Manimalworld
Manimalworld Encyclopédie des animaux sauvages

Quagga (Equus quagga quagga)


Le quagga (Equus quagga quagga) est une sous-espèce éteinte du zèbre des plaines, autrefois emblématique des vastes étendues d'Afrique du Sud. Cet équidé se distinguait par un pelage unique, arborant des rayures brunes limitées à la tête, à l'encolure et à l'avant du corps, qui s'estompaient progressivement pour laisser place à une croupe brune et des jambes blanches immaculées. Cette apparence singulière lui donnait l'air d'un hybride improbable entre un cheval et un zèbre, bien qu'il fût génétiquement très proche du zèbre de Burchell. Vivant en grands troupeaux dans les régions semi-arides du Karoo et de l'État libre d'Orange, le quagga a été massivement chassé par les colons européens au XIXe siècle. Le dernier individu sauvage a disparu à la fin des années 1870, et l'ultime spécimen captif s'est éteint au zoo d'Amsterdam en 1883, scellant le destin tragique de cette lignée.


Quagga (Equus quagga quagga)
Quagga (Equus quagga quagga)
Auteur: Frederick York (1870)
CC0 (Domaine public)



DESCRIPTION

La morphologie du quagga le rendait immédiatement identifiable parmi les autres équidés africains, présentant une esthétique transitionnelle fascinante. Mesurant environ 130 à 140 centimètres au garrot, sa taille était comparable à celle des autres zèbres des plaines, mais c'est la distribution de ses motifs qui le rendait unique. Contrairement à ses cousins entièrement zébrés, le quagga affichait des rayures foncées, allant du brun chocolat au presque noir, qui se détachaient sur un fond brun-roux plutôt que sur le blanc ou le crème typique. Ces stries étaient particulièrement nettes sur la tête et le cou, devenant plus pâles et espacées sur les épaules avant de disparaître totalement vers le milieu du corps.

L'arrière-train de l'animal, ainsi que ses membres, étaient généralement dépourvus de marquages, arborant une teinte brune unie sur le dos qui s'éclaircissait pour devenir blanchâtre sur le ventre et les jambes. Cette absence de rayures sur la partie postérieure a souvent conduit les observateurs profanes à le comparer visuellement à un cheval domestique portant une "veste" de zèbre. La crinière, courte et dressée, présentait également une alternance de couleurs, avec des mèches brunes et blanches. Il existait toutefois une variabilité intraspécifique notable; certains individus présentaient des rayures s'étendant plus loin sur le flanc, tandis que d'autres étaient presque unis à l'arrière, témoignant d'une diversité phénotypique naturelle au sein de la population historique.


Equus quagga quagga
Equus quagga quagga
Auteur: Frederick York (1872)
CC0 (Domaine public)

HABITAT

L'aire de répartition historique du quagga était exclusivement limitée à la pointe méridionale du continent africain, ce qui en faisait une espèce endémique de l'Afrique du Sud actuelle. Contrairement aux autres sous-espèces de zèbres qui occupaient des zones plus tropicales ou orientales, cet équidé préférait les régions au climat plus tempéré et souvent semi-aride. Son fief principal se situait dans le Grand Karoo, une vaste zone de semi-désert, ainsi que dans les prairies de l'État libre d'Orange. La rivière Orange constituait une barrière géographique majeure, bien que des populations aient habité au nord de celle-ci, s'étendant jusqu'au fleuve Vaal qui marquait probablement la limite septentrionale de leur territoire.

Cet environnement spécifique se caractérisait par une végétation de broussailles basses et de graminées adaptées à la sécheresse, offrant un pâturage saisonnier que le quagga exploitait avec efficacité. L'animal évitait généralement les zones trop montagneuses ou les déserts de sable pur, privilégiant les plaines ouvertes et les plateaux onduleux qui permettaient une bonne visibilité contre les prédateurs. Cette restriction géographique a joué un rôle crucial dans sa vulnérabilité; étant confiné à une zone relativement accessible et propice à l'expansion agricole des colons européens, son habitat a été rapidement fragmenté et converti en terres d'élevage, réduisant drastiquement l'espace disponible pour les grands troupeaux sauvages.


Quagga portrait
Portrait du quagga
© Klaus Rudloff - BioLib
All rights reserved (Tous droits réservés)

ÉCOLOGIE

Sur le plan écologique, le quagga partageait de nombreux traits comportementaux avec le zèbre des plaines, fonctionnant comme un brouteur grégaire essentiel à la dynamique des prairies sud-africaines. Il se nourrissait principalement de graminées, capable de consommer des herbes plus hautes et plus fibreuses que d'autres ruminants, ce qui facilitait la repousse de pâturages plus courts pour les gnous et les antilopes avec lesquels il cohabitait souvent. Ces interactions interspécifiques étaient courantes; on observait fréquemment des quaggas mêlés à des autruches ou des blesboks, profitant de la vigilance collective pour se prémunir contre les grands prédateurs tels que les lions et les hyènes tachetées.

