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Tamarau (Bubalus mindorensis)


Le tamarau (Bubalus mindorensis) est un bovidé endémique de l’île de Mindoro, aux Philippines. Ce petit buffle sauvage, discret et farouche, est l’un des mammifères les plus menacés au monde, avec une population estimée à moins de 500 individus à l’état sauvage. Inscrit sur la Liste rouge de l'IUCN en tant qu'espèce en danger critique, le tamarau est devenu un symbole emblématique de la conservation de la biodiversité philippine. Vivant principalement dans les forêts montagneuses de l’île, cet animal reste peu connu en raison de son comportement extrêmement furtif et de la difficulté à l’observer dans son habitat naturel. La raréfaction de son territoire, la chasse et les maladies animales transmises par le bétail domestique comptent parmi les principales menaces qui pèsent sur sa survie. Le tamarau est également appelé Buffle nain de Mindoro.


Tamarau (Bubalus mindorensis)
Tamarau (Bubalus mindorensis)
© Gregg Yan - Wikimedia Commons
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DESCRIPTION

Le tamarau présente une apparence robuste et trapue, bien que de taille modeste comparée à celle d'autres buffles d'Asie. Il mesure environ 100 à 105 cm au garrot, pour une longueur de 180 à 200 cm et un poids qui varie entre 180 et 300 kg. L’un de ses traits distinctifs est la forme de ses cornes : courtes, épaisses, triangulaires à la base, elles pointent vers l’extérieur puis légèrement vers l’arrière, formant un "V" prononcé. Ces cornes, présentes chez les deux sexes, atteignent généralement une trentaine de centimètres. Le dimorphisme sexuel est modéré, les mâles étant généralement plus grands et plus massifs que les femelles, mais leurs cornes sont souvent similaires en taille et forme.

Le tamarau possède un pelage dense, de couleur brun foncé à noirâtre, avec parfois des marques plus claires autour des yeux et sur les pattes. Les oreilles sont petites et arrondies, les sabots larges et adaptés aux terrains boueux ou accidentés. Sa tête est courte mais massive, avec un front plat et une ligne dorsale souvent inclinée vers l’avant. Adapté aux forêts denses, son corps compact lui permet de se déplacer avec agilité dans la végétation touffue. Sa constitution le distingue clairement des buffles domestiques.


Bubalus mindorensis
Bubalus mindorensis
© Daniel Heuclin - Arkive
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HABITAT

Le tamarau est endémique de l'île philippine de Mindoro, où il était autrefois répandu sur toute l'île. Cependant, son aire de répartition actuelle est estimée à moins de 10 000 hectares et limitée à l'intérieur montagneux de l'île : le parc national du mont Iglit-Baco (la plus grande zone protégée de Mindoro située au centre de l'île), la réserve de Tamaraw d'Aruyan-Malati (municipalité de Sablayan) et le sanctuaire de faune du mont Calavite au nord de l'île représentent les trois sous-populations survivantes connues et sont tous situés dans la partie occidentale de Mindoro. On soupçonne l'existence de peu d'autres groupes isolés en dehors de ces sous-populations. L'espèce était plus répandue préhistoriquement aux Philippines, avec des mentions du Pléistocène à Luzon.

Autrefois, le tamarau était présent sur tout le territoire de Mindoro, du niveau de la mer aux plus hauts sommets (jusqu'à plus de 1 800 m), habitant les prairies ouvertes ou les clairières forestières, les denses jungles de bambous, les vallées fluviales marécageuses et les forêts de basse et moyenne altitude. Actuellement, l'espèce est confinée à quelques zones reculées de plus de 200 m d'altitude et est le plus souvent observée dans les forêts secondaires et les forêts mixtes forêt/prairies.


Bubalus mindorensis habitat
     Répartition du tamarau
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ALIMENTATION

Herbivore strict, le tamarau se nourrit principalement de plantes herbacées, de graminées, de jeunes pousses, de feuilles et de divers végétaux tendres trouvés dans son habitat forestier. L’espèce a une préférence marquée pour les clairières secondaires, les lisières forestières et les zones ouvertes où la régénération végétale est active, permettant l’accès à des plantes jeunes et nutritives. L’analyse des excréments et des observations en milieu naturel montrent que le tamarau consomme également des plantes du genre Imperata, Themeda, et des jeunes tiges de bambous. Il peut aussi se nourrir de feuilles tombées et de fruits lorsqu’ils sont disponibles, bien que cela ne constitue pas une part significative de son régime.

