Le cheval de Sorraia est une race équine primitive, rare et très ancienne, originaire du sud du Portugal, dans la vallée du fleuve Sorraia (un affluent du Tage), d'où il tire son nom. Considéré comme un précieux vestige génétique des chevaux sauvages indigènes de la péninsule Ibérique, le Sorraia présente des caractéristiques morphologiques archaïques, notamment une robe souris ou isabelle avec des marques primitives comme la raie dorsale et les zébrures aux membres. Découvert et sauvé de l'extinction au début du XXe siècle par l'éleveur portugais Dr. Ruy d'Andrade, ce petit cheval rustique et endurant est aujourd'hui classé en danger critique d'extinction. Malgré son effectif très réduit (quelques centaines d'individus), le Sorraia suscite un intérêt scientifique croissant et joue un rôle essentiel dans des projets modernes de réensauvagement (rewilding), où ses qualités d'herbivore adapté aux milieux pauvres sont valorisées pour la restauration écologique des écosystèmes méditerranéens.
La morphologie du cheval de Sorraia est remarquable par ses traits considérés comme archaïques et primitifs, évoquant son lien profond avec les formes ancestrales des chevaux sauvages de l'Europe préhistorique. C'est un cheval de petite taille, dont la hauteur au garrot oscille généralement entre 1,40 mètre et 1,48 mètre, le classant parfois à la limite entre le cheval et le poney, pour un poids avoisinant les 375 kilogrammes. Son allure générale est celle d'un animal rustique, agile et endurant, façonné par des siècles de vie en semi-liberté dans des environnements pauvres et difficiles.
La tête est l'une de ses caractéristiques les plus distinctives et archaïques : elle est souvent décrite comme sèche, longue, avec un profil convexe ou busqué, et de petites oreilles plutôt longues et des yeux également petits, donnant parfois une expression farouche ou singulière. L'encolure est généralement mince, portée haut, et s'insère sur une épaule plutôt droite. Le corps est étroit et anguleux, avec un poitrail peu développé mais une poitrine étonnamment profonde, conférant une bonne capacité respiratoire, essentielle à l'endurance. La ligne du dos est courte et droite, se terminant par une croupe légèrement inclinée et souvent peu musclée, avec une queue attachée assez bas. Les membres sont longs, minces et grêles, mais extrêmement robustes. Les canons sont assez longs, tout comme les paturons, et se terminent par des sabots remarquablement durs et sains, parfaitement adaptés aux terrains secs et pierreux de son habitat d'origine.
La robe est invariablement primitive, se manifestant par une couleur souris (ou grullo) ou isabelle (ou dun), sans jamais de marques blanches. Cette robe est toujours accompagnée de marques primitives : une nette raie dorsale (dite raie de mulet) qui court de la crinière à la queue, et des zébrures horizontales sur les membres, en particulier sur les genoux et les jarrets. Ces marques, rares chez la plupart des races domestiques modernes, sont un indicateur génétique fort de son ascendance primitive, le rapprochant du tarpan. Cette conformation générale, bien que n'étant pas toujours considérée comme la plus esthétique selon les standards modernes des chevaux d'élevage, est celle d'un cheval incroyablement frugal et résistant aux conditions extrêmes et aux maladies.
La répartition actuelle du cheval de Sorraia est extrêmement restreinte et fragmentée, reflétant son statut de race en danger critique d'extinction. Historiquement, cette race primitive était indigène du sud de la péninsule Ibérique, ayant survécu dans des zones de basses terres et de marais au Portugal, principalement dans la vallée du fleuve Sorraia (dans la région du Ribatejo) et l'Alentejo. Ces zones se caractérisent par des paysages de plaines ouvertes, de pâturages pauvres, de broussailles et de forêts clairsemées, typiques du climat méditerranéen sec et chaud. Cet environnement, où les ressources en nourriture et en eau peuvent être limitées, a façonné la rusticité et l'adaptabilité du Sorraia. Aujourd'hui, la population totale est très réduite, ne comptant pas plus de quelques centaines d'individus dans le monde. La majorité des Sorraias se trouve toujours au Portugal, leur berceau d'origine, souvent maintenus dans des réserves naturelles ou des projets de conservation où ils vivent en semi-liberté pour préserver leurs comportements sociaux et écologiques naturels. Des exemples incluent des projets de réensauvagement dans des régions comme l'Alentejo, où leur présence est utilisée pour la gestion écologique des terres.
Cependant, pour sécuriser l'avenir de la race et diversifier le bassin génétique très consanguin, une petite partie de la population a été exportée et se retrouve dans des programmes d'élevage et de conservation à l'international, notamment en Allemagne, qui possède le deuxième plus grand cheptel, ainsi qu'en France, au Canada, et au Brésil. Cette dispersion, bien que nécessaire, accentue la fragmentation de la population. L'habitat de prédilection du Sorraia, qu'il soit dans son environnement d'origine ou dans des réserves gérées, est celui qui permet l'expression de son comportement social grégaire et son rôle d'herbivore : de vastes étendues avec une variété de végétation, notamment des broussailles et des herbacées, qu'il aide à maintenir en équilibre par son pâturage et son piétinement.
Gros plan du Sorraia Auteur: Selona CC0 (Domaine public)
ÉCOLOGIE
L'écologie du cheval de Sorraia est intrinsèquement liée à son statut d'herbivore clé dans les écosystèmes méditerranéens. En tant que descendant présumé des chevaux sauvages ibériques, son comportement et ses habitudes alimentaires sont ceux d'un grand herbivore ayant une influence structurante sur le paysage. Il est adapté pour brouter et pâturer une large gamme de végétation, y compris des herbes moins nutritives et des broussailles que d'autres herbivores évitent, ce qui est crucial pour le maintien d'une mosaïque d'habitats diversifiée.
