Le cheval Retuertas est une race équine archaïque et très rare, originaire d'Espagne, plus spécifiquement du parc National de Doñana en Andalousie. Il détient la distinction remarquable d'être considéré comme l'une des populations de chevaux domestiques les plus proches génétiquement de l'ancêtre sauvage du cheval domestique moderne. Cette race est le fruit d'une sélection naturelle intense dans des conditions environnementales rudes et humides, ce qui lui a conféré une robustesse et une résilience exceptionnelles. Son histoire est intimement liée à la gestion traditionnelle des zones marécageuses. Le Retuertas est un animal semi-sauvage, géré de manière extensive, et représente un patrimoine génétique d'une importance capitale pour la conservation de la diversité équine mondiale. Sa petite population et son habitat spécifique en font une race particulièrement surveillée.
Le cheval Retuertas présente une morphologie très rustique, typique des races anciennes et adaptées à des environnements difficiles, qui le distingue nettement des races équines modernes sélectionnées pour le travail ou le sport. C'est un cheval de petite à moyenne taille, avec une hauteur au garrot variant généralement entre 130 et 145 centimètres, bien qu'il puisse y avoir des individus légèrement plus grands. Sa construction est médioligne à bréviligne, caractérisée par une forte compacité et une musculature bien développée, essentielle pour se déplacer dans les terrains marécageux et sableux de Doñana.
La tête est généralement de taille moyenne, souvent avec un profil subconvexe, exprimant une intelligence vive et alerte. Le chanfrein est large et les oreilles de taille moyenne et bien implantées. L'encolure est courte, épaisse et bien attachée, conférant une grande force. Le dos est court et droit, se terminant par une croupe inclinée et musclée, une caractéristique souvent associée à une bonne capacité de portage et d'impulsion sur sol meuble. Les membres sont particulièrement remarquables par leur solidité. Ils sont courts, très robustes, avec des articulations fortes et bien définies. Les sabots sont petits, noirs, et d'une dureté exceptionnelle, une adaptation vitale pour résister à l'humidité constante des zones humides.
La robe dominante est le bai sous différentes nuances (bai-brun, bai foncé), mais le noir et le rouan sont également observés. La crinière et la queue sont généralement très fournies et rêches. La rusticité de son apparence est un indicateur de sa remarquable capacité à se réguler thermiquement et à maintenir un bon état corporel même avec une alimentation pauvre ou saisonnièrement limitée, faisant du Retuertas un modèle d'adaptation écologique. Sa morphologie globale témoigne de la préservation d'un phénotype ancestral, le distinguant d'autres races ibériques plus raffinées.
La répartition du cheval Retuertas est extrêmement restreinte, ce qui est une caractéristique clé de son statut de race en danger. Historiquement, sa présence est attestée dans les vastes étendues marécageuses et forestières du sud-ouest de l'Espagne, principalement concentrée autour du parc National de Doñana, situé dans les provinces de Huelva et Séville en Andalousie. C'est dans ce parc emblématique, qui est un site du patrimoine mondial de l'UNESCO et une zone humide d'importance internationale, que se trouve la plus grande et la plus importante population de chevaux Retuertas, vivant en condition de semi-liberté.
Leur habitat est un complexe écologique dynamique comprenant des marais salés (marismas), des dunes mobiles, des forêts de pins (cotos) et des broussailles méditerranéennes (matorrales). Les marais, caractérisés par leur inondation saisonnière (particulièrement en hiver et au printemps), sont l'environnement typique du Retuertas. Ces chevaux sont remarquablement adaptés pour se déplacer et se nourrir dans ces zones boueuses, souvent en se tenant dans l'eau. Une autre petite population a été établie dans les années 2000 dans la Réserve Naturelle de l'Île de la Cartuja à Séville, un effort visant à décentraliser la population et à réduire les risques d'endogamie ou de catastrophe épidémiologique touchant la population de Doñana. L'adaptation à cet habitat unique est cruciale, car elle a façonné la résistance de la race aux maladies et sa capacité à exploiter des ressources alimentaires de faible qualité, fluctuantes en fonction des saisons et des niveaux d'eau. La survie de cette race dépend directement de la préservation de l'intégrité écologique de Doñana et de ses caractéristiques hydrologiques, menacées par l'agriculture et les changements climatiques.
L'écologie du cheval Retuertas est un exemple fascinant d'adaptation et de rôle écologique actif dans un écosystème fragile. Le Retuertas est un herbivore qui vit en troupeaux structurés selon un système social complexe, généralement composé d'un étalon dominant, de juments et de leurs jeunes. Ce comportement social est une adaptation aux conditions de vie semi-sauvages et à la nécessité de défense contre d'éventuels prédateurs (bien que peu nombreux dans la région).