Comme les autres bovidés, le tamarau est un ruminant; il possède un estomac compartimenté qui lui permet de digérer la cellulose grâce à une fermentation microbienne. Il passe une grande partie de son temps à brouter ou à ruminer. Il s’abreuve régulièrement, surtout en saison sèche, en recherchant des points d’eau permanents, des ruisseaux ou des mares de forêt. Ce besoin en eau explique en partie sa prédilection pour les forêts humides de montagne, entre 200 et 1 000 mètres d’altitude. Bien qu'il soit capable de s’adapter à une certaine variété de végétation, son alimentation dépend fortement de la qualité de l’habitat, ce qui le rend particulièrement vulnérable à la dégradation des forêts et à l’empiétement agricole.


Tamarau en famille
Photo d'une petite famille de tamarau
© Gregg Yan - Wikimedia Commons
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REPRODUCTION

Le tamarau a un cycle reproductif lent, ce qui constitue un obstacle majeur à la reconstitution de ses effectifs. Les accouplements peuvent survenir tout au long de l’année, mais les naissances semblent se concentrer entre octobre et février, suggérant une certaine saisonnalité. La maturité sexuelle est atteinte vers 3 à 4 ans pour les femelles, un peu plus tard chez les mâles. Après l’accouplement, la gestation dure environ 300 jours, soit environ dix mois, et donne naissance à un seul petit, pesant à la naissance entre 10 et 12 kg. Les naissances gémellaires sont exceptionnelles. Le nouveau-né est dissimulé dans la végétation pendant les premières semaines et la mère reste constamment à proximité pour le protéger. L’allaitement dure plusieurs mois, bien que le jeune commence à brouter avant le sevrage complet.

Les intervalles entre les naissances sont généralement supérieurs à deux ans, ce qui limite considérablement le taux de croissance de la population. Les mâles, bien qu’ayant un comportement territorial, n’établissent pas de harèm et les contacts entre individus demeurent occasionnels, ce qui suggère une stratégie reproductive plus solitaire. En captivité, la reproduction reste difficile et les tentatives d’élevage conservatoire ont eu des résultats limités, tant en raison de la difficulté à maintenir les conditions idéales que du stress élevé induit par la captivité. La faible fécondité naturelle de l’espèce constitue un défi pour la conservation.


Tamarau femelle
Tamarau femelle et ses petits
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COMPORTEMENT

Le tamarau est un animal diurne, voire crépusculaire, adoptant des périodes d’activité principalement le matin et en fin d’après-midi, afin d’éviter la chaleur du milieu de journée. Très discret et solitaire, il ne forme que rarement des groupes, sauf entre une mère et son petit. Contrairement aux buffles domestiques, il évite les zones fréquentées par l’homme et se réfugie dans des zones denses et inaccessibles. Il utilise les sentiers forestiers, qu’il marque de ses empreintes et de traces de frottements sur les troncs. Il est également connu pour prendre régulièrement des bains de boue, comportement commun chez les bovidés, qui aide à réguler la température corporelle et à repousser les parasites.

Le tamarau est territorial : les mâles adultes délimitent leur espace par des dépôts de bouses, des marques de cornes sur les arbres ou des zones de piétinement. Les interactions entre individus adultes sont rares et souvent accompagnées de comportements d’intimidation comme des mouvements de tête, des postures rigides ou des simulations de charge. En cas de danger, il préfère la fuite à la confrontation. Il possède un odorat et une ouïe très développés, essentiels à sa survie dans un environnement dense. Lorsqu’il est surpris, il peut se figer dans la végétation, comportement qui lui permet de passer inaperçu grâce à sa coloration sombre. Le tamarau reste une espèce difficile à observer à l’état sauvage, ce qui limite les données disponibles sur ses comportements sociaux plus subtils.