La structure sociale de l'animal reposait sur le harem familial, composé d'un étalon dominant, de plusieurs juments et de leur progéniture. Ces petites unités pouvaient se regrouper temporairement pour former de vastes troupeaux lors des migrations saisonnières à la recherche d'eau et de nourriture. Le nom "quagga" est d'ailleurs une onomatopée dérivée du cri d'appel de l'animal, qui ressemblait à un aboiement strident transcrit par "kwa-ha-ha", différent du hennissement du cheval. Ce cri jouait un rôle vital dans la communication au sein du groupe, notamment pour maintenir la cohésion dans les vastes plaines ou alerter du danger. De nature plutôt sédentaire comparée aux zèbres d'Afrique de l'Est, sa sédentarité relative dans une région colonisée a malheureusement facilité son repérage et son abattage.


Quagga illustration
Illustration du quagga
Auteur: Brehms Tierleben (1887)
CC0 (Domaine public)

EXTINCTION

L'extinction du quagga représente l'un des premiers cas documentés de disparition d'un grand mammifère africain causée directement par l'activité humaine moderne. L'arrivée des colons néerlandais (les Boers) en Afrique du Sud au XVIIe siècle a marqué le début du déclin, mais c'est au XIXe siècle que le massacre s'est intensifié de manière industrielle. Les fermiers percevaient ces animaux comme des concurrents directs pour le bétail domestique, consommant l'herbe précieuse des pâturages du Karoo. Par conséquent, une campagne d'extermination systématique a été menée, encouragée par l'absence totale de lois de conservation à cette époque.

Outre la compétition pour les ressources, le quagga était chassé pour sa viande, utilisée pour nourrir les ouvriers agricoles, et surtout pour sa peau. Le cuir, robuste et abondant, était transformé en sacs à grains ou utilisé dans la fabrication de chaussures, entraînant l'exportation massive de peaux. La rapidité de cette extinction fut foudroyante : alors que l'animal était encore commun vers 1850, les populations sauvages se sont effondrées en quelques décennies. Le dernier individu libre aurait été abattu en 1878. L'ironie tragique de cette disparition réside dans le fait que la communauté scientifique et les zoos ne réalisèrent que trop tard que l'animal était au bord du gouffre. Lorsque la dernière jument quagga mourut de vieillesse au zoo d'Artis à Amsterdam le 12 août 1883, personne ne savait qu'elle était l'ultime représentante de son espèce sur Terre.


Quagga zoo de Londres
Quagga en captivité au zoo de Londres
Auteur: Frederick York (1870)
CC0 (Domaine public)

RESTAURATION

La restauration du quagga, souvent qualifiée de "désextinction", est au coeur d'une initiative scientifique audacieuse connue sous le nom de "Quagga Project". Lancé en 1987 par l'historien naturel Reinhold Rau, ce projet repose sur le constat que le quagga n'était pas une espèce distincte, mais une sous-espèce du zèbre des plaines. Puisque la divergence génétique est minime, les gènes responsables de l'apparence du quagga (réduction des rayures, couleur brune) sont toujours présents, bien que dispersés, chez les populations actuelles de zèbres de Burchell. L'objectif n'est donc pas le clonage, mais l'élevage sélectif pour "réveiller" ces traits phénotypiques endormis.

Le projet a débuté par la sélection de zèbres des plaines présentant moins de rayures sur l'arrière-train, capturés notamment dans le parc national d'Etosha et au Zoulouland. Au fil des générations, les chercheurs ont réussi à obtenir des animaux ressemblant de plus en plus au quagga historique, que l'on nomme désormais "Quaggas de Rau". Ces animaux possèdent la robe brune caractéristique et l'absence de rayures sur la croupe. Bien que certains critiques soulignent que ces animaux sont des "imitations" visuelles plutôt que de véritables quaggas originaux, les partisans du projet arguent que si le génotype et le phénotype correspondent, l'animal est écologiquement et fonctionnellement restauré. Aujourd'hui, des troupeaux de ces quaggas reconstitués pâturent à nouveau dans certaines réserves du Cap, symbolisant un espoir de réparation écologique.


Quagga reconstitue parc national Mokala
Quagga reconstitué au parc national Mokala, Afrique du Sud
© Bernard Dupont - Flickr
CC-BY-SA (Certains droits réservés)

TAXONOMIE

L'histoire taxonomique du quagga est un récit complexe, marqué par des siècles de confusion, de révisions et, finalement, par une révolution génétique majeure. La description officielle initiale remonte à 1785, lorsque le naturaliste néerlandais Pieter Boddaert a classifié l'animal. À cette époque, et pendant près de deux siècles, le quagga a été considéré comme une espèce à part entière, distincte des autres zèbres. Les naturalistes du XVIIIe et du XIXe siècle se basaient essentiellement sur les caractéristiques morphologiques externes, notamment la couleur de la robe et le motif des rayures, pour définir les espèces. La grande variabilité des motifs chez les zèbres a conduit à la création d'une multitude de noms scientifiques et de classifications erronées, chaque variation locale étant souvent décrite hâtivement comme une nouvelle espèce potentielle.

