Le petit daguet rouge (Mazama bororo) est un mammifèreongulé appartenant à la famille des cervidés et endémique des fragments restants de la Forêt Atlantique côtière de la Serra do Mar, au sud-est du Brésil. L'espèce est classée comme "Vulnérable" sur la Liste Rouge de l'IUCN en raison de la fragmentation et de la destruction de son habitat, ce qui constitue une menace majeure pour la survie de sa population sauvage estimée à quelques milliers d'individus seulement. Sa découverte récente en tant qu'espèce distincte a mis en lumière la biodiversité remarquable, mais fragile, de son écosystème unique, nécessitant des efforts de conservation urgents et une meilleure compréhension de son écologie. Le petit daguet rouge est également appelé Mazame de Sao Paulo.
Le petit daguet rouge est un cervidé de taille petite à moyenne, se distinguant par une silhouette élancée et une hauteur au garrot variant généralement entre 50 et 60 centimètres pour un poids avoisinant les 25 kilogrammes en moyenne, bien que cela puisse légèrement fluctuer. Son corps présente une robe majoritairement rougeâtre ou rousse, souvent plus intense sur le dos et les flancs, qui lui permet de se camoufler efficacement dans le sous-bois de la forêt dense atlantique, tandis que son cou arbore des teintes plus grisâtres, créant un contraste subtil. Les zones ventrales, incluant la base des oreilles, le menton, la gorge et le ventre, sont marquées par une coloration plus claire, voire blanchâtre, offrant un motif de camouflage disruptif. Une autre caractéristique morphologique notable est la coloration noirâtre des membres postérieurs, s'étendant du calcanéum jusqu'au sabot, ce qui peut aider à l'identification de l'espèce.
Le crâne est relativement petit, et seuls les mâles possèdent des bois, qui sont courts et simples, caractéristiques du genre Mazama, s'apparentant à de courtes perches non ramifiées. Le corps est compact, et la queue est courte, estimée entre 11 et 14 centimètres, se fondant souvent dans la fourrure. Au-delà des traits physiques externes, l'espèce est également remarquablement définie par des caractéristiques génétiques, notamment un nombre diploïde de chromosomes de 32, un caryotype qui diffère significativement de celui d'autres espèces sympatriques comme le daguet rouge (Mazama americana) et le daguet nain du Brésil (Mazama nana), soulignant son statut distinct au sein du genre.
L'aire de répartition du petit daguet rouge a été initialement déduite de l'origine des spécimens captifs utilisés pour sa description. La première population sauvage n'a été découverte que récemment, entre 2000 et 2002, dans le Parc d'État d'Intervales au Brésil.
Depuis lors, l'espèce n'a été identifiée que dans un nombre très restreint de sites, avec seulement neuf localités d'occurrence confirmée à ce jour. Le petit daguet rouge semble être strictement limité au biome de la Forêt Atlantique brésilienne, couvrant une zone géographique étroite située entre les parallèles 23° et 26° Sud. Cette aire de répartition restreinte englobe le sud de l'État de São Paulo, l'est du Paraná et l'extrême nord-est de l'État de Santa Catarina.
L'espèce est endémique des forêts tropicales et subtropicales humides de feuillus du biome de la forêt atlantique. Elle occupe toutes les formations forestières de l'écorégion des forêts côtières de la Serra do Mar (forêts humides de montagne, de sous-montagne et de plaine) et leurs écotones avec la forêt humide d'Araucaria et les forêts intérieures du Paraná-Paraíba. Le relief régional varie des plaines côtières au niveau de la mer aux terrains abrupts et aux collines de plus de 1 200 mètres. Le climat de la région est subtropical humide, avec une transition vers le subtropical humide des hautes terres.
Les cours d'eau semblent être une voie de déplacement importante pour cette espèce.
Le petit daguet rouge est un herbivore-frugivore sélectif, bien adapté à la richesse de la Forêt Atlantique. Il se nourrit principalement de fruits tombés, ainsi que de feuilles et de pousses tendres, jouant un rôle clé dans la dispersion des graines. Sa diète est très dépendante de la saisonnalité et de la disponibilité des ressources au sol. Le daguet privilégie les aliments de haute qualité nutritionnelle. La fragmentation de la forêt est une menace directe, car elle réduit la base alimentaire nécessaire à sa survie, intensifiant la vulnérabilité de cette espèce.
En raison de sa nature insaisissable, la reproduction est peu documentée in situ. Les observations suggèrent qu'elle pourrait avoir lieu toute l'année, avec un pic de naissances possible entre août et septembre. La gestation est estimée à environ sept mois, aboutissant généralement à la naissance d'un seul faon. Le jeune, probablement tacheté pour le camouflage, est élevé par la mère seule et reste caché dans la végétation dense. Ce faible taux de reproduction rend la population particulièrement sensible aux menaces et souligne l'importance de la protection des adultes reproducteurs.
Le petit daguet rouge est un animal solitaire au comportement crépusculaire ou nocturne. Son activité est principalement concentrée pendant les heures de faible luminosité, périodes qu'il utilise pour chercher sa nourriture tout en évitant la prédation. En journée, il se repose, bien camouflé dans le couvert végétal dense. L'espèce est territoriale, les femelles maintenant de petits domaines vitaux, estimés entre 10 et 50 hectares, qu'elles marquent probablement à l'aide de signaux olfactifs.