Tamarau gros plan
Gros plan du tamarau
© Gregg Yan - Wikimedia Commons
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MENACES

Au XXe siècle, la principale menace pesant sur le tamarau était la perte d'habitat due à l'agriculture pratiquée par les populations locales et les populations déplacées, avec une forte croissance démographique à l'intérieur et autour de son habitat restant. Dans certaines régions, les incendies agricoles menacent l'habitat de l'espèce. L'élevage bovin et les activités agricoles représentent un risque majeur, notamment le risque de propagation de maladies transmises au tamarau par le bétail et le brûlage des pâturages, entraînant une diminution du nombre d'espèces herbacées comestibles.

Historiquement, le tamarau était chassé à des fins de subsistance et de sport, ce qui a entraîné une période de déclin drastique des effectifs et des populations. La chasse était rigoureusement réglementée avant la Seconde Guerre mondiale, mais depuis, la croissance démographique, l'exploitation forestière, l'élevage et la disponibilité généralisée des armes à feu à Mindoro ont entraîné un déclin spectaculaire des effectifs. Depuis les années 1980, la chasse sportive a diminué en raison du déclin de la population de tamaraus, de la fermeture des ranchs voisins et de l'intensification des patrouilles et des activités de sensibilisation depuis la création de l'aire protégée. Le commerce international de cette espèce ou de ses dérivés n'a pas été signalé. Bien que protégée par la loi, la capture et l'abattage illégaux de cette espèce se poursuivent.

Aujourd'hui, la principale menace qui pèse sur l'espèce réside dans le manque de possibilités pour les populations restantes de tamaraus de se disperser et d'étendre leur aire de répartition, en raison de la pression humaine et du manque de corridors naturels non perturbés. Le braconnage et les activités illégales des Mindoriens des basses terres constituent un grave problème pour la faune sauvage. De plus, les activités de chasse traditionnelles des communautés autochtones locales constituent une source importante de perturbations et peuvent causer des blessures aux tamaraus, même si l'espèce n'est pas ciblée (pièges à fosse, pièges à collet). De plus, la pression foncière exercée par les communautés autochtones locales s'accroît généralement à Mindoro en raison de la croissance démographique et de l'incapacité de ces populations à s'étendre dans les zones de plaine désormais occupées par de nouveaux colons.


Buffle nain de Mindoro
Le tamarau est également appelé Buffle nain de Mindoro
© Barney Long - Global Wildlife Conservation
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CONSERVATION

Le tamarau est considéré comme une espèce hautement menacée. Il est inscrit dans la catégorie "En danger critique" (CR) sur la Liste rouge de l'IUCN ainsi qu'en Annexe I de la CITES.

Le tamarau bénéficie d'une protection totale en vertu de la législation philippine. La plus grande des trois sous-populations connues se trouve dans le parc national du mont Iglit-Baco. Un petit nombre de tamaraus sont détenus en captivité aux Philippines, mais le programme d'élevage en captivité n'a pas été fructueux. Sur les 21 individus capturés vers 1982, il en restait neuf en 1997. En 2015, un seul animal, né en captivité, était encore en vie et détenu dans un enclos d'un demi-hectare. À ce jour, aucun autre projet d'élevage en captivité n'est prévu et le sujet reste controversé. Le programme initial d'élevage en captivité consistait à placer les animaux dans un "pool génétique" semi-naturel à Mindoro, mais ces animaux ne faisaient pas l'objet d'une gestion intensive, et les techniques d'élevage ne visaient pas à constituer une importante population captive.

Peu d'initiatives ont été prises récemment pour remédier à la situation critique de l'espèce : la zone d'Aruyan-Malati a été déclarée "habitat essentiel" et devrait bénéficier d'une meilleure protection dans un cadre juridique. De plus, un plan général de gestion des aires protégées pour le parc national du mont Iglit-Baco sera prochainement mis en oeuvre et permettra la création d'un système de zonage approprié et d'une approche cohérente de gestion de l'habitat avec les communautés autochtones résidentes. Une zone strictement protégée a déjà été délimitée au sein de la zone centrale de surveillance, sans activités de chasse.