Le régime alimentaire de ces chevaux est très varié et opportuniste. Ils consomment une grande diversité de végétaux palustres et de broussailles, s'adaptant à la disponibilité saisonnière. Pendant les mois secs de l'été, ils peuvent se nourrir d'une végétation plus ligneuse et plus pauvre, tandis qu'en période humide, ils se concentrent sur les graminées des marais. Cette diversité alimentaire contribue à leur robustesse. Un aspect écologique crucial du Retuertas est son rôle en tant qu'espèce ingénieure d'écosystème. Par leur broutage et leur piétinement réguliers dans les marais, les chevaux contribuent à modeler le paysage. Ils maintiennent des zones ouvertes dans la végétation dense des roselières et des joncs, ce qui favorise la biodiversité en créant des habitats pour d'autres espèces animales, notamment les oiseaux aquatiques.
Leur activité de fouille du sol en période sèche pour atteindre des racines ou de l'eau est également un facteur de perturbation bénéfique. Les chevaux Retuertas affichent également une remarquable tolérance aux variations hydriques et thermiques extrêmes de Doñana, où les températures peuvent chuter en hiver et monter très haut en été, et où l'eau salée des marais peut être un défi. L'étude de leur cycle de reproduction montre une forte influence des facteurs environnementaux sur la fertilité et la survie des poulains. La gestion de cette race est devenue un modèle de conservation in situ, où le cheval n'est pas seulement l'objet de la conservation, mais aussi un outil actif et naturel dans la gestion écologique de la zone humide.
ORIGINE
L'origine du cheval Retuertas est un sujet d'étude génétique qui a révélé son statut exceptionnel. Les analyses génétiques, basées sur l'ADN mitochondrial et les marqueurs microsatellites, ont fermement établi que le Retuertas est l'une des populations de chevaux domestiques les plus distinctes et génétiquement pures au monde. Il présente une faible introgression génétique avec d'autres races domestiques modernes, ce qui est remarquable étant donné sa présence dans une région où les échanges de chevaux ont été fréquents au cours des siècles. Cette pureté génétique suggère qu'il a été isolé génétiquement très tôt, probablement en raison de son habitat marécageux isolé et de son mode de gestion très extensif.
La lignée maternelle (ADN mitochondrial) du Retuertas est particulièrement diversifiée, mais les haplogroupes dominants suggèrent une forte affinité avec des lignées très anciennes. Plus significativement, des études ont montré que le Retuertas est l'une des races domestiques les plus proches, génétiquement parlant, du tarpan (Equus ferus) éteint en Europe. Ce rapprochement génétique en fait un fossile vivant d'un point de vue évolutif, préservant des caractéristiques génétiques qui ont été perdues ou diluées dans la grande majorité des races domestiques.
L'hypothèse la plus probable est que le Retuertas représente un descendant direct de populations équines domestiquées précoces qui se sont adaptées localement dans la péninsule Ibérique, sans subir les influences sélectives intensives des éleveurs des époques ultérieures, restant sous une forte pression de sélection naturelle. L'isolement géographique et le mode de vie semi-sauvage ont agi comme un puissant facteur de conservation de ce génome ancestral, préservant des allèles rares. Cette origine ancienne confère à la race une robustesse génétique et une capacité d'adaptation qui sont des atouts précieux pour la recherche en génétique équine et pour d'éventuels programmes de restauration écologique impliquant des équidés.
IMPACT
L'impact du cheval Retuertas va bien au-delà de sa propre survie en tant que race. Son rôle écologique dans le parc National de Doñana est le plus significatif, agissant comme un régulateur naturel de la végétation des marais. En broutant et en piétinant, les troupeaux maintiennent une mosaïque d'habitats ouverte, empêchant la prolifération excessive de certaines espèces végétales, notamment les roselières denses, qui autrement homogénéiserait l'écosystème et réduirait la biodiversité. Cette action de "jardinage" naturel est cruciale pour de nombreuses espèces d'oiseaux limicoles (échassiers) et aquatiques qui dépendent des eaux peu profondes et des zones de végétation rase pour se nourrir et nicher. Sans cette pression de pâturage, les marais perdraient une partie de leur richesse faunistique.
De plus, l'impact du Retuertas est important d'un point de vue scientifique et de la conservation. En tant que race ayant une ascendance génétique proche de l'ancêtre sauvage, il est un modèle d'étude pour comprendre l'évolution du cheval et les mécanismes génétiques de l'adaptation à l'environnement. Sa rusticité et sa résistance aux maladies en font également un réservoir génétique potentiel pour améliorer la santé et la résilience d'autres races équines domestiques.
Enfin, l'impact du cheval Retuertas est également socio-économique et culturel. La présence des troupeaux semi-sauvages est un élément d'attraction pour l'écotourisme à Doñana, contribuant à la sensibilisation du public à la conservation des zones humides. Il est également une composante du patrimoine vivant de l'Andalousie, perpétuant des pratiques d'élevage traditionnelles et extensives qui sont intrinsèquement liées à l'histoire de la région. Son maintien contribue à la valorisation de la gestion durable des ressources naturelles et des terres.
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