Parmi ses prédateurs naturels figurent les grands félins de la Forêt Atlantique, tels que le jaguar et le puma. Le daguet utilise le camouflage et l'évasion rapide dans le sous-bois comme stratégies de défense principales. Cependant, les menaces introduites par l'Homme, notamment les chiens domestiques et féraux dans les zones fragmentées, ainsi que la chasse illégale, représentent désormais des causes de mortalité majeures, souvent plus importantes que la prédation naturelle.
Les principales menaces pesant sur le petit daguet rouge, établies à partir des listes nationales et régionales de la faune brésilienne menacée, sont les suivantes : braconnage, perte et fragmentation d’habitats liées aux changements d’utilisation des terres, dégradation de l’habitat causée par l’exploitation illégale du coeur de palmier, prédation par les chiens domestiques et errants. Menace potentielle : maladies infectieuses émergentes transmises par le bétail.
CONSERVATION
Le petit daguet rouge est considéré comme une espèce menacée. Il est actuellement inscrit dans la catégorie Vulnérable (VU) sur la Liste rouge de l'IUCN.
Au Brésil, la protection des espèces menacées, y compris le petit daguet rouge, s'appuie sur des cadres juridiques solides. Les principaux outils sont la Liste officielle nationale des espèces de faune menacées (BRASIL 2014) et la Liste des mammifères menacés de l'État du Paraná (PARANÁ 2010).
Les stratégies de conservation sont définies dans deux documents clés : le Plan d'action national pour les cerfs menacés du Brésil (PAN) et le Plan de conservation des mammifères menacés de l'État du Paraná. L'objectif fondamental du Plan d'action national est de garantir la viabilité génétique et le maintien des populations des espèces répertoriées. Ce Plan d'action national (PAN) articule ses objectifs spécifiques autour de quatre grandes catégories couvrant un total de 36 actions spécifiques :
- Politiques publiques et législation (8 actions).
- Protection de l'habitat (8 actions).
- Recherche fondamentale et appliquée (9 actions).
L'histoire taxonomique du petit daguet rouge est particulièrement complexe et illustre les difficultés rencontrées dans la classification du genre Mazama, où les distinctions morphologiques sont subtiles et les études génétiques relativement récentes. Avant sa reconnaissance officielle, il était souvent confondu avec le daguet nain du Brésil (Mazama nana) ou considéré comme une simple variation locale du daguet rouge (Mazama americana). Le nom Mazama bororo est initialement apparu en 1919 dans la littérature, proposé par A. de Miranda-Ribeiro, mais sans description formelle adéquate et sans spécimen type désigné, ce qui le classait comme un nomen nudum, un nom invalide au regard des règles de nomenclature zoologique. Ce n'est qu'en 1996 que l'espèce fut formellement décrite et validée par le zoologiste brésilien Wilson D. Duarte, s'appuyant sur des spécimens collectés dans la région de São Paulo, au Brésil. La distinction de Mazama bororo repose sur une combinaison de caractères morphologiques, biométriques, mais surtout cytogénétiques. Le petit daguet rouge présente un caryotype unique avec un nombre diploïde de chromosomes de 2n=32, ce qui est significativement différent des 2n=48−52 de Mazama americana et 2n=36−37 de Mazama nana. Cette différence chromosomique a été un argument clé pour justifier son statut d'espèce distincte, suggérant une isolation reproductive probable.
Cependant, la stabilité taxonomique a été récemment remise en question. Des études de phylogénie moléculaire, notamment basées sur l'analyse de séquences d'ADN mitochondrial (cytochrome b), ont révélé une synonymie potentielle avec le taxonMazama americana jucunda décrit par Oldfield Thomas en 1913. Les résultats de ces recherches génétiques ont montré que Mazama bororo et Mazama americana jucunda pourraient représenter la même entité biologique. En vertu du principe d'antériorité du Code International de Nomenclature Zoologique, le nom le plus ancien et disponible, en l'occurrence Mazama jucunda (s'il est élevé au rang d'espèce distincte, ou Mazama americana jucunda s'il est considéré comme une sous-espèce de Mazama americana), devrait prévaloir. Cette proposition ferait de Mazama bororo un synonyme junior de Mazama jucunda ou Mazama americana jucunda. Cette incertitude taxonomique continue de complexifier les efforts de conservation. Bien que le nom Mazama bororo soit encore largement utilisé et reconnu par des institutions majeures, l'instabilité persiste dans les bases de données et la littérature scientifique, avec certaines bases de données mammalogiques suggérant l'adoption de Mazama jucunda pour le petit daguet rouge de la Forêt Atlantique. La résolution de ce débat par des analyses génétiques plus poussées, incluant l'ADN nucléaire, est essentielle pour la mise en place de politiques de gestion et de conservation claires et efficaces pour cette espèce fragile et localisée. La complexité de la systématique des daguets, alimentée par la rareté des spécimens d'étude et le polymorphisme, nécessite une vigilance constante des taxonomistes.
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