Les recherches nécessaires pour cette espèce comprennent la poursuite du recensement de la population à l'échelle de l'île afin d'actualiser son aire de répartition réelle et de déterminer s'il existe d'autres populations existantes. Il est également nécessaire d'améliorer la conservation de l'habitat grâce à une gestion efficace, qui passe par une meilleure intégration des communautés autochtones mangyan vivant dans l'aire de répartition du tamarau dans les plans de gestion de l'habitat. Cela doit commencer par des études ethno-écologiques approfondies afin de mieux comprendre ces communautés, leurs revendications, leurs besoins de subsistance, leurs modes d'utilisation des terres (y compris l'agriculture sur brûlis) et leur vision de l'environnement. La priorité sera donnée aux populations existantes restantes en sécurisant et en élargissant leur aire de répartition. De plus, la faisabilité et la nécessité d'un nouveau programme d'élevage en captivité devront être évaluées.


Tamarau Mindoro
Le tamarau est endémique de l'île de Mindoro
© Royle Safaris - iNaturalist
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TAXONOMIE

Le tamarau a été décrit pour la première fois scientifiquement en 1888 par l’explorateur et zoologiste français Pierre Marie Heude, qui le classa dans le genre Anoa. Ce classement initial s’explique par sa petite taille, qui le rapprochait morphologiquement des buffles nains d’Indonésie comme l’anoa des montagnes (Bubalus quarlesi). Ce n’est qu’au début du XXe siècle que le tamarau fut reclassé dans le genre Bubalus, reconnaissant ainsi sa parenté plus étroite avec les buffles d'Asie (Bubalus arnee).

L'espèce Bubalus mindorensis est aujourd’hui considérée comme endémique de l’île de Mindoro, bien que certains chercheurs aient avancé l’hypothèse qu’elle puisse être le descendant d’animaux introduits par l’homme au Pléistocène. Des études morphologiques et génétiques récentes ont confirmé l’unicité génétique du tamarau, distincte de celle des autres bovidés philippins. Il existe un débat récurrent sur son origine : certains le voient comme un reliquat d’une ancienne lignée de buffles nains adaptés à l’insularité, tandis que d’autres pensent qu’il pourrait s’agir d’une forme insularisée d’un buffle continental.

Malgré ces incertitudes, le tamarau est unanimement reconnu comme une espèce distincte, méritant une attention particulière dans les efforts de conservation. Sa classification actuelle dans la famille des Bovidae, sous-tribu des Bubalina, en fait l’un des représentants les plus rares et spécialisés de cette lignée asiatique.


Tamaraw
En anglais, le tamarau est appelé Tamaraw
© Daniel Heuclin - Arkive
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CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communTamarau
Autre nomBuffle nain de Mindoro
English nameTamaraw
Mindoro dwarf buffalo
Español nombreTamarao
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdreArtiodactyla
Sous-ordreRuminantia
FamilleBovidae
Sous-familleBovinae
GenreBubalus
Nom binominalBubalus mindorensis
Décrit parPierre Marie Heude
Date1888



Satut IUCN

En danger critique (CR)

SOURCES

* Liens internes

Animal Diversity Web

Arkive

iNaturalist

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

Ultimate Ungulate

* Liens externes

Re:wild - Biodiversity is the Solution

Tom Junek photography

Wikimedia Commons

* Bibliographie

Heude, P. M. (1888). Mémoires d'histoire naturelle de l'Empire chinois.

Custodio, C.C., Lepiten, M.V., & Heaney, L.R. (1996). Bubalus mindorensis. Mammalian Species, 520, 1-5.

Nowak, R. M. (1999). Walker's Mammals of the World (6th ed.). Johns Hopkins University Press.

Talbot, L. M., & Talbot, M. H. (1966). The tamarau (Bubalus mindorensis): observations and recommendations. Mammalia, 30(1), 1-12.

Groves, C. P. (2003). Taxonomy of wild cattle in the genus Bubalus. Australian Mammalogy, 25(1), 1–20.

Long, B., & Widmann, P. (1998). Tamaraw (Bubalus mindorensis): status, ecology and management. In Philippine Biodiversity: Principles and Practice (pp. 177–189). Haribon Foundation.