naines, souvent appelées pudus, se distinguent par une morphologie trapue, de courtes pattes adaptées aux déplacements dans le sous-bois dense, et des bois simples en forme de courtes pointes chez les mâles. Leur petite taille et leur comportement farouche expliquent leur nature insaisissable, rendant l'étude de leur écologie, de leur répartition et de leur statut de conservation particulièrement difficile. La réhabilitation du genre Pudella en 2024 a marqué une étape significative dans la compréhension de la diversité au sein de la famille des cervidés, soulignant l'importance d'une taxonomie rigoureuse pour les efforts de conservation.
L'histoire taxonomique des pudus est marquée par une longue période de synonymie et d'incertitude, qui a culminé avec une réhabilitation majeure en 2024. Initialement, toutes les petites espèces de cervidés nains des Andes étaient regroupées sous le genre Pudu.
Le genre Pudella fut initialement proposé par le zoologiste britannique Oldfield Thomas en 1913. Thomas avait déjà noté les différences morphologiques notables entre le pudu du Nord (Pudella mephistophiles) et le pudu du Sud (Pudu puda, l'espèce type du genre Pudu). Il désigna alors Pudu mephistophiles comme l'espèce type de son nouveau genre Pudella. Les principales différences citées concernaient l'anatomie crânienne, notamment une fosse lacrymale peu profonde chez Pudella par opposition à une fosse profonde chez Pudu, ainsi que la présence de canines supérieures chez le genre nordique. Cependant, cette proposition fut largement ignorée par la communauté scientifique de l'époque, et Pudella fut relégué au statut de synonyme junior de Pudu pendant plus d'un siècle.
Les règles de la Commission Internationale de Nomenclature Zoologique (ICZN) exigent que le nom le plus ancien disponible (le principe de priorité) soit utilisé, mais elles permettent la suppression ou l'inversion des noms si cela menace la stabilité de la nomenclature. Dans le cas de Pudella, le problème n'était pas une question de priorité, mais d'interprétation morphologique et phylogénétique. La décision de maintenir ou de rejeter un nom de genre repose souvent sur la conviction que les différences entre les groupes sont suffisamment importantes pour justifier une classification générique distincte. Jusqu'en 2024, le consensus penchait vers le maintien du genre unique Pudu.
La révision majeure est venue d'une étude en 2024 par Barrio et al., qui a utilisé une combinaison d'analyses morphologiques et de données génétiques modernes (ADN mitochondrial et nucléaire) pour résoudre la phylogénie du groupe. Les résultats ont démontré que le pudu du Sud (Pudu puda) n'est pas le plus proche parent des deux espèces septentrionales (Pudella mephistophiles et la nouvelle Pudella carlae). L'espèce type du genre Pudu et les espèces septentrionales formaient en réalité des clades distincts, ce qui les rendait non monophylétiques si elles restaient regroupées dans le genre Pudu.
Afin de préserver la monophylie (le regroupement des espèces en fonction de leur ancêtre commun le plus récent) et de refléter les profondes divergences évolutives observées, les auteurs ont formellement réhabilité le genre Pudella. Ce genre réhabilité est désormais le nom valide pour les espèces septentrionales, à savoir Pudella mephistophiles et la nouvelle espèce décrite, Pudella carlae. Cette réhabilitation est essentielle pour l'intégrité taxonomique et a des implications directes pour les stratégies de conservation, reconnaissant une diversité insoupçonnée.
LES ESPÈCES
Le genre Pudella est actuellement reconnu pour englober deux espèces, toutes deux confinées aux écosystèmes montagneux des Andes septentrionales. La distinction claire entre ces espèces est une avancée relativement récente en taxonomie, offrant une meilleure résolution pour l'évaluation de leur statut de conservation et de leur répartition.
* Pudu du Nord (Pudella mephistophiles) : Il a été décrit pour la première fois sous le nom de Pudua mephistophiles par William Edward de Winton en 1896. La description originale est parue dans les Proceedings of the Zoological Society of London. Cette espèce est caractérisée par son pelage roux-brun foncé avec une face et des membres presque noirs, la faisant apparaître comme la plus petite espèce de cervidé au monde selon certaines sources. Son aire de répartition historique s'étend le long des Andes, de la Colombie et de l'Équateur jusqu'au nord du Pérou, généralement dans les forêts de montagne humides, les forêts naines et les landes de páramo à haute altitude.
* Pudu des Yungas (Pudella carlae) : À la suite de la révision génétique et morphologique du genre Pudu en 2024, une nouvelle espèce distincte a été décrite par Barrio, Gutiérrez, et D'Elía dans le Journal of Mammalogy. Cette nouvelle entité est considérée comme la deuxième espèce valide du genre Pudella. Elle se distingue de Pudella mephistophiles par sa coloration, son pelage plus clair et son statut endémique au Pérou, au sud de la dépression de Huancabamba, là où l'espèce septentrionale n'est pas présente. Le pudu des Yungas est endémique aux Yungas péruviens, au sud de la dépression de Huancabamba. Son statut IUCN initial n'est pas encore intégré dans les bases de données principales au moment de la description, mais l'espèce est considérée comme vulnérable en raison de sa répartition très restreinte et des menaces anthropiques.
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