Cette vision fragmentée a perduré jusqu'à la fin du XXe siècle. Le tournant décisif s'est produit dans les années 1980, lorsque la science moléculaire a bouleversé la compréhension de la phylogénie des équidés. Des chercheurs ont réussi à extraire de l'ADN mitochondrial à partir de tissus desséchés prélevés sur un spécimen de quagga empaillé, conservé dans un musée depuis plus d'un siècle. Cette prouesse technique a marqué une étape historique, faisant du quagga le premier animal éteint dont l'ADN a été séquencé. Les résultats publiés en 1984 ont révélé une proximité génétique stupéfiante avec le zèbre des plaines. Les analyses ont démontré que les différences génétiques entre le quagga et le zèbre de Burchell étaient négligeables, ne justifiant pas le statut d'espèce distincte.

Suite à ces découvertes, la classification a été officiellement révisée. Le quagga a été rétrogradé au rang de sous-espèce : Equus quagga quagga. Cependant, cette révision a eu une conséquence nomenclaturale importante sur l'ensemble du groupe. Puisque Boddaert avait nommé le quagga en 1785, bien avant que le zèbre de Burchell ne soit décrit par Gray en 1824, le principe de priorité du Code international de nomenclature zoologique a imposé que le nom le plus ancien prévale pour l'espèce globale. Ainsi, le zèbre des plaines, que l'on nommait couramment Equus burchellii, est devenu officiellement Equus quagga, et le quagga historique en est devenu la sous-espèce nominale. Cette histoire illustre parfaitement comment les avancées technologiques peuvent réécrire notre compréhension du vivant, transformant un animal que l'on croyait unique en une variation locale d'une espèce encore existante, ouvrant ainsi la voie aux projets de restauration actuels.


CLASSIFICATION


Fiche d'identité
Nom communQuagga
Autre nomCouagga
English nameQuagga
Español nombreQuagga
Cuaga
RègneAnimalia
EmbranchementChordata
Sous-embranchementVertebrata
Super-classeTetrapoda
ClasseMammalia
Sous-classeTheria
Infra-classeEutheria
OrdrePerissodactyla
FamilleEquidae
GenreEquus
EspèceEquus quagga
Nom binominalEquus quagga quagga
Décrit parPieter Boddaert
Date1785



Satut IUCN

Espèce éteinte (EX)

VOIR AUSSI

* Zèbre des plainesZebre des plaines (Equus quagga)Zèbre des plaines (Equus quagga)

* Zèbre de BurchellZebre de Burchell (Equus quagga burchellii)Zèbre de Burchell (Equus quagga burchellii)

* Zèbre de ChapmanZebre de Chapman (Equus quagga chapmani)Zèbre de Chapman (Equus quagga chapmani)

* Zèbre de CrawshayZebre de Crawshay (Equus quagga crawshayi)Zèbre de Crawshay (Equus quagga crawshayi)

* Zèbre de GrantZebre de Grant (Equus quagga boehmi)Zèbre de Grant (Equus quagga boehmi)

* Zèbre de SelousZebre de Selous (Equus quagga selousi)Zèbre de Selous (Equus quagga selousi)


SOURCES

* Liens internes

Arkive

BioLib

Liste Rouge IUCN des espèces menacées

Mammal Species of the World (MSW)

Système d'information taxonomique intégré (ITIS)

Wikipédia

* Liens externes

Bernard Dupont - Flickr

Biodiversity Heritage Library

Global Biodiversity Information Facility (GBIF)

The Quagga Project

Wikimedia Commons

* Bibliographie

Higuchi, R., Bowman, B., Freiberger, M., Ryder, O. A., & Wilson, A. C. (1984). DNA sequences from the quagga, an extinct member of the horse family. Nature, 312(5991), 282-284.

Leonard, J. A., Rohland, N., Glaberman, S., Fleischer, R. C., Caccone, A., & Hofreiter, M. (2005). A rapid loss of stripes: the evolutionary history of the extinct quagga. Biology Letters, 1(3), 291-295.

Skinner, J. D., & Chimimba, C. T. (2005). The Mammals of the Southern African Sub-region (3rd Edition). Cambridge University Press.

Kingdon, J. (2015). The Kingdon Field Guide to African Mammals (2nd Edition). Bloomsbury Publishing.

Klingel, H. (2013). Equus quagga Plains Zebra. In: J. Kingdon & M. Hoffmann (Eds.), Mammals of Africa (Vol. 5, pp. 428-443). Bloomsbury Publishing.

Hack, M. A., East, R., & Rubenstein, D. I. (2016). Equus quagga. The IUCN Red List of Threatened Species 2016.

Rau, R. (1974). Revised list of the preserved material of the extinct Cape Colony quagga, Equus quagga quagga (Gmelin). Annals of the South African Museum.

Harley, E. H., Knight, M. H., Lardner, C., Wooding, B., & Gregor, M. (2009). The Quagga Project: Progress over 20 years of selective breeding. South African Journal of Wildlife Research, 39(2), 155-163.

Barnosky, A. D. (2008). Megafauna biomass tradeoff as a driver of Quaternary and future extinctions. PNAS.