Le Sorraia vit selon un instinct grégaire très fort, organisant sa vie en troupeaux sociaux bien structurés avec une hiérarchie claire et un étalon dominant assurant la protection et la reproduction. Ce comportement social est fondamental pour sa survie en milieu semi-sauvage, renforçant la cohésion et la vigilance collective face aux dangers. Sa rusticité est un trait écologique majeur, lui permettant de survivre et de se reproduire dans des environnements pauvres et de résister aux conditions climatiques extrêmes du sud de l'Europe, y compris les étés secs. Cette frugalité fait qu'il est idéal pour le pâturage extensif.
Dans les projets de réensauvagement (rewilding), le Sorraia est désigné comme un "architecte écologique" en raison des multiples bénéfices qu'il apporte à l'environnement. Par son action de pâturage et de broutage, il contribue à réduire la charge en biomasse inflammable, en particulier les herbes sèches et les arbustes, jouant ainsi un rôle important dans la prévention des incendies de forêt, un problème majeur dans les régions méditerranéennes. De plus, son piétinement du sol et le dépôt d'excréments sont des facteurs écologiques importants. Le piétinement brise la litière végétale et aère légèrement le sol, facilitant la germination de certaines graines et la création de niches pour d'autres espèces. Les excréments enrichissent le sol en matière organique et dispersent les graines, favorisant le renouvellement de la flore et la biodiversité végétale. En créant des zones de pâturage et des passages ouverts dans les fourrés, le Sorraia favorise également l'apparition et le maintien d'habitats ouverts, bénéfiques pour une variété d'autres espèces, y compris les pollinisateurs et les petits mammifères.
ORIGINE
L'origine du cCheval de Sorraia est un sujet de grand intérêt scientifique et historique, car il est considéré comme une relique génétique des chevaux sauvages de la péninsule Ibérique, potentiellement l'un des derniers représentants de l'ancien Equus ferus caballus du sud de l'Europe. Bien que son statut génétique exact soit parfois débattu, la théorie dominante, initialement proposée par son découvreur, le Dr. Ruy d'Andrade (agronome et éleveur portugais), en 1920, soutient qu'il est le descendant direct et primitif d'un cheval sauvage indigène de la région, potentiellement lié au tarpan (Equus ferus) de l'Europe de l'Est par des caractéristiques morphologiques communes (notamment la robe primitive et le profil busqué).
Ruy d'Andrade a trouvé les derniers individus survivants de cette population dans des régions isolées le long du fleuve Sorraia, qu'il a ensuite rassemblés et élevés pour préserver la race de l'extinction imminente, d'où le nom de la race. Tous les individus Sorraia actuels descendent d'un très petit nombre de chevaux sélectionnés par d'Andrade dans les années 1930, ce qui explique le niveau très élevé de consanguinité de la race aujourd'hui. D'Andrade a émis l'hypothèse que le Sorraia pourrait même être l'ancêtre de plusieurs races ibériques modernes, notamment le Lusitanien et l'Andalou. Cette théorie est basée sur des similitudes morphologiques et est renforcée par des analyses génétiques qui confirment un lien ancien et distinct entre le Sorraia et les autres races ibériques. Ces analyses ont montré que le Sorraia possède des haplotypes génétiques uniques qui ne se retrouvent que rarement, ou pas du tout, chez d'autres races, soulignant sa singularité et son importance en tant que réservoir de diversité génétique pour l'espèce équine.
Cependant, certains chercheurs ont suggéré que le Sorraia pourrait être issu d'un processus de sélection inverse, où des chevaux domestiques aux traits primitifs (robe souris/isabelle, raie de mulet) auraient été sélectionnés par l'homme pour ressembler au type sauvage observé autrefois. Quelle que soit l'interprétation exacte de son origine, il est universellement reconnu comme un cheval primitif, non pas au sens de sauvage pur comme le cheval de Przewalski (Equus przewalskii), mais comme une race autochtone ayant conservé un patrimoine génétique exceptionnellement proche de ses ancêtres sauvages et jouant un rôle crucial dans la compréhension de l'évolution du cheval domestique dans la péninsule Ibérique.
Andrade, Ruy d' (1937). "Les chevaux du Sorraia." Comptes Rendus du XII Congrès International de Zoologie, Lisboa (1935): 2368-2370.
Andrade, Ruy d' (1945). O cavalo do Sorraia. Alpiarça, Garrido-Artes Gráficas, 33 p.
Royo, L. J., Álvarez, I., Beja-Pereira, A., Molina, A., Fernández, I., Gómez, E., Gutiérrez, J. P., & Goyache, F. (2005). "The Origins of Iberian Horses Assessed via Mitochondrial DNA." Journal of Heredity, 96(6), 663–669.
Luís, C., Cothran, E. G., & Oom, M. M. (2002). "Variation in the mitochondrial control region sequence between the two maternal lines of the Sorraia horse breed." Animal Genetics, 33(4), 309-312.
Gothran, E. G., & Luís, C. (2005). "Genetic distance as a tool in the conservation of rare horse breeds." In Conservation Genetics of Endangered Horse Breeds (p. 66 ; 68). Wageningen Academic Pub.
Luís, C., Cothran, E. G., & Oom, M. M. (2007). "Inbreeding and Genetic Structure in the Endangered Sorraia Horse Breed: Implications for its Conservation and Management." Journal of Heredity, 98(3), 232-237.
Jansen, T., Forster, P., Levine, M. A., Oelke, H., Hurles, M., Renfrew, C., Weber, J., & Olek, K. (2002). "Mitochondrial DNA and the origins of the domestic horse." Proceedings of the National Academy of Sciences, 99(16), 10905–10910.