Le genre Ammotragus appartient à la famille des Bovidae et regroupe des caprinés adaptés à des milieux arides et montagneux. Représenté principalement par une seule espèce encore vivante, le mouflon à manchettes (Ammotragus lervia), ce genre intrigue par ses caractéristiques morphologiques qui le rapprochent à la fois des moutons (Ovis) et des chèvres (Capra). Endémique des régions rocheuses d’Afrique du Nord, Ammotragus a su conquérir des habitats très hostiles, en partie grâce à ses facultés d’adaptation exceptionnelles. Son introduction dans d'autres régions du globe pour des raisons cynégétiques a permis d’étendre artificiellement son aire de répartition.
Le genre Ammotragus ne comprend qu'une espèce vivante reconnue par la communauté scientifique : Ammotragus lervia, communément appelée mouflon à manchettes ou Aoudad. Toutefois, cette espèce présente une grande variabilité morphologique et géographique, ce qui a conduit certains auteurs à proposer plusieurs sous-espèces :
- Ammotragus lervia angusi – souvent mentionné dans les populations du Soudan.
- Ammotragus lervia blainei – localisé au Tchad et au Niger.
- Ammotragus lervia fassini – une sous-population du sud-est du Sahara.
- Ammotragus lervia lervia – le type nominal, localisé en Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Libye).
- Ammotragus lervia ornata – identifié dans l'est de la Libye.
- Ammotragus lervia sahariensis – plus adapté aux déserts sahariens, notamment au Sahara central.
Le statut exact de ces sous-espèces reste sujet à controverse, car la variabilité morphologique peut aussi résulter de l’environnement plutôt que d’une divergence génétique significative. En l’absence d’études moléculaires approfondies, leur reconnaissance demeure provisoire.
TAXONOMIE
Le genre Ammotragus a été formellement décrit en 1840 par le zoologiste britannique Edward Blyth. Il y regroupa une espèce singulière du nord de l’Afrique, le mouflon à manchettes (Ammotragus lervia), déjà connue des populations locales et mentionnée dans les récits antiques. À cette époque, les classifications étaient encore largement fondées sur des critères morphologiques, et Ammotragus posait un véritable casse-tête aux taxonomistesénbsp;: son apparence évoquait tantôt les chèvres (Capra), tantôt les moutons (Ovis), sans s’intégrer pleinement dans l’un ou l’autre de ces genres.
Durant la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, plusieurs auteurs proposèrent d’inclure l’espèce lervia dans le genre Capra, ou de la considérer comme un lien évolutif entre les chèvres et les moutons. Toutefois, des études plus détaillées sur l’anatomie crânienne, la dentition, et la morphologie des cornes vinrent étayer l’idée qu’il s’agissait bien d’un genre distinct. Le nom Ammotragus — du grec ammos (sable) et tragos (chèvre) — souligne son adaptation au milieu désertique et sa parenté supposée avec les caprinés.
Ce n’est qu’au XXe siècle que la position systématique du genre se stabilise. Les données morphologiques sont consolidées par les premières analyses moléculaires à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Ces études confirment que Ammotragus appartient bien à la sous-famille des Caprinae, formant un groupe frère du clade Capra–Ovis, mais suffisamment distinct pour mériter un genre à part entière. Sur le plan phylogénétique, Ammotragus semble avoir divergé très tôt de la lignée commune aux moutons et aux chèvres, ce qui renforce son statut singulier.
Contrairement à d'autres genres de caprinés, Ammotragus ne possède aucune espèce fossile formellement décrite ou bien documentée, bien que des restes attribuables au genre aient été retrouvés dans des niveaux subfossiles au Sahara et au Maghreb. Ces découvertes suggèrent une présence ancienne et peut-être plus étendue du genre en Afrique du Nord, mais elles n’ont pas encore permis de caractériser des espèces éteintes distinctes.
En résumé, Ammotragus est un genre monotypique au statut taxonomique longtemps débattu, dont la reconnaissance formelle par Blyth en 1840 marque un tournant important dans l’étude des caprinés africains. Son isolement phylogénétique actuel en fait un taxon d’un grand intérêt pour l’étude de l’évolution des bovidés montagnards et désertiques.
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